Habituellement, les médias mettent en avant des dispositifs d’articulation des temps de vie au sein des entreprises du CAC 40 au travers des conciergeries ou des crèches d’entreprise, structures concrètes et physiques.
Mais, les dispositifs d’articulation des temps de vie ne se limitent pas à ce type de solutions ni aux grands groupes.
En effet, le monde des PME est innovant sur cette problématique mais fait peu parler de lui médiatiquement. Peu d’étude relate les projets de qualité de vie au travail dans les PME.
Pourtant, les enjeux dans les PME sont tout autant stratégiques et critiques : réduire l’absentéisme, fidéliser les salariés et réfléchir à l’engagement de ces derniers.
Les PME se font donc plus discrètes sur cette question d’articulation des temps de vie en entreprise. Leur approche est plus orientée terrain et s’avère aussi plus pragmatique. Les managers de proximité jouent un rôle important et semblent plus présents.
Quelles sont les mesures d’articulation des temps de vie proposées dans les entreprises ?
Les mesures proposées par les entreprises en France sont rarement ciblées et ne font que rarement l’objet d’une véritable politique cohérente intégrée à celle des Ressources Humaines par exemple. Ce sont encore souvent des mesures disparates liées au contexte même de l’entreprise, de la personnalité et des convictions du dirigeant, d’héritages historiques, des usages sectoriels plutôt qu’une politique formalisée.
Un exemple de PME : Maviflex
Maviflex est une entreprise spécialisée dans la fabrication de portes automatiques et manuelles et compte 114 collaborateurs. Anne-Sophie Panseri est la PDG de cette PME et a des convictions fortes. Son crédo est « tout doit être fait pour favoriser l’engagement des collaborateurs et créer les conditions d’un épanouissement personnel indispensable à la bonne dynamique collective. » Pour cela Anne-Sophie Panseri a réfléchi et mis en place plusieurs mesures qui visent à l’articulation des temps de vie en entreprise comme « l’organisation des réunions en journée, fermeture à 18h30, souplesse des horaires pour les jeunes parents, incitation à la prise décomplexée de congés parentaux. »[1]
Pour construire et mettre en place ces mesures, cette PME utilise des approches transverses, décloisonnées, collectives et participatives.
FACE : le projet « Gestion Prévisionnelle des Temps de Vie » s’adresse aussi au monde des PME
FACE est la Fondation Agir Contre l’Exclusion créée en 1993. La vocation de la Fondation FACE est de prévenir et lutter contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination et de pauvreté, à partir des acteurs économiques. En lien avec les parties prenantes territoriales, FACE favorise l’innovation sociale et sociétale et la mise en action de la Responsabilité Sociale d’Entreprise (emploi, éducation, consommation…) des grandes comme des petites entreprises.
L’une des actions menées dans le projet « Sérendipité »[2] est la mise en place d’une commission nationale sur la « Gestion Prévisionnelle des Temps de Vie » (GPTV) à l’instar de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), que l’on nomme depuis 2017 la GEPP. La Gestion Prévisionnelle des Temps de Vie (GPTV) vise à permettre aux entreprises de mieux gérer, à l’image de la GPEC, leurs actions pour leurs salariés et ainsi de mieux prendre en compte cet enjeu majeur.
Vincent Baholet, délégué général de FACE précise que « ce projet GPTV :
– a permis d’analyser les bonnes pratiques développées tant par les grandes entreprises que par les PME afin de les mobiliser, les avancées n’étant pas liées à la taille des entreprises.
– Il s’agit aussi de mettre en évidence les « mauvaises » pratiques et les freins afin d’identifier les conditions de réussite d’une telle démarche. »
Différentes thématiques ont été étudiées au cours de l’année 2013 aboutissant à la réalisation d’un guide de synthèse :
– Adaptation des actions sur la GPTV auprès des PME,
– Egalité hommes-femmes dans les programmes de repérage des hauts potentiels,
– Leviers de développement du télétravail,
– Innovation concernant le sujet « homme et parentalité »,
– Promotion en interne du mécénat de compétences.
Que peuvent faire les entreprises pour avancer sur ces sujets ?
Trouver les leviers pour faire évoluer la culture » vie professionnelle – vie personnelle » est clé. Et notamment pour aller vers une culture fondée sur les résultats au travail plutôt que sur la présence au bureau, une culture plus empathique face aux enjeux de l’articulation vie professionnelle – vie personnelle et une culture qui prend en compte le soutien à l’articulation des temps de vie dans les évaluations des managers et des collaborateurs. Ainsi, faire de l’articulation de la vie sociale avec la vie professionnelle un objectif de la négociation annuelle obligatoire dans les entreprises et une clause des conventions de branche serait peut-être une piste de réflexion pour agir concrètement sur ce sujet sociétal. Agir également sur les comportements demandera du temps et surtout une implication importante de l’ensemble des acteurs concernés : collectivités locales, villes, associations, organisations, entreprises. « Pourrons-nous un jour, avant le quatrième millénaire, nous retrouver, hommes et femmes, pères et mères, ensemble, différents et si semblables, mais ensemble ? Dans le travail qui n’est pas toute la vie, et dans la vie qui est bien plus que le travail. [3] »
Karen DEMAISON
[1] Interview « Favoriser l’implication des collaborateurs », magazine APEC RH, Déc. 2013 – janv.2014, page 4
[2] Soutenu par l’Europe (Fond Social Européen), a pour objectif de favoriser l’égalité professionnelle à travers l’accompagnement d’entreprises sur cette thématique et la mise en place d’actions innovantes
[3] Patrick Ben Soussan, Article « Un po, ma non troppo ! Le père, le bébé, le travail, issu du livre La mère, le bébé, le travail, Editions Eres, (2002)