Homophobie au travail : une vraie question en entreprise, d’autant que les derniers résultats en termes de discrimination des personnes LGBT+ sont significatifs. Les stéréotypes LGBTphobes semblent avoir la vie dure. Les mises à l’écart et les agressions des personnes concernées sont par ailleurs très inquiétantes d’un point de vue QVT et rétention des talents.
myRHline dresse un état des lieux de cette problématique en France et rappelle le rôle fondamental des entreprises dans la lutte contre toutes formes de discriminations mais aussi dans la lutte contre le harcèlement au travail. On fait le point dans cet article.
Homophobie et LGBTphobie au travail : des chiffres édifiants
Les données qui inquiètent
La troisième édition du baromètre sur l’inclusion des personnes LGBT+ réalisé par l’IFOP en partenariat avec L’Autre Cercle publié en juin dernier a révélé que les discriminations LGBTphobes auraient augmenté en entreprise. Un quart des salariés aurait d’ailleurs dénoncé des discriminations en ce sens de la part de la direction (26 % en 2022 contre 20 % en 2020). Selon l’IFOP et l’association L’Autre Cercle, le climat irait de pair avec une “hausse des discriminations au plus haut niveau hiérarchique des organisations.” (François KRAUS, responsable de l’expertise Genre, sexualités et santé sexuelle à l’Ifop)
Cette homophobie au travail inquiète :
1/3 des personnes concernées aurait été “victime d’au moins une agression LGBTphobe dans son organisation (+ 4 points par rapport à 2020).”
De même, cette situation liée à une homophobie au travail se traduirait aussi par des inégalités relatives au déroulement de la carrière des personnes LGBT+ pour 20 % d’entre elles. Et ces chiffres augmenteraient à 26 % concernant les ouvriers. Ils représenteraient 17 % des personnes cadres ou salariés concernés par les professions intellectuelles.
Aussi, 25 % des salariés auraient subi des discriminations verbales de la part d’autres collaborateurs, mais pas seulement : elles viendraient aussi de clients ou même de fournisseurs. Par ailleurs, 16 % des salariés déclarent avoir été mis à l’écart dans l’entreprise à cause de leur orientation sexuelle (homophobie) ou encore de leur identité dite de genre, ainsi que le rappelle Le Monde.
Homophobie au travail : une discrimination systémique
En 2020, au sein des entreprises qui ne faisaient pas de prévention, un collaborateur gay ou une personne lesbienne sur deux veillaient à dissimuler leur orientation sexuelle par peur de recevoir des remarques ou encore d’être rejeté-e. C’est ce que révélait un article Europe 1 qui avait interviewé un salarié concerné.
Vous savez ce sont ces petites phrases que les gens lâchent au lendemain d’un match de foot, où on dit : ‘Ben tiens, c’est des vrais p… sur le terrain’. Le terme ‘enc…’ est extrêmement utilisé dans l’entreprise, que ce soit dans les couloirs, que ce soit à la machiné à café.
Autres faits inquiétants liés à cette homophobie au travail : certaines personnes peuvent préférer renoncer à leurs droits de profiter d’un voyage organisé par le comité d’entreprise ou encore de faire inscrire leur conjoint sur la mutuelle professionnelle par exemple.
Une autocensure ambiante liée à une certaine homophobie semble nuire à leur bien-être en entreprise :
2/5 des LGBT+ auraient renoncé à participer à un événement d’entreprise où les conjoints étaient conviés.
Par ailleurs, si l’augmentation des chiffres d’aujourd’hui peut “témoigner d’une augmentation du climat de violence global à l’égard des personnes LGBT, elle peut être atténuée par le fait que les victimes ne seraient pas forcément déclarées comme telles lors des derniers baromètres”, comme l’indique l’article susmentionné du Monde, se basant sur ces données.
Il existe plusieurs formes de discriminations liées à cette homophobie au travail, de l’agression physique à une LGBTphobie ambiante, systémique, plus insidieuse, et ce climat serait sous-estimé voire méconnu des personnes non-LGBT+.
Homophobie et harcèlement au travail
Dorith Naon, influenceuse et formatrice LinkedIn, est aussi l’ambassadrice de la Fondation le Refuge. Dans le cadre de ses travaux sur LinkedIn, elle a récemment été confrontée au cyberharcèlement. Interviewée par Le Parisien à ce sujet, Dorith Naon dresse un tableau de commentaires insultants qu’elle peut recevoir dans le cadre de son travail, non sans lien avec une certaine homophobie. “Tu ne mérites pas de vivre”, “Tu es un monstre”, “Tu es le cancer de la société”… Et selon elle, lorsqu’elle évoque son homosexualité, “c’est la déferlante” en termes de cyberharcèlement.
Par ailleurs, Dorith peut aussi recevoir des messages privés indésirables, la questionnant sur son homosexualité par exemple.
Le cas de Dorith pourrait permettre de mettre en lumière les manifestations les plus insidieuses d’homophobie dans le cadre de ce type de harcèlement au travail.
La nécessité d’inverser la tendance des discriminations liées à une homophobie au travail
Mais d’ailleurs, que dit la loi à ce sujet ?
Pour lutter contre cette homophobie au travail et la LGBTphobie, il faut tout d’abord que les personnes concernées connaissent leurs droits. Et surtout, qu’elles puissent se sentir libres de pouvoir les exercer. Un-e salarié-e qui est victime peut bien entendu se saisir de ressources judiciaires pour faire valoir ses droits.
