Bienvenue sur T’as raté le coche, votre rendez-vous incontournable pour explorer l’univers fascinant des ressources humaines et du monde professionnel. Ce podcast est une mine d’informations et d’inspirations pour les professionnels RH, les gestionnaires, et tous ceux qui s’intéressent aux dynamiques du travail moderne.
Au cœur de chaque épisode :
- Un éventail de sujets, allant du recrutement à la diversité, en passant par la formation, la digitalisation RH, les nouvelles pratiques RH, et le développement des talents.
- Des discussions approfondies sur l’impact des changements sociétaux et technologiques sur les RH et les pratiques de travail.
- Des analyses d’experts sur les stratégies de gestion des talents et sur les moyens d’optimiser la performance et le bien-être en entreprise.
- Un focus sur la diversité et l’inclusion, explorant comment créer des environnements de travail plus équitables et représentatifs.
- Des débats sur l’importance de la formation continue et du développement professionnel dans un monde du travail en évolution rapide.
Pourquoi nous écouter ? Que vous soyez un professionnel des RH cherchant à rester à la pointe de l’innovation, un leader souhaitant enrichir sa culture d’entreprise, ou un passionné du monde professionnel, T’as raté le coche vous offre des perspectives essentielles pour naviguer avec succès dans le paysage RH contemporain.
Abonnez-vous pour débloquer un accès à une richesse de connaissances et de conseils pratiques. Rejoignez notre communauté pour des échanges enrichissants et des découvertes passionnantes sur les défis et opportunités dans le monde du travail d’aujourd’hui.
Points forts de l’épisode :
- Dynamiques de pouvoir : exploration de la façon dont les candidats influencent désormais activement les conditions de leur emploi, remettant en question les pratiques traditionnelles de recrutement.
- Perspectives d’experts : échanges éclairants avec Laure Domingos, directrice marketing chez Act4skills, et Etienne Diguet, consultant associé chez FID RH, apportant leur expertise sur ces tendances émergentes.
- Impact de la pandémie : discussion sur l’effet de la pandémie de Covid-19 sur les attentes et les comportements des candidats et des employeurs.
- Stratégies d’adaptation : conseils pratiques pour les entreprises sur la manière de s’adapter à ces nouvelles exigences, tout en préservant leur culture et leurs objectifs.
- Cas de secteurs spécifiques : analyse de l’impact de ces changements dans des secteurs clés comme la restauration et l’hôtellerie.
Pourquoi écouter cet épisode ? Ce premier épisode vous offre un aperçu précieux des changements qui redéfinissent le monde du travail. Il est essentiel pour les professionnels RH, les gestionnaires et tous ceux qui souhaitent comprendre comment naviguer efficacement dans le paysage actuel du recrutement et de la gestion des talents.
Rejoignez-nous pour un voyage instructif dans les coulisses du recrutement moderne et découvrez comment les candidats et les entreprises s’adaptent à une ère de changements rapides et significatifs.
