Les aspirations des salariés évoluent. Progresser, changer de métier ou monter en compétence : autant de besoins auxquels les entreprises doivent répondre pour attirer et fidéliser leurs talents.
Dans ce contexte, la mobilité interne reste pourtant sous-exploitée. Candidater en interne n’est d’ailleurs pas un réflexe dans les entreprises françaises. Comment l’expliquer ? Pourquoi les salariés hésitent-ils à s’emparer des opportunités internes ? Quelles initiatives permettent aux entreprises de responsabiliser leurs salariés vis-à-vis de leur parcours professionnel ? C’est ce que nous allons voir.
La culture de l’herbe plus verte ailleurs
Depuis la crise sanitaire, les attentes des salariés ont changé. Pour bon nombre d’actifs, le sens et le bien-être au travail passent désormais par la capacité à se projeter, à s’emparer de son parcours professionnel et à évoluer.
Or, comme vous le savez, il y a deux lectures possibles derrière le verbe « évoluer ».
D’abord, l’évolution dans le sens vertical du terme. La plus connue pour traduire une élévation hiérarchique. Ou bien l’évolution au sens transverse. Il s’agit alors du développement professionnel conduisant à l’exercice d’un nouveau métier.
En réalité, peu importe la lecture. Car les deux convergent vers la même réalité, propre à l’écosystème français : plutôt que de regarder les opportunités internes, les salariés ont tendance à chercher ailleurs dès qu’ils estiment avoir fait le tour de leur poste.
- Plus de la moitié des actifs pense à changer d’emploi, d’ici 2 ans pour 37 % d’entre eux. Des chiffres au plus haut depuis 2021, selon Centre Inffo*.
Ce qui engendre non seulement une perte de talents, mais aussi des coûts élevés pour les entreprises. Un véritable paradoxe, alors que la mobilité interne s’inscrit comme un dispositif phare pour favoriser la rétention, bien sûr. Mais aussi accompagner les carrières, et développer l’attractivité.
Seulement, voilà. Tous les RH, HRBP ou responsables du développement RH font face à la même problématique : ils ne peuvent pas être derrière chaque collaborateur pour proposer telle passerelle ou telle possibilité de mobilité.
Alors, comment entrer dans une dynamique de responsabilisation des collaborateurs ? Comment les rendre acteurs de leur développement professionnel ? Et ainsi répondre à leurs attentes tout en maximisant la mobilité interne ?
Les freins à l’autonomie des collaborateurs
Si l’envie d’évoluer existe, la réalité, et donc le passage à l’action, est plus complexe pour les collaborateurs. En effet, plusieurs obstacles bloquent encore leur autonomie dans la gestion de carrière.
L’autosabotage
Tout d’abord, il faut bien admettre qu’en France la mobilité interne reste entravée par des freins culturels et organisationnels. C’est un fait : les aspirants à une évolution de carrière hésitent souvent à franchir le pas. En cause ? La candidature interne est associée à une prise de risque. Peur de l’échec, crainte du jugement — par ses pairs ou son N+1 —, et appréhension d’abîmer la relation professionnelle en cas de refus. Autant de raisons à l’origine d’une certaine autocensure.
En pratique, ce musellement touche toutes les catégories et freine, si ce n’est l’envie, la capacité à se projeter dans d’autres fonctions au sein de l’entreprise.
La rétention managériale
Autre frein : les managers constituent eux-mêmes un obstacle récurrent. Car ils font rempart à la mobilité, de manière volontaire ou non. Par crainte de déséquilibrer leurs équipes ou de perdre un collaborateur performant.
Le plus souvent, cette rétention managériale ne vise pas la mise en échec des collaborateurs. Cependant, elle est évidemment contraire à l’intérêt individuel et collectif.
La peur de la patate chaude
Il y a également la peur de la patate chaude avec certains managers — autant ceux qui accueillent que ceux qui laissent partir — qui partent du principe que la mobilité interne sert à transférer des collaborateurs jugés comme moins performants.
Ce climat de méfiance s’ajoute à des processus parfois lourds et chronophages, où la libération des salariés pour leur nouveau poste peut s’étaler sur plusieurs mois. Cela décourage aussi bien les collaborateurs que les recruteurs internes, renforçant ainsi l’immobilisme.
