Avec la pandémie, les entreprises ont fait et continuent de faire face à une incertitude globale. Dans ce contexte, l’engagement des collaborateurs est plus que jamais au cœur des enjeux pour traverser ces périodes de changement. Le passage à un leadership délégatif est devenu une mutation nécessaire pour les entreprises qui font face à des problématiques complexes et changeantes. Retour sur la conférence du 17 Novembre dernier, présentée par Thierry Nadisic, professeur associé à l’emLyon business school.
Le leadership délégatif, un fruit de la nouvelle révolution industrielle
La grande caractéristique du contexte dans lequel les entreprises évoluent aujourd’hui est qu’elles s’inscrivent dans des environnements dits VICA : volatiles, incertains, complexes et ambigus. La pandémie de cette année intervient comme un facteur, mais ce n’est pas le seul. En réalité, d’autres facteurs de changement durables sont apparus dès les années 70.
Aujourd’hui nous nous trouvons dans une 3e révolution industrielle, fondée sur les technologies de l’information. Parmi les transformations profondes de nos sociétés, une, majeure, concerne l’autorité. L’autorité aujourd’hui n’est plus fondée sur la notion de légitimité automatique donnée par une hiérarchie, mais plutôt sur la compétence sociale : il faut prouver socialement que l’on est compétent, notamment en gérant la relation avec les personnes qu’on manage.
Le leadership délégatif s’inscrit dans ce changement de paradigme. De situations d’entreprises contrôlables et prévisibles où l’obéissance des employés était la clé d’un bon fonctionnement, nous sommes entrés dans une ère où chaque collaborateur de l’entreprise joue un rôle actif dans son adaptabilité aux marchés et autres environnements.
L’incertitude comme partie de la culture d’entreprise
Le leadership délégatif adresse l’incertitude. Dans ces environnements dits VICA, la notion d’incertitude s’oppose au risque qui lui, est calculable ou probabilisable. L’incertitude est synonyme de manque de visibilité. Un contexte qui amène un besoin accru d’engagement de la part des entreprises. Dans les entreprises des années 60, la stabilité du marché et la connaissance quasi absolue des risques permettaient une stabilité consolidée par la simple obéissance à la hiérarchie et aux procédures. Les fonctions étaient définies et constantes.
Aujourd’hui, l’obéissance ne suffit plus. Il existe un besoin d’engagement, car face aux incertitudes, on demande aux collaborateurs de prendre des initiatives, de remonter rapidement l’information, de réagir aux difficultés et coopérer ensemble de façon à répondre aux changements de façon réactive, voire proactive. C’est dans ce contexte que doit intervenir un management délégatif.
L’incertitude n’est pas seulement une question individuelle, c’est aussi une question de culture d’entreprise. En cas de changement important de l’environnement, avec beaucoup d’incertitudes, les méthodes de changement utilisées par les entreprises peuvent varier drastiquement. On peut par exemple opposer l’exemple dramatique de France Télécom il y a une dizaine d’années aux méthodes de l’entreprise Botanic, qui développe une capacité humaine de management et de leadership chez ses managers depuis 20 ans, pour gérer le changement d’une façon plus humaniste.
L’engagement au coeur des enjeux du leadership
L’engagement est un moteur intérieur, aussi distribuer des primes n’est pas une façon de le stimuler. Au mieux cela permet de développer une motivation extrinsèque. Par ailleurs, des études ont prouvé que face à des problèmes complexes, la prime n’a aucun effet, au contraire. Lorsque l’on donne une prime, on bloque la capacité intérieure à l’intelligence et la créativité. La personne se focalise sur le résultat et sur la prime et est moins capable de réaliser l’opération. Frederick Herzberg, grand théoricien du management, disait : “Si vous donnez un coup de pied aux fesses ou une carotte à quelqu’un, celui qui est motivé, c’est vous.” Dans ce type de leadership, la motivation au travail se situe du côté du manager. Si l’on veut motiver un collaborateur, il fait activer son moteur intérieur.
Cette notion d’engagement est importante aujourd’hui, car elle prend le relais de la notion d’obéissance alors adaptée dans les entreprises du modèle de celles des années 60. C’est cet engagement aujourd’hui qu’il faut développer dans l’entreprise en tant que leader, de façon à faire face à des situations complexes et incertaines.
3 clés pour un leadership délégatif
Il existe 3 notions qui participent au développement d’un leadership délégatif, lui-même moteur d’engagement chez les collaborateurs.
Le pouvoir d’agir
Dans un leadership délégatif, le pouvoir d’agir fait référence à l’empowerment cité dans la littérature autour du management dans les cultures anglophones. Il s’agit de donner aux membres de l’équipe la latitude d’agir et prendre des décisions. Cela implique une capacité à déléguer, impliquant un contrôle a posteriori. Donner le pouvoir d’agir. Donner le pouvoir d’agir s’oppose au micro management et permet aux collaborateurs de faire preuve de créativité et de réflexion, pour mieux faire face à l’incertitude et à la complexité de certaines situations. Pour développer le pouvoir d’agir, il existe des techniques, comme le silence, qui permet au manager de se placer en ressource au lieu de donneur d’ordre.
La confiance
La confiance est indispensable si l’on veut développer un leadership délégatif et créer du pouvoir d’agir. Pour produire cette confiance, la notion de sentiment de justice est importante. Puis, il est important de travailler les relations horizontales plutôt que les relations verticales. Elles permettent une richesse relationnelle importante. C’est dans cette richesse de la transmission d’informations que l’esprit d’équipe se diffuse. Dans le leadership délégatif, cette horizontalité permet un management transversal qui permet de mettre l’accent sur la coopération entre tous les collaborateurs de la structure.
L’épanouissement
Dans l’épanouissement, il existe deux notions importantes, intrinsèques au leadership délégatif, qui permettent de développer l’engagement. Premièrement, la vision. Au-delà d’une vision d’entreprise, une mission globale, c’est aussi une manière de voir commune qui permet d’avancer ensemble. Cette notion de vision est importante, car elle est en adéquation avec le pouvoir d’agir. Si l’on veut que les gens soient autonomes et prennent des initiatives, il faut leur donner un cadre. L’idée de la vision, c’est de donner un cap pour que toutes les énergies d’initiative et de créativité puissent se relier ensemble dans une même direction. La seconde notion est la puissance acquise. C’est la capacité à savoir quoi faire et prendre des décisions pour atteindre un objectif. Développer la puissance acquise permet de développer la capacité de décision et d’action.
La rédaction de myRHline, le média RH