S01 E01 : Quand les candidats dictent leurs conditions
Christophe Patte | Bonjour, je suis Christophe Patte, fondateur du média myRHline.com, dédié au monde des ressources humaines. Bienvenue dans T’as raté le coche, le podcast qui décrypte l’actualité et les tendances du nouveau monde du travail. Dans cet épisode, on va essayer de comprendre ce qui se passe quand les candidats dictent leurs conditions. Pour nous éclairer, j’ai invité Laure Domingos, directrice marketing chez Act4skills, spécialiste du recrutement et de la marque employeur, et Etienne Diguet, consultant associé chez FID RH, cabinet de recrutement. Je vous emmène maintenant découvrir cet épisode. |
Christophe Patte | Bonjour Laure, bonjour Etienne. Première question pour toi, Laure, penses-tu que les candidats ont pris le pouvoir ? |
Laure Domingos | On entend souvent qu’on est dans une guerre des talents avec les entreprises. Moi, je ne dirais pas que les candidats ont pris le pouvoir. Je dirais que depuis le covid-19, on est dans une logique plus sociétale où l’ensemble du monde a besoin de se sentir aligné avec lui-même. Et sur les dernières études candidats/RH qu’on a pu mener, ce qu’on voit surtout, c’est que les candidats, très clairement, disent “je suis prêt à bouger, mais pas à n’importe quel prix”. Et ce prix, c’est quoi ? C’est un projet qui donne envie, avec derrière, une adéquation parfaite avec leurs valeurs et leurs attentes. Donc oui et non quant à la prise de pouvoir. Oui, sur le fait de s’affirmer par rapport à ce qu’on veut vraiment, ce qui est plus fort qu’il y a trois ou quatre ans en arrière. Pour autant, ce ne sont pas eux les décisionnaires finaux. C’est finalement un accord avec les entreprises, les RH et les managers. |
Christophe Patte | Ils ont peut-être plus confiance en eux. |
Laure Domingos | Oui, ils sont clairement plus empreints de confiance, très fortement. On le voit dans la dernière étude. Ils nous disent, à 60 % : “Je suis certain de trouver un travail à horizon fin 2023.” |
Christophe Patte | Etienne, tu en penses quoi ? |
Etienne Diguet | Je rejoins Laure sur le oui et non. Chez FID RH, on trouve que beaucoup de candidats ont effectivement des demandes, voire des exigences bien différentes et plus importantes qu’avant la crise sanitaire. Mais les entreprises ont beaucoup de mal à s’y adapter. L’évolution de la demande des candidats et l’évolution du mode de fonctionnement d’une entreprise, ce n’est pas du tout la même vitesse. Aujourd’hui, on a des candidats qui arrivent et qui exigent des listes de cinq à dix points. Et les entreprises, finalement, ne peuvent pas répondre, parfois n’ont même pas envie. Certaines entreprises en font des questions de principe, se disent : “Pourquoi je ferais ça pour le nouveau, alors je ne peux pas le faire pour ceux qui sont déjà en poste ?”. Donc il y a un rapport de force qui est compliqué en ce moment et qui fait que le marché de l’emploi — moi je trouve en tout cas —, est de plus en plus difficile, de moins en moins fluide. |
Christophe Patte | Alors si on ne peut pas en faire une généralité et dire “Les candidats ont pris le pouvoir”, dans certains secteurs, ils l’ont bien pris. Je pense à la restauration, à l’hôtellerie… |
Etienne Diguet | Il y a certains secteurs effectivement où les entreprises ont été obligées de trouver des solutions pour faire revenir les candidats. Effectivement, il y a des secteurs assez pénibles, la restauration par exemple. Il y a eu effectivement une crise conséquente après l’épisode covid, où beaucoup de gens se sont rendus compte qu’ils ne voulaient plus forcément travailler le soir et ne voulaient plus travailler le samedi. Ils ont pris le rythme avec leur enfants, avec leur famille, et on a vu certaines entreprises dans la restauration proposer des salaires conséquents, proposer des aides au logement alors que ce n’était pas forcément le cas avant. |