La confidentialité
Enfin, l’absence de règles claires sur la confidentialité des candidatures internes amplifie ces freins. Comme nous l’avons vu dans un point précédent, plusieurs raisons font que les salariés hésitent à postuler. Parmi celles-ci : la crainte que le manager actuel soit informé et pose un regard négatif sur leur engagement actuel. Ce qui ajoute une dimension émotionnelle complexe au processus.
Une question se pose alors. Faut-il placer une partie du processus de mobilité interne sous le sceau de la confidentialité pour lever ce frein ? Et mettre, en quelque sorte, les managers à l’écart jusqu’à l’obtention d’une réponse positive. Ou au contraire, faut-il miser sur une transparence qui, si elle est excessive, peut aussi générer des frustrations ?
Sur ce point, Benoît Thièbe, directeur recrutement et marque employeur d’Ikea France, et Jonathan Goldfard, directeur du développement RH chez Synergie, ont exprimé des points de vue divergents lors de l’épisode 2 saison 2 de T’as raté le coche, le podcast myRHline :
Donner aux salariés les clés pour devenir maîtres de leur carrière
Les bonnes pratiques pour rendre les salariés acteurs de leur carrière
Pour soutenir l’autonomie des salariés, les entreprises doivent mettre en place des pratiques adaptées et cohérentes. L’objectif ? Donner à chacun les moyens d’agir sur son parcours professionnel tout en répondant aux besoins organisationnels.
Rendre les opportunités visibles et accessibles
En premier lieu, nos invités ont évoqué la nécessité d’offrir plus de visibilité sur les opportunités internes. En effet, difficile d’inciter les collaborateurs à plus d’autonomie si, en parallèle, les pratiques RH sont en contradiction et impliquent de passer systématiquement par la ligne managériale.
Pour cela, vous pouvez par exemple vous appuyer sur les outils de la digitalisation RH pour diffuser des :
- bibliothèques de métiers ;
- cartographies de compétences ;
- plateformes intranet dédiées à la mobilité.
Autant de leviers qui permettent aux employés d’identifier les postes disponibles dans l’entreprise. Mais aussi de mieux appréhender les compétences à développer pour y accéder.
Derrière cet enjeu de visibilité et d’accessibilité de la mobilité interne, il y a toutefois une autre question sous-jacente. Comment mettre toute l’information, tous les éléments de clarté, à disposition des collaborateurs pour justement qu’ils s’approprient la démarche mobilité ?
Pour y répondre, Benoît Thièbe explique :
On pense souvent à la marque employeur par le prisme de l’attraction de nouveaux candidats. En ayant la double casquette, je l’appréhende aussi dans le sens de la rétention et de la communication à l’échelle interne. Ikea travaille encore sur ce sujet-là, mais on est en train de réfléchir à une stratégie visant à exploiter les contenus destinés au recrutement externe au profit de la mobilité interne. Via des vidéos d’explication des métiers notamment. Mais peut-être à l’avenir par le biais de podcasts ou d’autres contenus qui permettront d’informer sur les parcours et carrières possibles dans l’entreprise.
Acculturer les managers
Même si l’enjeu est de rendre les salariés plus autonomes, les managers restent aussi des acteurs centraux de la culture mobilité interne. Pour cela, ils doivent donc être formés. Ceci afin qu’ils dépassent les biais qu’ils peuvent avoir sur les parcours internes et accompagnent les aspirations de leurs collaborateurs. Cela implique de mener des discussions régulières sur les objectifs de carrière, mais aussi de soutenir les salariés qui souhaitent postuler à de nouvelles opportunités.
Toutefois, le rôle des managers ne se limite pas à encourager : ils doivent aussi savoir gérer les refus avec tact et bienveillance. Lorsqu’un salarié n’obtient pas le poste convoité, un feedback clair et constructif est indispensable. En particulier pour maintenir son engagement collaborateur. En ce sens, proposer des plans de développement ou des missions intermédiaires aide à transformer cette déception en opportunité de croissance.
Intégrer la mobilité à la culture d’entreprise
Enfin, responsabiliser pleinement les salariés passe par la promotion d’une culture d’entreprise où la mobilité interne est valorisée. Le soutien des RH et de la direction doit être tangible afin que les carrières internes soient perçues comme la norme — et non plus comme une exception —, et deviennent un véritable levier à la fois d’attraction et de rétention des talents.
Source(s) documentaire(s) :
- 5ème édition du baromètre de la formation et de l’emploi 2024, Centre Inffo