Le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) vient de publier son dernier rapport 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France. Et le constat est sans appel : les discriminations fondées sur le sexe ne diminuent pas. Au contraire, elles progressent dans toutes les sphères de la société, y compris dans le monde du travail : l’état des lieux du sexisme en entreprise inquiète. Et ce malgré les actions de communication qui promeuvent lutter contre les discriminations en France et notamment l’égalité femmes-hommes au travail. Les éclairages de myRHline.
Rapport HCE : le sexisme en France ne recule pas, il progresse
Selon le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, le fléau est loin de reculer en France. En dépit du mouvement #MeToo, d’importantes mobilisations et actions de communication à l’œuvre en France sur ce sujet, les clichés sexistes et stéréotypes demeurent, y compris dans la sphère professionnelle. C’est le principal enseignement que l’on peut retirer du dernier rapport publié récemment par l’instance nationale consultative, le HCE.
« L’opinion est paradoxale : elle reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes », indique le rapport du HCE.
Le manque de confiance de l’opinion vis-à-vis des pouvoirs publics est d’autant plus alarmant face à des phénomènes de “backlash” post #MeToo qui auraient marqué l’année 2022. On note un manque de confiance considérable vis-à-vis des institutions et des politiques dans la prévention et la lutte contre les violences sexistes, indique le baromètre HCE sur cette problématique.
Ces pouvoirs publics sont considérés comme n’étant pas à la hauteur des enjeux sur ces fléaux : “ La responsabilité institutionnelle et politique est désignée par une partie de la société qui demande une plus forte prise en compte et davantage d’actions concrètes », note le HCE.
Dans cette seconde édition du Baromètre Sexisme que présente le rapport du HCE, les femmes sont toujours aussi nombreuses à affirmer avoir déjà vécu des situations de traitement inégalitaire. En effet, 80 % d’entre elles ont déjà eu le sentiment d’avoir été victimes d’inégalités de traitement en raison de leur sexe (un pourcentage qui ne s’élève seulement qu’à 37 % concernant les hommes).
En outre, l’écrasante majorité des Françaises et des Français constate des discriminations à cet égard : 93 % considèrent que les hommes et les femmes ne sont pas soumis aux mêmes traitements dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…)
Et dans la sphère professionnelle ?
Le rapport du HCE indique encore que :
Comme lors de la première vague du baromètre, les personnes interrogées perçoivent le monde professionnel comme particulièrement sexiste : seule 20 % de la population estime que les femmes et les hommes y sont égaux en pratique, un score en baisse de 3 points.
Une part qui diminue à 10 % lorsque sont interrogées les femmes de 66 ans et plus.
D’après le rapport publié par le HCE, plusieurs phénomènes qui concourent à la polarisation du marché de l’emploi peuvent expliquer ces phénomènes. D’une part, “la persistance de voies professionnelles qui s’ouvrent difficilement, notamment dans les filières numériques et scientifiques, qui composent la majorité des métiers d’avenir”. Tout cela représente par ailleurs une perte de chance considérable pour les entreprises.
D’autre part, la surreprésentation des femmes au sein des métiers dits précaires (comme ceux liés au care), avec des conditions de travail complexes et des horaires atypiques.
A noter : 37 % des femmes soutiennent avoir déjà vécu des inégalités de traitement en raison de leur sexe dans leurs choix d’orientation professionnelle.
Le rapport du HCE démontre notamment que le monde du travail fait partie des sphères de la société dans lesquelles les femmes auraient vécu le plus de situations sexistes pour 46 % d’entre elles, avec le foyer (49 %) et les transports (57 %).
Par ailleurs, ce rapport du HCE indique que 41 % d’entre elles, lorsqu’elles sont âgées de 15 à 24 ans, affirment avoir vécu « des situations inégalitaires à l’école ou dans leurs études. » Et une majorité fait état de sexisme ordinaire. Ainsi, 57 % des femmes ont déjà été confrontées à des blagues ou remarques à caractère sexiste. Et dans les catégories socio-professionnelles supérieures, 2 femmes sur 3 seraient concernées.