Laure Domingos | Et pour autant, je ne sais pas si c’est réellement efficace puisque, c’est ce qu’on disait tout à l’heure, sur le fait que les talents au sens large, les candidats, les personnes ont envie de trouver quelque chose qui leur correspond vraiment, avec un alignement entre elles et leurs aspirations. Est-ce que c’est vraiment efficace dans ces métiers de pénurie, comme la restauration, où il y a plein de choses qui ont été mises en œuvre ? J’ai un petit doute, j’ai un petit doute. Concrètement. |
Etienne Diguet | Ce n’est pas le secteur qu’on connaît le mieux chez nous, la restauration. Donc effectivement, je ne vais pas pouvoir apporter une expertise phénoménale sur le sujet. Mais oui, effectivement, on va en parler peut-être plus tard : les solutions mises en place, c’est surtout par rapport aux salaires. Parce que dans la restauration, à part certains établissements qui ont changé leurs horaires, on est globalement sur les mêmes choses qu’avant la crise. Et le salaire ne fait pas tout pour certains candidats. |
Laure Domingos | Il y a l’équilibre vie pro-vie perso et la flexibilité, on le voit aussi sur les dernières tendances, oui. |
Christophe Patte | Peut-être un ras le bol plus général de certains métiers, en fait. Est-ce qu’il y a des changements vraiment radicaux qui ont été opérés par les candidats ? Est-ce que vous avez des exemples à donner, Etienne, en particulier face aux candidats ? Est-ce que tu as remarqué des choses qui ont vraiment changé ? |
Etienne Diguet | Alors, si on prend les demandes faites par les candidats en entretien, on a forcément une demande pour le télétravail, full remote ou hybride. C’est un point qui était peu abordé avant la crise sanitaire et qui est devenu quasiment une obligation pour certaines personnes dans certains métiers. Quand ce n’est pas le cas, on a une demande pour une distance domicile-lieu de travail, raccourcie le plus possible. C’est en partie lié au coût de l’essence. Il y a beaucoup de gens qui ne sont plus prêts à faire 50 kilomètres pour aller travailler étant donné le coût du carburant en ce moment. Et si après on passe sur le fonctionnement des candidats, dans leur quotidien, dans leur vie professionnelle ? Moi je trouve et mes collègues chez FID RH partagent cet avis, même s’il est assez négatif et un peu grognon, je trouve qu’il y a beaucoup de gens qui ont… Il y a une perte, des notions de respect, de politesse. Beaucoup de candidats sont capables de signer des promesses d’embauche ou des contrats de travail et ne pas honorer leurs engagements. Ils sont attendus le lundi pour une prise de poste, ils ne viennent pas. Ça, effectivement, c’est des situations qui étaient vraiment anecdotiques avant la crise sanitaire. Aujourd’hui, c’est des situations qu’on est amenés à vivre plusieurs fois par semaine dans un cabinet. |
Christophe Patte | C’est lié au fait qu’il y a beaucoup d’offres en fait ? |
Etienne Diguet | C’est lié au fait qu’il y a beaucoup d’offres. C’est lié au fait que les gens, au moindre petit souci, à la moindre petite inquiétude, vont prendre la poudre d’escampette. C’est lié au fait que sur certains candidats, si on leur propose 200 € de plus sur leur bulletin de paie, ils sont capables de changer leur fusil d’épaule en un claquement de doigts. Donc il y a effectivement plein de facteurs à prendre en compte, mais je trouve que ça prend des proportions délirantes dans certains milieux. |
Laure Domingos | C’est vrai ce que tu dis sur la notion d’exigence et d’instabilité. Dans la dernière étude également, CCLD/myRHline, ce que l’on observe, c’est que les RH et les managers qu’on a interviewés cette fois ci nous notent qu’il y a une exigence et une instabilité des candidats plus fortes. Et dans le changement que tu décris, pour moi, il y a aussi ce côté sens, 72 % des candidats en poste nous disent qu’ils changeraient d’emploi pour un emploi qui a plus de sens. Et on est allé un peu plus loin pour aller chercher cette question de sens et se dire à quoi ça correspond, parce que je suis d’accord avec toi, il y a le côté flexibilité, équilibre vie pro-vie perso. Derrière ça, le sens, il y a deux choses qui apparaissent de manière forte. C’est un l’utilité, le fait de se sentir utile à soi ou au monde, à la contribution qu’on