Les jeunes actifs plébiscitent des parenthèses plus longues que les congés classiques pour explorer d’autres projets. Cette tendance encore émergente en France oblige les RH à repenser les rythmes de carrière et les politiques de congés. Entre prévention de l’épuisement et nouvelles attentes générationnelles, la micro-retraite pourrait bien devenir un nouvel enjeu de QVCT.
Une génération face à l’incertitude du “plus tard”
« Pourquoi attendre la retraite puisque, de toute façon, on n’en aura pas ? » Si vous côtoyez de jeunes actifs, cette phrase doit vous sembler familière… Et le constat dépasse largement la nouvelle génération. Le baromètre Odoxa sur les Français et la retraite met en lumière une forme de résignation collective face à l’âge légal de départ. Près d’un Français sur deux anticipe désormais un départ après 65 ans. Pour beaucoup, la retraite apparaît lointaine, incertaine, voire inaccessible.
Face à cette perspective, la Gen Z bouscule une nouvelle fois les codes et remet en question le modèle de carrière linéaire. Plutôt que de concentrer les temps de repos en fin de vie professionnelle, elle choisit de les répartir tout au long de son parcours. C’est dans ce contexte qu’émerge la notion de micro-retraite.
La micro-retraite, une pause choisie
Le principe est simple : s’accorder une pause professionnelle de quelques semaines à plusieurs mois. Contrairement au congé sabbatique tel qu’il est traditionnellement conçu, la micro-retraite n’implique pas nécessairement un retour garanti au poste quitté, ni un objectif de montée en compétences lié au métier exercé.
Voyage au long cours, projet artistique, expérience de vie à l’étranger, engagement associatif… la micro-retraite répond avant tout à un besoin d’exploration personnelle. Elle permet de sortir temporairement du cadre professionnel pour redonner de la place à d’autres aspirations.
Ce choix s’inscrit dans une quête plus large d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle (worklife balance). Là où les générations précédentes privilégiaient la stabilité, les jeunes actifs revendiquent un rythme plus soutenable, ici et maintenant. Le travail n’est pas totalement rejeté, simplement il n’est plus central.
Une réponse aux risques d’épuisement précoce
Cette aspiration s’explique aussi par un contexte de tension accrue. Télétravail généralisé, porosité des frontières vie pro/vie perso, allongement des études, pression à la performance : les facteurs de surcharge s’accumulent dès les premières années de carrière. Et une part importante des jeunes actifs se déclarent stressés.
Dans ce cadre, la micro-retraite apparaît comme une alternative aux congés classiques. Car même lorsqu’ils sont réguliers, ces derniers ne suffisent pas toujours à permettre une véritable déconnexion.
À l’inverse, une pause plus longue offre un recul réel. Elle permet de souffler, de se recentrer et, souvent, de revenir avec une vision plus claire de ses attentes professionnelles. Pour certains, elle évite un burn-out ; pour d’autres, elle prévient une démotivation durable.
Les bonnes pratiques des employeurs face aux micro-retraites
Si la micro-retraite relève d’une démarche individuelle, les entreprises ont un rôle à jouer pour la rendre compatible avec leurs enjeux organisationnels.
Déstigmatiser les pauses professionnelles
Le « trou dans le CV » reste encore largement perçu comme un signal négatif. Pourtant, une période de pause est souvent synonyme de maturation : meilleure connaissance de soi, clarification des priorités, développement de compétences transverses.
Pour que cette évolution soit crédible, elle ne peut pas se limiter à un discours. La culture d’entreprise doit, elle aussi, légitimer les pauses longues. Certaines organisations commencent à envoyer des signaux forts en ce sens.
Chez Indy, par exemple, les collaborateurs dès 5 ans d’ancienneté peuvent prendre un congé sabbatique d’un mois. Le dispositif, s’il ne correspond pas exactement à une micro-retraite, traduit une reconnaissance explicite du droit à la pause.
Accompagner les salariés dans leur projet
Dans certains pays, comme la Belgique, des dispositifs publics permettent déjà aux salariés de suspendre temporairement leur activité tout en percevant une partie de leur rémunération. En France, sans aller jusque-là, les entreprises peuvent mettre en place plusieurs solutions.
L’accès à l’épargne salariale, l’actionnariat salarié ou encore la mobilisation du CPF pour financer une formation non liée au poste occupé peuvent faciliter la concrétisation d’une micro-retraite. Ces dispositifs contribuent aussi à la santé financière des collaborateurs, le manque de ressources étant le frein principal à un congé prolongé.
Soigner l’offboarding… et penser le retour
Enfin, la micro-retraite invite à repenser l’offboarding. Non, un départ n’est pas toujours une fatalité ! Un dialogue transparent, sans promesse ni engagement, permet de maintenir une relation de confiance. Un offboarding bien mené peut même laisser la porte ouverte à un retour, à un autre moment.
Micro-retraite : un signal faible qui interroge le rapport au travail
Au-delà de la question des congés étendus, la micro-retraite révèle une attente accrue de flexibilité et une volonté de redéfinir la productivité. Pour les RH, l’enjeu n’est pas tant de généraliser la micro-retraite que d’en comprendre le message sous-jacent : la nouvelle génération ne veut pas différer le bien-être à plus tard ! Il est temps, pour les organisations, de repenser les carrières comme des trajectoires évolutives, et ponctuées de respirations.
Source(s) documentaire(s) :
- Baromètre Odoxa Groupama, les Français et la retraite (2025)
- Site carrière Indy

