Lundi matin, il pleut, le ciel est gris. Vous rêvez de vacances au soleil, mais… Et s’il n’y avait pas de « mais » ? Le concept de congés illimités arrive peu à peu dans les entreprises françaises. Poser autant de congés que vous voulez, quand vous voulez : bonne ou mauvaise idée ?
Congés illimités : un concept américain qui séduit outre-Atlantique
Il a été propulsé sur le devant de la scène par Netflix qui l’a mis en place dès 2009. Richard Branson a contribué à sa médiatisation en l’appliquant chez Virgin dès 2014. Le concept de congés Illimités n’en finit plus de séduire les entreprises de la Silicon Valley. Le principe est simple : les salariés peuvent prendre des congés quand ils veulent, tant qu’ils veulent. En contrepartie, chacun doit remplir ses objectifs.
Cette pratique managériale découle de la notion de « Management Par les Objectifs » (MPO), conceptualisée par l’Américain Peter Drucker en 1954.
En France aussi, les congés illimités font quelques émules. Ainsi la start-up parisienne PopChef, Indeed France ou encore le groupe immobilier Avinim (30, 30 et 10 salariés) les ont adoptés.
Un booster de productivité…
En France comme ailleurs, la notion de congés illimités est fondée sur une relation de confiance, soumise bien souvent à certaines conditions préalables. En remplaçant la culture des horaires par celle du résultat, cette nouvelle forme de culture d’entreprise pourrait-elle signer la fin du présentéisme ?
A ce stade, les congés illimités sont surtout un atout pour l’image de marque. Les entreprises qui les adoptent affichent aussitôt une image employeur novatrice, moderne, progressiste… Bref, « the place to be ». Selon l’étude Horoquartz sur la relation des salariés français au temps de travail, les salariés sont favorables à la souplesse dans l’organisation du temps de travail. 75% pensent qu’elle booste la productivité et l’implication dans le travail, et 80% estiment qu’elle aide à mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Alors quand certains secteurs d’activité peinent à recruter, quel meilleur argument pour attirer et retenir les talents ? Les Millenials, en passe d’arriver sur le marché du travail, tendent à moins considérer le salaire comme seule source d’épanouissement au travail. Le coût à court-terme pour l’entreprise est donc, semble-t-il, largement compensé par la baisse du turn-over.
Les abus potentiels sont également balayés d’un revers de main. Chez Indeed USA, les salariés prennent 18 jours (contre 15 d’habitude), tandis que chez PopChef, ils ne prennent que 4 jours de plus en moyenne que les 5 semaines légales.
… mais des risques à prendre en considération
En réalité, la légalité même du concept fait débat en France. Outre le minimum légal fixé par le Code du Travail, toute augmentation du nombre de jours de congés doit se décider par négociation collective. La notion d’équité pose également problème. En effet, les différences de traitement entre salariés ne sont autorisées que « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objet soit légitime et l’exigence proportionnée » (art.1133-1 du Code du Travail). Se pose également la question des objectifs : les managers doivent fixer des objectifs mesurables et réalistes. Des process d’évaluation transparents et réguliers doivent être mis en place, afin d’éviter tout risque de surmenage, voire de burn out.
- Pour aller plus loin : Tout savoir sur le burn-out en maladie professionnelle
La question de la prise minimum de congés ou de leur régularité qui aurait pu éviter cette situation d’épuisement professionnel pourrait ainsi de poser, à plus forte raison en France où de nombreux salariés n’utilisent pas la totalité de leurs droits et ont tendance à reporter en fin de période la prise de leurs congés.
D’ailleurs, privilégier les objectifs chiffrés sous-entend de sacrifier d’autres outils d’évaluation du travail qui pourraient être tout aussi pertinents.
Enfin, le concept de congés illimités n’est applicable qu’à certains secteurs d’activité. On imagine mal les salariés de l’industrie, du transport ou encore de la santé prendre des congés à peu près n’importe quand, sans tenir compte des contraintes horaires d’équipes, d’accueil du public et de continuité de service. La situation n’est pas non plus envisageable pour les salariés soumis aux 35h. Comment justifier la différence de traitement entre ceux qui pointent et les autres ? Et comment éviter alors une possible détérioration du climat social ?
Concrètement, un concept difficilement réplicable en France
S’il reflète un réel changement dans la perception du travail, le concept de congés illimités reste très minoritaire. Bien plus adapté aux petites structures, un tel système se heurte au droit français, fondé sur le grand principe de l’égalité de traitement. Surtout, l’idée de congés illimités ne fonctionne que si les salariés estiment que leur travail a un sens, et sont fiers de ce qu’ils accomplissent au quotidien.
Alors, le changement des mentalités mènera-t-il à une refonte du Droit du travail français, ou l’inverse ? Un premier pas pour tester l’autonomie des salariés ne serait-il pas, d’abord, de travailler sur la flexibilité des horaires ou le télétravail ? Affaire à suivre…
Marie de Horoquartz (éditeur de logiciel de gestions des temps et gestion RH)