peut apporter à l’entreprise, et aussi le côté très clair de : on a besoin en cette période d’incertitude, parce qu’on est que on est confiant, certain qu’on va trouver un emploi, on a besoin d’un projet clair et d’une vision cohérente et c’est ce que les entreprises ont du mal à proposer aujourd’hui. Parce qu’on ne sait pas, à trois mois, à six mois, ce que va donner l’inflation, ce que va donner la tendance économique. Donc le vrai sujet, et je suis d’accord clairement, il y a plus de ghosting comme on dit dans le jargon. Le vrai sujet, c’est la capacité des entreprises, mais aussi des intermédiaires du recrutement, à proposer un projet, à aller chercher ces personnes-là, ces candidats, en leur disant ouais, il y a le côté rémunération, ça c’est sûr. Il y a des côtés un peu immuables sur le côté on a besoin de travailler pour vivre (…) Mais derrière ça, c’est la capacité des entreprises à faire le choix de proposer un projet clair, cohérent, dans lequel les humains peuvent s’inscrire dans une logique plus globale d’utilité. |
Christophe Patte | Bon, après, quand on dit que les salariés, enfin, les candidats ne viennent pas signer un contrat, ne se pointent pas le premier jour… Moi, je me pose quand même la question aussi de l’offre et de la demande, parce qu’on note aussi qu’il y a beaucoup de candidats passifs. Je ne sais pas quels sont les chiffres. 51 %… Ça veut dire qu’en fait il y a très peu de candidats actifs. Mais un candidat actif, c’est un candidat qui vient chez toi par exemple, qui vient en entretien. Il va être identifié. Potentiellement, ça va savoir, donc tes concurrents vont l’adresser. Donc vous jouez aussi à ce jeu quelque part en tant que cabinet de recrutement ou en tant que recruteur en entreprise, d’aller solliciter les gens. Donc ils ont beaucoup plus de sollicitations. En fait, c’est un cercle vicieux. On dit que le candidat ne vient pas. Oui, mais parce qu’il a été aussi sur sollicité. Peut-être qu’on lui a proposé 200 euros de plus, mais finalement, c’est le jeu, non ? |
Etienne Diguet | Oui, c’est le jeu et t’as raison d’employer l’expression « cercle vicieux ». Parce que moi je pense effectivement qu’on est complètement là-dedans dans le marché du travail aujourd’hui, je pense qu’à force de parler effectivement d’une inversion du rapport de force, de plus effectivement d’égalité entre employeurs et candidats, finalement la balance est passée de l’autre côté et les candidats se croient tout permis, pensent effectivement qu’ils ont le pouvoir, c’était le sens de ta première question. Et à force d’entendre et de lire sur certains réseaux sociaux, notamment LinkedIn, qu’on connaît bien tous les trois, à force d’entendre ça, à force d’entendre effectivement qu’ils peuvent tout demander, tout se permettre parce qu’ils sont les rois, parce qu’ils peuvent, si on leur dit non à un endroit, on leur dira oui à un autre, j’ai l’impression qu’ils sont vraiment de se créer un monde où, ils sont vraiment en train de se mettre dans une bulle, de croire tout ce qu’on leur dit alors que les entreprises ne sont clairement pas prêtes à accorder les choses. |
Laure Domingos | Il y a aussi une notion d’embarras du choix et plus globalement sur le côté société de consommation dans lequel on est, je pense que maintenant, on est dans ce monde-là, sur le côté monde du travail. Enfin, je ne sais pas, mais quand on est consommateur, qu’on a 40 000 infos qui nous arrivent à longueur de temps sur sur les chaînes d’information, mais aussi dans les grandes surfaces, etc., avec du prix et cetera, je pense qu’on est plus difficiles et c’est ce qui est en train de se passer j’imagine, c’est ce que je comprends, dans le monde du travail, avec le plein emploi. On dit toujours partout que c’est simple, c’est facile, que les entreprises ont des problématiques de recrutement, mais peut-être que ça crée cette dynamique que tu décris. Où on se dit oui, en fait, pourquoi je me presserais ? Je vais trouver et j’ai tout ce qu’il me faut et je suis sur sur sollicités. Donc pourquoi je ferais l’effort finalement de faire la personne qui fait ces choix ? |
