Du management bienveillant à la candeur radicale : Kim Scott propose une approche de leadership équilibrée appelée « radical candor ».
Cette philosophie encourage un feedback franc pour éviter une « empathie destructrice », soulignant l’importance de la sincérité et de la communication directe. La « candeur radicale » vise à créer un environnement où les critiques constructives sont encouragées, favorisant ainsi un dialogue ouvert et une amélioration continue au sein des équipes.
Mais comment appliquer cette approche ? Les éclairages de myRHline.
Du management bienveillant à la candeur radicale
Ces derniers temps, on a pu voir de nombreux discours fleurir en faveur d’un management dit bienveillant, ou (plus) humain. Car à ce jour, nombreuses sont les études à avoir démontré que le mode de management adopté pouvait directement influer sur le bien-être des salariés et leur santé mentale (nous pensons notamment à cette étude, largement citée, de l’institut Gallup qui révèle qu’un employé sur 2 démissionne à cause de sa relation avec leur supérieur hiérarchique). Une étude récente, menée à l’échelle mondiale, démontre entre autres que les managers jouent un rôle aussi important que les conjoints dans la santé mentale d’une personne. (Mental Health at Work: Managers and Money, UKG)
Effet boule-de-neige oblige, les salariés affectés par leurs (mauvaises) relations hiérarchiques auront tendance à être moins efficaces, moins productifs dans leurs missions, voire à quitter le navire. Autant d’éléments pouvant conduire à un climat de travail toxique, mais aussi à la baisse de la performance globale de l’entreprise et à un impact potentiel sur la marque employeur. Autrement dit, si la santé mentale des salariés est impactée, c’est aussi la santé de l’entreprise dans son ensemble qui est en jeu.
S’il n’est plus à démontrer qu’un management dit toxique peut avoir des conséquences néfastes, attention cependant à l’exact inverse. À ce que l’autrice américaine appelle « l’empathie destructrice » : par crainte d’une dégradation du climat avec les collaborateurs, certains managers peuvent renoncer à fixer des objectifs exigeants ou à formuler un feedback sincère et franc. Autrement dit, tout est question d’équilibre. Et c’est précisément pour cette raison que Kim Scott prône la « radical candor » (candeur radicale). Soit le feedback franc, sincère, applicable au manager comme au managé.
Dès l’instant où l’on commence à parler, on nous apprend que si l’on n’a rien de gentil à dire, il vaut mieux se taire. Si le conseil vaut pour la vie courante, appliqué au management, il se révèle catastrophique. C’est ainsi que certaines mises à l’écart peuvent se produire sans que le salarié sache ce qu’on lui reproche.
Radical candor : derrière ce concept, l’histoire de Kim Scott
Dans son livre Radical candor, Kim Scott raconte avoir, comme beaucoup, vécu les comportements néfastes d’un responsable hiérarchique. Après avoir quitté l’entreprise et fondé sa propre société dans laquelle l’autrice souhaitait instaurer un environnement où « tout le monde apprécierait son travail et ses confrères », elle s’est cependant heurtée à un problème inverse :
À force de vouloir instaurer une ambiance positive, sans aucune pression, je suis passée à côté d’un aspect difficile mais indispensable de la gestion d’équipe : signaler de manière claire et directe à ses collaborateurs tout travail qui n’est pas à la hauteur. Je n’ai pas su créer un climat dans lequel les personnes dont le travail était insuffisant en étaient informées à temps pour rectifier leurs erreurs.
Pour bien comprendre comment est apparu le concept de radical candor :
Scott se souvient ici d’un candidat, devenu ensuite collaborateur, qui s’était présenté avec un CV brillant et d’excellentes références. Finalement, Kim s’est rendue compte que la qualité des tâches effectuées n’était pas au rendez-vous. Or, il s’agissait d’une petite entreprise qui luttait pour se « maintenir à flot ». K.Scott explique : « Nous n’avions aucune marge de manœuvre pour refaire son travail ou même repasser derrière lui pour pallier ses négligences ». Kim le savait depuis le départ. Pourtant, elle n’est pas parvenue à verbaliser les choses en entretien : « Je me suis entendue lui dire que c’était un bon début et que je l’aiderais à finir. Il m’a souri sans conviction et a pris congé ».
