À l’heure où les pouvoirs publics encouragent à une réflexion sur l’organisation du travail, la 8e édition du baromètre Absentéisme de Malakoff Humanis alerte sur l’augmentation de l’absentéisme chez les jeunes salariés et managers – et notamment sur les arrêts maladie longue durée. Et en effet, les arrêts longs pour motifs psychologiques sont multipliés par deux.
Explications.
Salariés, managers : entre arrêt maladie et absentéisme en hausse
Si 50 % des collaborateurs sont arrêtés au moins une fois au cours de l’année, l’absentéisme pour cause de maladie aurait atteint son plus haut niveau depuis 2016, si l’on en croit les résultats du baromètre disponible sur le Comptoir de Malakoff Humanis. La moitié des salariés des organisations privées, toutes tailles confondues, a en effet arrêtée au moins une fois sur une année. Une proportion qui semble tout à fait inédite, car l’absentéisme a augmenté de 9 points depuis la première édition du baromètre en 2016. Mais ce phénomène a aussi augmenté de 12 points depuis l’année 2021.
En parallèle, la part des collaborateurs s’estimant en bonne santé diminue depuis 3 ans (68 % s’estiment en bonne santé en 2023, contre 75 % en 2020).
Toutes durées confondues, la maladie ordinaire reste « le premier motif des arrêts maladie”, indique le communiqué de presse de Malakoff Humanis. C’est d’ailleurs le motif qui connaît la plus forte hausse cette année (28 % contre 21 % sur l’année 2022), précédant la Covid-19 (17 %) et les TMS (13 %).
En outre, les troubles psychiques seraient le premier motif des arrêts maladie longue durée (ceux qui excèdent plus de 30 jours). Ces arrêts ont été multipliés par 2 en l’espace de 3 années (32 % cette année, contre 14 % sur l’année 2020).
Cette forte progression de l’absentéisme toucherait davantage les jeunes collaborateurs cette année (58 %, soit + 12 points par rapport à 2022) et les managers (53 %, soit + 13 points) eux aussi concernés par l’arrêt pour maladie.
Mais outre les salariés et managers concernés par l’absentéisme et l’arrêt maladie sont également concernées ces populations :
- Les femmes (55 %, soit + 7 points) ;
- Les personnes âgées de 50 ans ou plus (41 %, soit + 7 points) ;
- Les personnes qui ont des enfants à charge (53 %, soit + 6 points) ;
- Les collaborateurs issus du secteur de l’action sociale ou de la santé (63 %, soit + 10 points).
Arrêt maladie : les managers particulièrement touchés par l’absentéisme
Les managers se déclarent stressés par rapport au travail : cela concerne la moitié d’entre eux. Les managers sont eux aussi concernés par des risques psychosociaux liés à leur santé mentale – ce qui peut entraîner une hausse des arrêts maladie. Comment expliquer une telle situation à l’heure où les actions en matière de QVCT sont de plus en plus fondamentales – et notamment en matière de santé mentale ?
Selon Malakoff Humanis, ce stress pourrait s’expliquer par une difficulté plus importante à gérer les priorités (pour 54 % des managers contre 40 % des non-concernés) ou par un “fort empiètement de la vie professionnelle sur la vie personnelle” (à 55 % contre 27 %). Et ce alors même que le concept d’équilibre vie privée vie professionnelle fait de plus en plus parler de lui aujourd’hui et constitue un enjeu RH à part entière.
En effet, rappelons que les enjeux liés au work-life balance seraient les principaux précurseurs des grandes problématiques liées à la gestion des collaborateurs, avec comme indicateurs phares le burn-out ou encore l’absence de motivation au travail par exemple.
Notons que les managers sont plus nombreux à consulter un professionnel de la santé mentale (psychologue, psychiatre), à 13 % contre 7 %. On observe aussi un risque de désengagement plus important : 45 % d’entre eux seraient prêts à se mettre en arrêt maladie même s’ils ne sont pas malades, contre 33 % des non-professionnels du management.
Les managers sont également en première ligne face à l’augmentation de l’absentéisme au sein de leurs équipes, tant en termes de réorganisation du travail que de prévention et d’accompagnement au retour à l’emploi. De plus, près d’un manager sur deux estime que le travail hybride et le télétravail ont rendu plus complexe leur rôle. Ils disent notamment avoir des difficultés à détecter et à gérer les situations de vulnérabilité de leurs collaborateurs ou à répartir leur charge de travail (…)
Et pourtant, 58 % des managers seraient intéressés par des dispositifs de formation dédiés à l’accompagnement des salariés en arrêt maladie.
Tout cela vient se heurter à une problématique essentielle et pourtant au cœur des enjeux RH : améliorer l’accompagnement du manager.
À cet égard, l’entreprise Alan a récemment organisé une conférence intitulée Manager et encadrer aujourd’hui : rêve ou désillusion ?, évoquant précisément ces problématiques et l’importance de l’accompagnement des managers.
Car en effet, le manager de 2023 réclame plus de soutien de la part de sa hiérarchie. Ils seraient d’ailleurs 41 % à se sentir isolés, pris en étau entre les sollicitations des équipes et le souci de performance insufflé par la direction.
- À savoir : 2 managers sur 3 ressentiraient le besoin d’échanger avec leur hiérarchie sur l’organisation du travail (baromètre Alan/Harris Interactive).
Une prévention des risques psychosociaux estimée insuffisante
Selon Malakoff Humanis, dans plus de 8 cas sur 10, les salariés avaient ressenti des signes avant-coureurs liées aux RPS en entreprise (risques psychosociaux) au cours des 2 années précédant leur arrêt de longue durée. Malakoff Humanis parle ainsi de fatigue excessive ou encore de surcharge de travail.
Si la parole se développe autour des actions à développer en faveur du bien-être des salariés, la prévention semble insuffisante. Moins de la moitié des salariés estiment que leur entreprise a développé des actions de prévention en ce sens. Une proportion qui reste stable, tandis que les dirigeants seraient plus nombreux à avoir instauré au moins une action de prévention et d’accompagnement des arrêts pour maladie (79 %, soit + 14 points par rapport à 2022).
Les collaborateurs estiment que la prévention de l’absentéisme passe d’abord par l’évolution de l’organisation du travail (34 %) tandis que les dirigeants estiment que “la sensibilisation et la formation des salariés et des managers aux problèmes de l’absentéisme” sont les meilleurs moyens de prévenir ces risques (29 %), et d’éviter ainsi l’arrêt maladie.
“Salariés et dirigeants s’accordent cependant pour dire que la maîtrise de l’absentéisme passe par une plus grande implication des salariés dans les orientations de l’entreprise. Ce levier est cité en première position par les dirigeants (31%) et en deuxième position par les salariés”, indique Malakoff Humanis.
Mais qu’en est-il des médecins du travail et des médecins traitants ? Ces derniers soutiennent la nécessité d’instaurer un “meilleur dialogue entre les différentes parties prenantes”. Parmi les solutions identifiées, l’accompagnement des fragilités sociales, la prévention santé et une meilleure coordination médicale pour accélérer la prise en charge. À noter que 60 % des médecins du travail proposent un temps partiel thérapeutique après un arrêt de de longue durée.
Voir aussi :
- Comment moka.care accompagne la santé mentale en entreprise ? Quelle place pour les managers ?
- Santé mentale des jeunes et arrêts maladie : les jeunes actifs particulièrement touchés