Christophe Patte | Voilà, finalement le candidat devient un consommateur en fait. J’allais dire, est ce qu’il achète une offre d’emploi ? |
Laure Domingos | Oui, et c’est pour ça que les entreprises, elles, ont vraiment besoin de valoriser et d’être en capacité de proposer ce projet-là. Aujourd’hui, on est dans un marché où il faut faire la différence pour créer la préférence, pas le choix. |
Christophe Patte | Est-ce qu’on n’est pas quand même un peu dans le bullshit en généralisant ? Parce qu’il y a quand même beaucoup de personnes qui ne trouvent pas de job ? |
Laure Domingos | Oui, c’est vrai, c’est vrai aussi. |
Etienne Diguet | C’est pour ça, c’est ce que je disais tout à l’heure : on est effectivement dans un milieu, dans un monde du travail où il y a une déconnexion entre les attentes des candidats, ce qu’on entend sur les réseaux sociaux où on nous dit à longueur de temps mais nous, on regarde plus les CV, on va s’intéresser au potentiel, aux soft skills, et cetera… Dans la réalité, le nombre d’entreprises qui recrutent via les soft skills — CCLD fera une étude mieux que moi sur le sujet, mais à mon avis, ça doit être 1 %. Et aujourd’hui ce n’est pas possible. Même si les services RH et les services recrutement veulent s’intéresser à des profils atypiques, etc. Derrière, il y a les opérationnels, il y a les directions qui vont dire non, le parcours ne me plait pas, le CV ne me plait pas et tout le travail en amont part à la poubelle en un claquement de doigts. Donc il y a encore un gros souci à ce niveau-là. Il y a un gros souci avec l’emploi des seniors en France, ça c’est un sujet énorme et ça c’est bien pour le coup que LinkedIn en parle pas mal ces temps-ci, mais il y a tellement à faire. Aujourd’hui, à 45 ans, moi j’ai des clients qui regardent le CV, qui me disent qu’il est trop vieux, mais trop vieux pour quoi alors ? Il y en a certains qui ne sont même pas capables de l’expliquer. Il y en a qui sont dans un autre monde et qui vont dire qu’il est trop vieux, qu’on voudrait qu’il reste 30 ans chez nous. Et aujourd’hui, quel que soit l’âge du candidat embauché, de toute façon, il ne va pas rester 30 ans. Il y a très peu de chances, mais il y a encore beaucoup d’entreprises qui sont dans ce monde-là. Et ce n’est pas forcément des interlocuteurs de 60-65 ans qui tiennent ce discours. |
Christophe Patte | Est-ce que c’est pas ça, la plus grande évolution de ces dernières années justement ? Le fait qu’aujourd’hui les personnes ne restent plus en poste dix ans, voire cinq ans dans la même entreprise. Je crois que la moyenne projetée dans les études de LinkedIn, justement, c’est 3 à 4 ans. |
Laure Domingos | Est-ce que c’est pas un sujet aussi d’alignement aussi ? Quand on se considère en tant que personne, qu’on n’est plus aligné par rapport à ce qu’on fait au quotidien, par rapport à ce que l’entreprise nous vend et nous fait vivre, peut-être qu’on a plus de facilité à se dire ben oui, je vais peut être chercher quelque chose qui me correspond vraiment. Et je reviens aussi sur ce que tu disais, que je trouvais intéressant : est-ce que ce n’est pas aussi le rôle des intermédiaires du recrutement d’aider les entreprises, opérationnelles, RH au sens large, à mieux évaluer justement le potentiel des personnes qu’ils reçoivent, à avoir les bons outils et les bonnes méthodologies pour vraiment chercher les soft skills ? Parce que certes, ils ont l’impression de recruter sur les soft skills et la motivation, mais dans l’étude, ça fait quatre éditions qu’on dit la même chose : les candidats nous disent “Moi, je suis recruté uniquement par rapport à mon expérience et mon CV”. Donc, c’est aussi notre rôle, enfin, le côté intermédiaire du recrutement, d’aller chercher ces éléments-là, d’accompagner les entreprises et d’aider les candidats à valoriser leur potentiel. |