En réalité, la manager avait peur de sembler trop dure et se trouvait tiraillée entre concessions humaines et impératifs liés à la santé même de l’entreprise. Un cercle vicieux est alors apparu : à force de taire les choses qui vont mal, les non-dits s’accumulent jusqu’à provoquer les conséquences que l’on imagine.
Vous le savez probablement : chaque fois que l’on accepte un travail médiocre ou en retard, cela déclenche du ressentiment, puis de la colère. Le problème ne vient plus, selon nous, d’un travail mal fait, mais d’un individu travaillant mal. Difficile d’avoir une conversation sereine avec ce dernier. On finit alors par l’éviter.
Invoquons, là encore, l’effet boule-de-neige, sur les employés ayant tenté de corriger les erreurs du collaborateur en empiétant même sur leurs heures de sommeil. Finalement, le salarié sera licencié, et reprochera à sa supérieure de ne pas lui avoir dit les choses. Or, cette situation aurait pu être évitée : « Non seulement mes louanges passées étaient trompeuses – je n’avais jamais critiqué son travail –, mais je ne lui avais jamais demandé non plus de feedback. Cela lui aurait permis de discuter et de trouver une solution. »
Kim déplore également le fait de n’avoir pas su créer une culture d’entreprise dans laquelle les collègues de cette personne auraient pu « naturellement l’avertir qu’il sortait des rails ». La cohésion d’équipe a été affectée, et les résultats en pâtissaient : « L’absence de critiques, positives ou négatives, avait eu des effets catastrophiques sur notre équipe et sur nos chiffres. »
- Au cours de sa carrière, Kim Scott est passée par des géants de la Silicon Valley tels que Google, dans laquelle elle se rapproche de cette philosophie de gestion des équipes à la « radical candor ». Elle a d’ailleurs plus tard cofondé le cabinet Candor, Inc en 2016. Aujourd’hui PDG de Candor Inc, Kim Scott a conseillé des entreprises innovantes comme Twitter — devenu X — et Dropbox.
Comment pratiquer la sincérité bienveillante ?
Comment appliquer, concrètement, la sincérité bienveillante (ou radical candor) au sein de son équipe ?
Dans son livre, l’autrice fait apparaître 2 axes :
- Care personnaly : l’autrice nous met en garde quant à la mauvaise interprétation du mot « professionnel », souvent considéré comme la nécessité de mettre ce qui caractérise son humanité de côté (par exemple, ses émotions). Le risque de cette conception est de provoquer l’apathie dans les rapports sociaux en entreprise. L’autrice insiste donc sur la nécessité, en tant que leader, d’instaurer un climat qui — ce qui implique de faire valoir leur personnalité, leurs émotions. Au-delà des compétences professionnelles, une relation solide nécessite authenticité et considération envers chaque individu en tant qu’être humain. Un axe intéressant à l’heure où les soft skills sont davantage valorisées qu’auparavant ;
- Challenge directly : pour autant, cette nécessité incontestable ne doit pas être un frein à la franchise, à la nécessité de dire les choses. Toute la difficulté de cette approche réside dans la peur de blesser l’autre. Mais nous l’avons vu avec l’histoire de K. Scott elle-même : laisser s’accumuler des non-dits quant à la mauvaise qualité du travail d’un collaborateur, ne rend ni service à l’entreprise ni collaborateur lui-même.
En vidéo, retour sur les explications de l’autrice :
Enfin, K. Scott établit toute une série de règles applicables dans la sphère de l’entreprise pour appliquer cette « sincérité bienveillante », la « radical candor », ou l’art de combiner les deux approches que nous avons vues, à savoir :
- Encourager le feedback des collaborateurs, positif comme négatif ;
- Leur donner également votre feedback : formulez vos critiques en temps et en heure en prenant soin de valoriser ce qui a été bien fait, en indiquant ce qui peut être amélioré ;
- Dire les choses immédiatement : dans son ouvrage, l’autrice nous apprend que plus l’on attend, plus dire les choses est difficile ;
- Les dire en privé, non en public ;
- Encourager le dialogue de façon générale entre pairs pour éviter les situations de médisance ;
- S’adapter aux sensibilités de chacun.
Radical Candor souligne l’importance de ne pas se heurter au politiquement correct, car cela peut fréquemment conduire à des comportements passifs-agressifs résultant de la frustration, de l’hypocrisie ou de la manipulation.
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