Dans la loi, il existe deux types de discrimination (directe et indirecte) toutes deux prohibées.
Toute injure, propos homophobe visant à dévaloriser l’orientation sexuelle supposée ou réelle d’un individu est susceptible de tomber sous le coup d’une procédure pénale.
Dans le cas d’une discrimination LGBTphobe ou homophobe avérée, la personne victime a tout à fait le droit de déposer plainte – et sa plainte ne peut pas lui être refusée. Celle-ci est ensuite transmise au procureur de la République via la gendarmerie ou les services de police. La victime peut aussi prendre attache avec le BAV (Bureau d’Aide aux Victimes du tribunal judiciaire) ou encore procéder au signalement des faits auprès du Défenseur des droits.
L’auteur des faits liés à une homophobie au travail peut encourir une peine de 3 ans de prison avec une amende de 45 000 euros. Si la personne mise en cause est un agent public ayant commis les faits dans l’exercice de ses fonctions, ces peines pourraient être allongées (allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende). La victime d’homophobie au travail a le droit de se constituer partie civile.
Quels leviers d’action déployer en interne ?
Afin que les discriminations liées à cette homophobie au travail soient réellement dénoncées, encore faut-il y être sensibilisé et mettre en place des actions de prévention au sein de son entreprise. D’autant plus que certains salariés peuvent penser que signaler ces faits aux Ressources Humaines ne mèneront à rien, ou pire, que cela pourrait nuire aux relations qu’ils entretiennent avec les autres collaborateurs.
Afin de favoriser un environnement propice à la lutte contre ce type d’injustices, de nombreuses initiatives existent.
Tout d’abord, vous pouvez réaliser une enquête interne via un questionnaire anonyme portant sur le ressenti d’un climat propice ou non à une homophobie ou de la LGBTphobie au travail. Il s’agirait d’y identifier des comportements ou des propos éventuellement homophobes par exemple (même dans le cadre d’une discrimination systémique ou d’ambiance, peut-être plus difficile à identifier avec des blagues discriminantes sous couvert d’humour par exemple). Vous serez ensuite plus à même d’identifier les leviers d’action à mettre en place dans votre entreprise pour lutter contre ces comportements.
Dans le cadre d’un programme en faveur de l’égalité et de la diversité en impliquant la Direction Générale, il convient de véhiculer des messages en ce sens afin de veiller à ce que personne ne tolère aucune discrimination relative à l’identité sexuelle des salariés. Et si toutefois c’est le cas, les managers doivent prendre la mesure du problème via des sanctions adéquates.
Du chemin à parcourir
Il faudra naturellement mettre en place des actions de communication qui ne seront pas de purs effets de marketing. Comme le rappelle l’influenceuse LinkedIn Dorith Naon, il peut y avoir un décalage entre ce qui est dit en termes de communication (par exemple, sur la bienveillance) et la réalité – même si ce n’est pas toujours le cas. C’est en ce sens qu’elle parle de washing (un mensonge visant à véhiculer une image positive pour faire du profit).
Et en effet, comme l’indique le baromètre de cette année, “Les intentions inclusives affichées par les organisations et l’ensemble des salarié·es ne correspondent pas aux réalités de terrain”. Ainsi, il s’agit de déployer de véritables actions de communication engagée dans la lutte contre les discriminations, en collaboration avec les personnes concernées au travail pour déconstruire les stéréotypes liés aux personnes LGBT+ et à cette homophobie.
Vous pouvez partager les témoignages de collaborateurs ou d’autres personnes LGBT+ et même constituer un “pôle” dédié à cette thématique avec les collaborateurs concernés et renforcer en ce même sens l’engagement collaborateur. Il s’agit de définir les bonnes pratiques à adopter et les déployer au sein de tous les pôles de l’entreprise.
Vous pouvez mettre en place des formations liées à la prévention auprès d’autres collaborateurs et favoriser une communication inclusive en interne.
De même, il vous est possible de consulter la charte d’engagement LGBT+ que l’association L’Autre Cercle a mis en place en ce sens.
L’un des deux échantillons de l’étude portait d’ailleurs sur les organisations signataires de la Charte d’Engagement LGBT+. On y noterait de meilleurs résultats que sur l’autre échantillon, mais les discriminations perdurent tout de même selon Catherine Tripon, porte-parole de l’association.
Selon cette dernière, au regard des agressions en hausse, il faut “en finir avec l’idée reçue qu’il n’y aurait plus de combat à mener”. Il ne s’agit pas de se contenter d’une communication RSE à l’année. Il s’agit de mettre en place de véritables dispositifs d’alerte mais aussi de “traitements et de sanctions réellement efficaces”.
En termes de sanctions, il faut aussi pouvoir être ferme, notamment envers les inégalités systémiques. Comme le rappelait en 2017 Le Défenseur des droits dans un Guide dédié à cette thématique, l’entreprise doit être “vigilante vis-à-vis des LGBTphobies implicites et doit sanctionner les propos et expressions courantes (ne fais pas ta tapette, ce n’est pas un travail de PD), qui ne visent pas spécifiquement une personne mais qui peuvent blesser et créer un cadre de travail défavorable.”
Si vous êtes victimes ou témoins de comportements pouvant être homophobes ou LGBTphobes, vous pouvez vous tourner aussi vers les Représentants du personnel, les élus syndicaux. En externe, vous pouvez aussi faire appel à l’Inspection, la Médecine du travail, les Organisations syndicales, ou encore les associations spécialisées.
Angèle Linares