Etienne Diguet | Moi je suis d’accord. Je pense que ça fait partie du rôle des cabinets de recrutement. Il y a certaines personnes qui vont me dire que ce n’est pas notre rôle, qu’il y a des associations, des conseillers emploi qui font ça beaucoup mieux que nous, que nous on est mandatés par une entreprise pour une recherche et qu’on est aux ordres du client. Moi, je pense qu’on a un rôle à jouer, mais après, en 2023 sur ce créneau, il faut s’accrocher, faut avoir les épaules. Parce qu’on est clairement pas assez écoutés. Nous, on passe notre temps à continuer d’aider certains candidats, de défendre certains profils atypiques. Mais voilà, on se heurte effectivement encore une fois à “Il a pas utilisé ce logiciel-là. Donc on n’en veut pas”. Mais vous pouvez le former ? Oui mais non, on n’a pas le temps, et cetera et cetera. Donc on continue à le faire parce que ça fait partie du job et si on aime un minimum l’humain —même si ça fait pompeux de dire ça —, si on aime un minimum l’humain dans le recrutement, faut continuer. On ne peut pas baisser les bras et se contenter de suivre les consignes des entreprises alors que qu’on voit que ça correspond et qu’on va tous dans le mur, donc il faut continuer à pousser, à faire passer le message, à rabâcher. Mais il faut avoir la foi, c’est sûr. |
Laure Domingos | Oui, il est encore temps d’agir et on peut y aller clairement. |
Christophe Patte | Pour revenir sur le sujet du salaire, parce qu’on l’a survolé, mais moi je me dis quand même cette année, on est dans une année vraiment noire pour la plupart des gens. On a parlé de l’essence, mais tout coûte cher. Tu as vu la pub, sur le steak haché là ? La pub d’Intermarché ? |
Etienne Diguet | Ah, je l’ai ratée. |
Christophe Patte | Trop drôle. Le mec offre un steak haché à sa nana et elle reçoit ça comme si c’était un diamant, tu vois. Mais on en est là aujourd’hui. Donc moi, quand on me dit : ah, les candidats, en fait, il y a plus que le salaire… je suis quand même sceptique. |
Laure Domingos | Il y a deux niveaux de réponses sur ce que tu viens de dire. Je reviens sur les études. Là, sur la dernière édition, on est à neuf candidats sur dix qui disent qu’ils ont besoin de la rémunération pour être persuadé que l’offre d’emploi est attractive. Et en face, les managers sont seulement 60 % à l’afficher, la rémunération. Donc, il y a cette logique de transparence qui est importante, ils ont besoin de savoir dans quoi ils s’engagent, c’est comme un achat immobilier et c’est de bon ton de dire ça en ce moment, mais de se dire concrètement à combien je vais être rémunéré et qu’est-ce que va contenir le contrat derrière ? Et le deuxième niveau de réponse, je reste persuadée et c’est une conviction personnelle, qu’il n’y a pas que la rémunération. Évidemment, c’est le nerf de la guerre sur plein de sujets, il faut pouvoir vivre évidemment avec sa rémunération, mais au-delà, ce n’est pas suffisant. En fait, on le voit au fil des mois, ce n’est pas suffisant pour pouvoir engager (…) |
Christophe Patte | Mais à quel niveau, parce que ça, c’est un truc qu’on peut entendre pour un cadre. Mais pour quelqu’un qui est opérationnel, qui est employé, qu’est-ce qui est ce qui fait la différence à part le salaire ? |
Laure Domingos | De se dire concrètement : je vais bosser le matin sans avoir la boule au ventre. De se dire : je vais rejoindre une équipe (…) à peu près sympa, dans laquelle je me sens bien parce que le manager m’écoute et me considère. On sait aussi que le sujet du management est important, là, en ce moment, ils sont surexposés. On attend beaucoup des managers. C’est la première raison de départ de son entreprise. Donc il y a la rémunération en première ligne, ça c’est certain. Mais par contre, derrière, on veut aller au boulot sans avoir la boule au ventre. De se dire : concrètement, je vais voir des gens sympas, on me fait confiance, on me permet de prendre des responsabilités et peu importe le niveau. En tout cas, c’est ma perception. |
Christophe Patte | Etienne ? |
