On sait aujourd’hui que la question du salaire constitue un facteur déterminant de motivation au travail, notamment chez les femmes, encore exposées aux inégalités salariales.
En effet, malgré la mise en place de l’indice de l’égalité professionnelle en France, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes perdurent, et le risque de démission est bel et bien présent, tandis que les difficultés de recrutement sont sur toutes les lèvres.
Les salariés se montrent en effet disposés à envisager une démission si l’entreprise ne répond pas à leurs attentes en matière de traitement équitable et de diversité au sein des équipes, d’après les conclusions de l’étude People at Work 2023 : l’étude Workforce View, réalisée par l’ADP® Research Institute, qui a interrogé plus de 32 000 travailleurs dans 17 pays, dont près de 2 000 en France.
Éclairages.
Quand le salaire ne suit pas, un risque de démission accru chez les femmes ?
Tout d’abord, rappelons quelques chiffres. Selon les données établies par ADP, les femmes ont connu une augmentation de salaire de 4,15 % en 2022, contre 5,52 % pour leurs collègues masculins. Et si 75 % des hommes déclarent avoir été augmentés sur l’année 2022, les femmes sont 59 % à l’affirmer. Un écart que l’on retrouve aussi à l’échelle européenne puisque les augmentations de salaire se sont élevées à 5,7 % en moyenne pour les hommes et à 4,9 % pour les femmes.
L’écart demeure, donc, et semble se creuser davantage lorsqu’il est question des attentes des salariés par rapport aux augmentations : 75 % des hommes l’espèrent, contre 53 % de femmes. Par ailleurs, une étude d’OpinionWay pour Indeed parue en 2022 avait montré que la gent masculine était plus encline à imposer ses souhaits aux recruteurs par rapport à l’avant-crise sanitaire, notamment en matière de salaire (56 % vs 48 % chez les talents féminins).
En outre, si les études ont prouvé que le salaire était l’élément le plus important pour les candidat(e)s — notamment pour 66 % des Français interrogés dans le cadre de l’étude ADP —, cela est encore plus vrai chez les femmes (74 % vs 60 % chez les hommes, soit + 14 %).
Autrement dit, le risque de démission au motif d’une inégalité de salaire serait plus élevé chez les femmes, à l’heure où la tendance actuelle présente la santé financière, au cœur des enjeux QVCT, comme élément déterminant en matière d’attraction et de fidélisation des talents, et donc comme un argument fort en matière de marque employeur. (À ce propos, consulter par exemple l’enquête Robert Half, Ce que veulent les candidats, 2023)
- Le saviez-vous ? Les femmes seraient plus nombreuses que les hommes à avoir envie de démissionner, si l’on en croit l’étude susmentionnée d’Indeed pour OpinionWay (2022). Elles sont 45 % à éprouver l’envie de démissionner « au moins de temps en temps » (vs 36 % chez les collaborateurs masculins).
Autre enseignement de l’étude ADP : 65 % des employés penseraient à poser leur démission en l’absence d’une véritable politique de diversité et d’inclusion au sein de leur entreprise. À ce jour, ils seraient 71 % à l’affirmer. Une décision qui concerne plusieurs types de populations :
- Les jeunes de 18-24 ans (84 %) ;
- Les employés travaillant dans les médias et l’information (82 %) ;
- Les employés travaillant dans l’immobilier (81 %) ;
- Les femmes (74 %).
Et si le rôle de cette politique influe sur le risque de démission, c’est aussi le cas en matière d’attraction des candidats. En effet, une récente étude menée par Deloitte révélait que pour 7 personnes sur 10, la diversité est un facteur décisif dans le choix de leur employeur.
Si les entreprises progressent, il reste du chemin à parcourir
La mise en place de l’index de l’égalité professionnelle — qui tient notamment compte de la question du salaire — aurait permis certaines améliorations en termes d’égalité H/F au sein des entreprises. En 2023, le gouvernement a fait état d’une amélioration des résultats en la matière, la note moyenne déclarée par les entreprises étant en augmentation de 2 points par rapport à 2022 (88/100 cette année). Entre 2019 et 2023, la note moyenne des entreprises de plus de 1 000 collaborateurs a d’ailleurs progressé d’environ 7 points (82,9 vs 89,7).