En outre, les écarts de salaire demeurent préoccupantes :
Dans le monde du travail, 23 % des femmes ont vécu un écart de salaire avec un collègue homme à poste égal ou compétences égales et 13 % une discrimination à l’emploi, des taux qui s’élèvent à 34 % et 21 % pour les cadres
À l’heure où la santé financière et la QVCT sont au coeur des préoccupations des collaboratrices et collaborateurs, ces données inquiètent d’autant plus. L’ensemble des fléaux discriminatoires a malheureusement des conséquences notables et très concrètes sur la vie quotidienne des femmes, notamment sur le plan professionnel. Ainsi, 35 % des actives n’auraient pas osé demander d’augmentation ou de promotion. Un pourcentage qui s’élève à 44 % (soit près d’une personne sur 2 !) pour les CSP moins.
« Les situations sexistes au quotidien peuvent donc fonctionner comme des trappes à bas salaire et expliquer pour partie la persistance d’inégalités salariales sur le marché du travail« , indique le rapport du HCE.
De quoi affecter l’épanouissement professionnel d’une part, la marque employeur des entreprises d’autre part.
Rapport HCE : comment lutter contre le sexisme au travail ?
Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité propose un “plan d’urgence global” contre toutes les manifestations sexistes et ses causes. L’instance nationale consultative insiste sur le volet préventif.
En effet, elle indique que l’effort à fournir dans la lutte contre les inégalités de traitement “doit non seulement porter sur la protection et la répression mais aussi sur la prévention en agissant sur les mentalités dès le plus jeune âge.”
Dans la sphère professionnelle, le Haut Conseil à l’Egalité prévoit davantage de sévérité pour les entreprises ou autres organisations qui ne mettraient pas en place de dispositifs de lutte efficaces. Ainsi, le rapport prévoit notamment :
- De passer « d’une obligation de moyens à une obligation de résultats pour les politiques d’égalité”
- D’exiger des mesures déjà existantes dans le secteur public (réduction des écarts de salaire, dispositifs de lutte contre le harcèlement sexuel ou moral), “qu’elles soient étendues au secteur privé et évaluées sous trois ans”
En outre :
- L’index égalité Pénicaud devra désormais s’étendre au secteur public
- Dans tous les secteurs, les sanctions doivent être établies jusqu’à 1 % de la masse salariale si les mesures ne sont pas respectées
- La lutte contre les stéréotypes doit être renforcée via l’adoption d’un plan national d’orientation professionnelle, et ce dès le collège afin d’orienter « les jeunes filles vers les métiers scientifiques, techniques, numériques, et d’avenir »
Cette lutte contre les stéréotypes doit aussi inclure au sein des recommandations du conseil national des programmes l’obligation de « justes représentation et proportion de figures féminines dans les manuels, les programmes scolaires et les sujets d’examen, et conditionner leur mise sur le marché à cette juste représentation (…) », note le rapport du HCE.
Mais le HCE insiste aussi dans son rapport sur l’évaluation et la labellisation des formations déjà existantes dédiées à la prévention et la lutte contre ces fléaux au travail. Il s’agit de les rendre obligatoires par l’ensemble des employeurs.
Le HCE également dans son rapport vouloir déconstruire les stéréotypes sexistes à l’oeuvre dans les médias.
Enfin, le Haut Conseil à l’Egalité souhaite “adopter des critères d’égaconditionnalité dans l’ensemble des aides et financements publics pour qu’aucun argent public ne soit distribué sans contrepartie en matière d’égalité ; systématiser l’élaboration de budgets genrés.”
En matière d’égalité et de parité au travail, le récent rapport du HCE nous démontre qu’il y a encore du chemin à parcourir.
Tandis que les inégalités femmes-hommes semblent aujourd’hui reconnues par l’opinion dans la majorité et dans chaque secteur, il y a un fort décalage entre ladite prise de conscience et la réalité. Cette prise de conscience ne semble pas, en effet, avoir de conséquence concrète ou immédiate sur l’évolution de la situation réelle que vivent les femmes.
« Ce décalage entre conscience et actes explique qu’une très importante majorité des femmes intègre des stratégies de contournement ou d’anticipation » des inégalités de traitement, « dès le plus jeune âge et tout au long de la vie », insiste le HCE dans son rapport.