Etienne Diguet | Oui, je rejoins Laure. Effectivement, je pense que les histoires de quête de sens, c’est vraiment la cerise sur le gâteau. C’est vraiment le Saint-Graal. C’est vraiment le sommet de la pyramide une fois qu’on a passé tous les autres échelons. Pour moi, c’est, comme tu le disais, une demande de cadres sup ayant déjà réussi à cocher tous les autres critères dans leur parcours. Donc non pas que ce ne soit pas important, mais je pense que ça ne touche pas toutes les couches de la population active. Pour nous — on a un peu bossé quand même en amont pour préparer le podcast chez FID RH —, on a repris nos 200 derniers dossiers de candidats en entretien. Le salaire arrive seulement en troisième position dans les demandes. Voilà, “Pourquoi vous êtes à l’écoute aujourd’hui ? Qu’est ce qui ne va pas ?” En premier, on a la volonté d’évolution, de changement d’entreprise, de voir autre chose, quand on est chez le même employeur depuis trop de temps. En deuxième, on a les conditions de travail. J’aime pas mon manager, j’aime pas mon équipe, il n’y a pas assez de matériel, il y a une mauvaise ambiance. Le salaire est seulement en troisième position et c’est seulement avec 17 %. |
Christophe Patte | Alors moi, ça ne me choquerait pas parce que je prône la transparence maximale. Je pense qu’un candidat en entretien a le droit de critiquer son ancien manager, même si pour certains, c’est un dogme intouchable. Moi j’en suis pas là. Voilà, on ne peut pas vouloir que les candidats soient transparents, honnêtes, sans accepter les réponses. Donc je n’y crois pas à cette question du salaire qui arrive en troisième position. Et on le voit bien parce que sur les 50 derniers dossiers qu’on a présentés à des clients, on a finalement 72 % — je dis ça de tête —, des candidats présentés qui ont renégocié leur salaire à la hausse en entretien, alors que le critère salaire arrive seulement à 17 % dans les intentions de départ. Donc il y a un vrai décalage. C’est aujourd’hui dans la tête des candidats, à part de rares cas qui sont prêts à faire des efforts pour un confort de vie, être plus proche de chez eux, et cetera, voir plus leur famille, mais partir pour le même salaire ou pour moins, c’est pas normal. Il y a une logique aujourd’hui en France à se dire encore, même si on entend toutes les études ou les sondages : si je pars, c’est que j’ai plus. |
Christophe Patte | Ça a toujours été, non ? |
Etienne Diguet | Ça a toujours été, mais c’est pour ça qu’aujourd’hui je trouve qu’il y a un décalage entre les réponses des candidats sur des sondages officiels et la réalité une fois qu’ils sont sur le terrain. |
Christophe Patte | Après ça dépend des sondages. Si t’es un cabinet de recrutement et que tu sondes t’auras certainement pas les mêmes résultats que si t’es en un organisme de sondage classique sans appartenance. |
Laure Domingos | Il y a un truc intéressant pour rebondir sur ce que tu dis. 62 % des RH nous disent que les refus de propositions d’embauche sont liés à la rémunération. Donc ce que vous dites tous les deux, c’est qu’il y a un gap, une différence entre les candidats qui disent : oui, bon, la rémunération, c’est en troisième et les RH en entreprise qui disent : ben, quand même on nous refuse les propositions d’embauche à cause de la rémunération. C’est vrai que c’est un peu paradoxal, mais je reste convaincue, persuadée si d’ores et déjà, la rémunération est présente dans les offres d’emploi, on sait vers quoi on va s’engager, on comprend ce qu’il y a derrière et qu’après oui, ça rentre en ligne de compte. Finalement, c’est un peu ce que tu dis. Est-ce que les candidats disent la vérité quand ils disent non à une entreprise qui leur propose une embauche ? Voilà, on peut remettre en considération les chiffres un peu plus largement. Ça vaudrait le coup d’interroger les RH là dessus, dans le détail. |
Etienne Diguet | Il y a un vrai sujet avec le processus de recrutement parce qu’il y a effectivement beaucoup de sociétés qui s’étonnent qu’un candidat refuse une proposition à la fin. Mais au final, le candidat a fait deux entretiens, trois entretiens et la proposition salariale lui a été faite seulement à la fin de tout le process. À un moment donné, il ne faut pas s’étonner si on propose, après trois entretiens, un salaire inférieur à ce que le candidat a actuellement, qu’il dise non. De là à en déduire que c’est un scandale, qu’il pense qu’à l’argent, que c’est un mercenaire, non. Il fallait revoir le process et peut-être aborder le sujet un minimum dès le début des échanges. Je pense que tout le monde aurait gagné du temps. |
