Dans le contexte sanitaire que nous traversons, la digitalisation s’est imposée partout. En entreprise, la dématérialisation du bulletin de paie est (enfin) devenue une réalité, si bien que l’adhésion des salariés est la priorité des DRH souhaitant déployer le bulletin de paie numérique. Mais comment faciliter cet enrôlement autour de la digitalisation RH ?
Le point avec Nadia Petitjean, consultante Change Management chez Digiposte for Business, chargée du programme d’accompagnement Digicoach. Elle nous rapporte quelques enseignements clés.
Un contexte français favorable au déploiement du bulletin de paie numérique
Les entreprises françaises sont encore bien en retard sur leurs voisines européennes concernant le déploiement du bulletin de paie numérique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, si le taux de dématérialisation de la fiche de paie était de 95% en Allemagne ou encore de 73% en Grande Bretagne en 2015, seuls 42% des salariés actifs français recevaient le bulletin de paie au format dématérialisé en juillet 2020 (étude Digiposte réalisée auprès de 1000 salariés actifs français). Pour autant, selon cette même étude, 71 % des salariés français recevant encore leur bulletin au format papier seraient prêts à l’accepter si on venait à le leur proposer.
Le potentiel d’adhésion est donc important. Un élément encourageant qu’il convient de souligner et dont il est important de tirer avantage, surtout dans le contexte actuel de la Covid-19 qui favorise la transformation numérique des entreprises.
Le passage à la dématérialisation du bulletin de paie implique un désapprentissage
Cela n’indique pas que la dématérialisation du bulletin de paie va encore totalement de soi. Elle implique le plébiscite des salariés à ce projet digital. Il faut donc se questionner sur les raisons qui empêchent encore les entreprises de déployer le bulletin de paie dématérialisé auprès de leurs salariés.
La dématérialisation vient casser une routine ancrée depuis des décennies : la réception sous un format papier d’un document auquel le salarié accorde beaucoup d’importance (et bien souvent remis de la main à la main par l’équipe RH).
Le passage au bulletin de paie numérique implique un désapprentissage c’est-à-dire la substitution d’une compétence au profit d’une autre, la capacité d’accepter et d’utiliser un outil digital. Or des salariés peuvent craindre cette évolution en ce sens qu’elle interroge leur propre agilité numérique. A fortiori dans la mesure où l’usage dépasse le seul document bulletin de paie. Cet usage consiste en l’appropriation d’un support numérique multi-fonctions, disponible en permanence et utilisable à titre personnel pour instruire ses démarches administratives, par exemple.
Qu’en est-il de ce nouvel apprentissage à mettre en œuvre. Le salarié doit pouvoir appréhender sans inquiétude une pratique digitale. Il est de la responsabilité des DRH de les accompagner dans une logique gagnant-gagnant.
Les entreprises face à leur responsabilité sociale
Si les avantages intrinsèques du bulletin de paie numérique ne sont plus à démontrer (sécurisation du document, centralisation organisée de l’historique, moins de risque de perte…), la crainte vient surtout des salariés qui ne sont pas à l’aise avec les outils digitaux. Il est de la responsabilité sociale de l’entreprise de les accompagner dans l’acquisition d’un corpus de base des compétences numériques.
Il s’agit là d’un enjeu très important pour les entreprises certes par rapport aux transitions numériques qui les impactent et bouleversent les organisations du travail, mais encore plus – surtout quand il s’agit de compétences devenues indispensables dans le contexte Covid-19.
Cet accompagnement est bien lié à la RSE des entreprises : ne laisser aucun collaborateur de côté et ne pas exacerber les fractures numériques déjà existantes.
Pour faciliter l’acculturation numérique, les méthodes et les outils sont nombreux, trop nombreux dirais-je. Difficile de faire le tri sur le marché des solutions apprenantes. Notre recommandation serait de se faire accompagner par un expert du sujet, également pour faire en sorte que les solutions préconisées soient en phase avec la culture d’entreprise, les profils de collaborateusr, vos budgets… Pour certaines entreprises, une solution consistera à mettre en place en place des formations online sur l’acculturation numérique, pour d’autres, il s’agira de s’appuyer sur des référents numériques qui populariseront des usages pratiques, ou encore dans le cadre d’une stratégie digitale affirmée, d’assurer la mise en place d’un « passeport formation numérique » avec un accompagnement, à inclure dans le budget de formation des entreprises.
La dématérialisation du bulletin de paie devient ainsi une opportunité pour les DRH dans l’affirmation de leur vocation stratégique, dans la bonne marche de l’entreprise et dans la mise en valeur de la Ressource Humaine. Le projet mérite d’être affiché dans le tableau de bord stratégique de la DRH avec les indicateurs de performance immatérielle qui vont bien : satisfaction du collaborateur, marque employeur…
Comment faciliter l’adhésion des salariés ?
Le contexte actuel amplifie la nécessité de la transition numérique et met en exergue les réticences – et même le manque de compétences – sur le sujet du digital. Avec la covid-19, la dématérialisation est un levier, mais reste à susciter l’engagement des salariés.
Le dispositif d’enrôlement des salariés est primordial, bien qu’il soit lui-même de plus en plus digitalisé. Il doit être sur-mesure et inclusif. La réussite de l’adhésion des salariés dépend en grande partie de l’adaptation à la typologie de la population salariée de l’entreprise : son âge, son métier, sa culture…
Les arguments utilisés (centralisation des bulletins de paie, solution sécurisée…) n’ont pas la même répercussion selon la population considérée. Par exemple, les moins de 30 ans considèrent qu’avoir accès au coffre-fort numérique via une application mobile est la règle (après tout, l’ensemble de leur vie privée est digitalisée et disponible sur smartphone !), alors que les seniors pourraient voir cela comme une réelle avancée qui va « révolutionner » leur quotidien. Il en va de même pour l’argument de la gratuité de la solution numérique.
Le métier du salarié influence lui aussi les taux de dématérialisation. Certains collaborateurs sont par exemple plus sensibles aux arguments liés à la sécurité informatique, à la protection des données (informaticiens, juristes, etc.). D’où la nécessité d’adapter ses argumentaires. A Digiposte, nous avons pris le parti de développer un programme d’accompagnement au changement et à la communication, Digicoach, . La méthodologie repose sur un diagnostic de l’organisation de l’entreprise ; ce, afin de proposer les plans de déploiement et de communication les plus adaptés à la situation de l’entreprise. Nous préparons également les éléments de langage et supports de communication, un gain de temps important pour l’équipe projet.