À ce propos, 35 % des collaborateurs français estiment que leur employeur s’est amélioré en matière d’égalité des salaires au cours des 3 dernières années, d’après ADP. Ce chiffre progresse tout de même de 12 points par rapport à l’an dernier et est supérieur à la moyenne européenne qui se situe à 30 %. Des résultats encourageants, qui pourraient permettre de voir le risque de démission s’éloigner.
En outre, selon notre récent sondage mené sur LinkedIn auprès de plus de 300 répondants, 62 % d’entre eux affirment que leur entreprise a bel et bien œuvré en faveur de l’égalité salariale cette année, bien que 38 % considèrent que ce n’est pas le cas.
En matière de diversité et d’inclusion, ADP révèle que 33 % des collaborateurs déclarent que leur organisation s’est améliorée sur ce point (+ 11 points par rapport à l’an dernier). Ces progrès seraient plus significatifs dans certains domaines : dans l’informatique, les télécommunications et la construction, par exemple (43 %). Des chiffres qui restent toutefois en deçà du niveau mondial à 53 %.
Pour autant, il convient de relativiser ces résultats. Si l’on en croit les données rapportées par ADP, les femmes seraient seulement un quart (26 %) à considérer que les entreprises se sont améliorées sur ce point. Certains salariés français en viennent même à considérer que la situation liée à l’égalité salariale se dégrade, même si les chiffres ne sont pas significatifs. C’est le cas de 2 collaborateurs sur 10 (19 % ; + 2 % par rapport à 2022).
De même, les résultats liés à l’index de l’égalité professionnelle ne sauraient masquer les efforts à poursuivre, d’autant que seulement 2 % des entreprises ont une note de 100 et que 77 entreprises ont, à date, une note inférieure à 75 points depuis l’année 2020.
- Du chemin à parcourir
Les résultats de l’étude menée l’an dernier chez ADP auraient montré que les enjeux de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) étaient importants pour les travailleurs, notamment par rapport à l’égalité des salaires F/H, au point d’affecter les décisions de nombreux individus concernant leur choix de rejoindre ou de rester avec un employeur. Le groupe indique encore que ce sentiment prend encore plus d’ampleur cette année. Un levier indispensable, donc, lorsque l’on a pour objectif de fidéliser les collaborateurs.
Il est essentiel que les employeurs disposent d’indicateurs fiables et précis liés à leur système de paie pour dépasser les ressentis et analyser leurs données réelles, mesurer d’éventuels écarts de rémunération et les mettre en lumière. Cela leur permettra de remédier aux incohérences et aux inégalités en termes de grilles salariales, et de gommer ainsi progressivement les écarts de salaires femmes-hommes.
Le président d’ADP explique encore qu’en l’absence de tels indicateurs et d’un budget annuel dédié à l’égalité professionnelle, « cette injustice risque de perdurer » et de creuser davantage la perte de motivation et de fidélité des salariés. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le communiqué de presse d’ADP quant aux inégalités salariales femmes – hommes.
Enfin, rappelons que la question du salaire ne saurait constituer l’unique motif de risque de démission chez les femmes. C’est notamment ce qu’une ex-avocate en droit des affaires évoque dans un livre consacré aux motifs de démission des femmes, après avoir recueilli les témoignages d’anciennes DRH, directrices juridiques, marketing ou communication, traders, avocates, banquières d’affaires, etc. « Le culte du présentéisme, le non-dit sociétal et la prise en charge dans la sphère domestique, les manœuvres d’influence et le sexisme quotidien reviennent dans tous les témoignages [des femmes] » (Céline Alix, autrice de Merci mais non merci. Comment les femmes redessinent la réussite sociale).
Autrement dit, pour ne pas voir les talents féminins poser leur démission, il semble non seulement opportun de se concentrer ses efforts sur la question du salaire, mais aussi sur une politique globale dédiée à l’égalité et à la diversité en évitant les pièges liés au washing.