Maître Aurélie Roche, Avocate, pour Horoquartz
Si le suivi du temps de travail permet à l’employeur d’exercer un contrôle sur les heures effectuées par les salariés et de s’assurer du respect par ces derniers des temps de repos légaux, ce suivi du temps de travail est avant tout une obligation légale qui s’impose à l’employeur.
Ce dernier est en effet tenu d’exercer un suivi du temps de travail des salariés soumis à des horaires individuels ou à des horaires collectifs différenciés au sein d’un même atelier, d’un service ou d’une équipe. Par ailleurs, l’employeur est dans certains cas tenu d’établir un décompte individuel des salariés soumis à un horaire collectif, notamment en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires ou d’astreintes.
En pratique, l’employeur doit établir un certain nombre de documents nécessaires au décompte du temps de travail et les tenir à disposition des salariés et, en cas de contrôle, de l’Administration.
Dans ce cadre, nous étudierons ci-après :
- Les obligations de l’employeur en termes de suivi des salariés ;
- L’obligation spécifique de suivi des salariés en forfait-jours ;
- Les modalités de suivi envisageables (suivi manuel/électronique).
1/ Les obligations de l’employeur en termes de suivi des salariés
L’employeur peut déroger à la règle de l’horaire collectif en organisant le temps de travail selon des horaires individualisés ou des horaires collectifs différenciés. Dans ce cadre, l’employeur est tenu d’établir un décompte individuel quotidien et hebdomadaire de la durée du travail effectuée par chaque salarié[1]. Pour satisfaire aux exigences prévues par les dispositions légales, ce décompte doit faire apparaître les périodes effectives de coupures et de pauses effectuées par les salariés[2].
Sauf dispositions conventionnelles spécifiques, l’employeur doit en outre remettre au salarié chaque mois un document annexé au bulletin de paie, mentionnant notamment le nombre d’heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos dont il dispose, les heures supplémentaires effectuées, le nombre de jours de repos pris, le nombre d’heures d’astreintes effectuées. Pour les salariés soumis à un régime dérogatoire de temps de travail (notamment une convention de forfait), l’employeur doit en outre remettre au salarié en fin de période de référence ou lors du départ de ce dernier de la société, un document reprenant l’ensemble des heures de travail accomplies.
Par ailleurs, l’employeur n’est pas exonéré de toute démarche visant à assurer le suivi et le contrôle du temps de travail des salariés soumis à un horaire collectif. Outre l’affichage sur le lieu de travail de l’horaire collectif applicable et sa transmission à l’Inspection du travail, un décompte des heures de travail doit être effectué, notamment en cas d’accomplissement par les salariés d’heures supplémentaires ou d’astreintes. L’employeur doit dans ce cadre informer les salariés du nombre d’heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos dont ils disposent, de l’ouverture du droit à repos et du délai de prise de ce repos.
2/ L’obligation spécifique de suivi des salariés en forfait-jours
Si les salariés soumis à un forfait annuel en jours organisent librement leur emploi du temps et leurs horaires de travail, l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle mentionnant les journées ou demi-journées travaillées par le salarié[3]. L’employeur doit par ailleurs veiller au respect des temps de repos du salarié et s’assurer régulièrement (notamment par le biais d’entretiens avec le salarié), du caractère raisonnable de sa charge de travail et de la bonne répartition du travail dans le temps[4].
3/ Les modalités de suivi envisageables (suivi manuel et électronique)
Aucun texte n’imposant à l’employeur la mise en place d’un système de contrôle particulier pour le décompte de la durée du travail des salariés, ce dernier est libre d’assurer le suivi du temps de travail par tous moyens.
L’employeur peut ainsi demander au salarié d’effectuer lui-même le décompte journalier et hebdomadaire de son temps par le biais de la tenue d’un registre, d’un cahier ou de fiches qui doit être tenu à disposition de l’Administration en cas de contrôle. Ce mode de suivi est fréquemment utilisé pour les salariés soumis à une convention de forfait annuel en jours organisant librement leur temps de travail qui, par définition, ne peuvent faire l’objet d’un contrôle de leurs horaires par l’employeur.
Par ailleurs, un système électronique ou informatique (par exemple le badgeage) peut être mis en place. L’employeur doit dans ce cas veiller à ce que ce système soit fiable et infalsifiable[5]. L’outil utilisé doit en outre permettre au salarié de s’assurer, au moment du pointage, de la concordance entre l’horaire réel et l’horaire enregistré[6]. A cet égard, il est possible de compléter le dispositif informatique utilisé par un décompte manuel, notamment pour permettre la prise en compte des heures supplémentaires effectuées[7].
Avant la mise en place d’un tel système informatisé, les instances représentatives du personnel et les salariés devront en être informés et une déclaration devra être effectuée auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
A noter enfin que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation des véhicules utilisés par les salariés ne peut pas servir à contrôler leur temps de travail si ce contrôle peut être assuré par d’autres moyens, même moins efficaces, comme des documents déclaratifs[8].
Quelles que soient les modalités de suivi mises en œuvre au sein de l’entreprise, l’employeur est tenu de conserver les documents permettant un éventuel contrôle de l’Administration. Si le Ministère du travail préconise de conserver les documents pendant une durée d’un an[9], il est en pratique opportun de conserver ces derniers à minima pendant trois ans compte tenu du délai de prescription applicable en matière de paiement des salaires.
Maître Aurélie Roche, Avocate, pour Horoquartz
[1] Article D. 3171-8 du Code du travail
[2] Cass. crim. 25 janvier 2000, n°98-85266
[3] Article L. 3121-65 du Code du travail
[4] Articles L. 3121-60, L. 3121-64, Cass. soc. 26 septembre 2012, n°11-14.540
[5] Article L.3171-4 du Code du travail
[6] Circ. DRT 93-9 du 17 mars 1993
[7] Cass. soc. 11 mai 2005, n° 03-17.494
[8] Conseil d’Etat, 15 décembre 2017, n°403776 ; Cass. soc. 3 novembre 2011, n°10-18.036 ; Cass. soc. 17 décembre 2014, n°13-23.645
[9] Circ. DRT 93-9 du 17 mars 1993