Laure Domingos | C’est ça, c’est la logique de transparence dans ce que tu décris, ce qu’on décrit tous les deux : dès le départ, on est transparent. Dès le départ, on annonce la couleur et on sait à quoi s’en tenir. Et du coup, on n’est pas surpris de la suite en fait. |
Christophe Patte | C’est quoi une demande un peu farfelue que tu aurais eu dernièrement de la part d’un candidat ? Hormis venir avec son chien au travail ? |
Etienne Diguet | Oh, c’est même pas dans les demandes farfelues ça, le chien au travail. C’est presque classique effectivement. Mais dans les demandes en entretien qu’on a vécu chez nous, on a des candidats qui nous demandent très normalement s’il peut fumer pendant l’échange, bien évidemment. Ils nous demandent s’ils peuvent partir absolument à 18h30 parce qu’ils veulent rentrer chez eux pour regarder le match de foot ou de rugby (c’est important). Et dans les demandes chez nos clients, on a eu récemment : je cherche une entreprise qui m’autorise à faire des siestes, parce que c’est important pour moi de faire une à deux siestes dans la journée. On a des demandes complètement farfelues de gens qui nous disent vouloir continuer à travailler dans le commerce en grande distrib’ mais absolument pas le samedi, donc c’est forcément un peu compliqué étant donné que c’est le jour le plus important de la semaine dans ces secteurs. Donc voilà. On a eu un candidat qui a demandé à travailler pieds nus, c’était important pour sa créativité. Donc voilà, on a des choses un petit peu sympathiques. |
Christophe Patte | Mais moi je voulais faire le podcast nu mais vous ne vouliez pas donc… Du côté CCLD, Laure, vous avez des retours du même type ? |
Laure Domingos | Après, oui, ça rejoint clairement ce que tu dis. Après, moi, je vais parler de mon expérience en tant que manager qui recrute dans les équipes marketing et communication. J’ai eu des cas un peu loufoques et après c’est à nous aussi d’adapter aussi notre posture. Mais j’ai eu “moi je ne veux pas travailler le lundi, mercredi et vendredi”. Pas simple, dans les métiers du marketing et de la communication. Et il y a aussi cette question que j’ai eue : le variable ne peut-il pas être intégré dans le fixe ? Parce que concrètement, j’aime pas les objectifs. Et quand on est manager — et je ne me considère pas comme une recruteuse aguerrie même si j’évolue dans ce domaine depuis quatre ans —, ça bouscule clairement, ça heurte, on se dit : moi, c’est pas du tout la perception du monde du travail que j’ai. Mais derrière, c’est aussi une nécessité d’aller essayer d’aller un peu plus loin, d’aller chercher ce que cache finalement cette demande un peu farfelue. |
Etienne Diguet | Oui, il peut y avoir des candidats qui ont été échaudés parce qu’ils avaient des objectifs inatteignables, ils ne veulent pas prendre le risque de (…) la situation, et cetera, mais ça, oui, c’est des cas qu’on a aussi chez nous : je suis à 62 fixe, j’ai 15 de variable. Pour la suite, je veux 75 de fixe et 20 de variable. |
Christophe Patte | C’est ce que tu disais tout à l’heure, finalement, on ne peut pas s’adapter non plus à tout le monde. |
Etienne Diguet | Non. Aujourd’hui, ce n’est pas possible. Vous le savez, je suis souvent sur LinkedIn —mais peut-être un peu trop au goût de mes collègues —, on voit souvent des DRH, des responsables recrutement qui sont dans des startups et qui disent qu’il faut faire comme si, qu’il faut faire comme ça, mais j’aimerais bien les voir dans des sociétés établies depuis 50 ou 100 ans où finalement faut réorganiser tout de A à Z, changer les cultures, faire changer d’avis la direction sur certains sujets… c’est beaucoup moins simple que ce que certaines entreprises laissent entendre. |
Christophe Patte | Donc pour conclure ce podcast, ma question c’est : est-ce que les métiers du recrutement ont encore la cote en 2023 ? |
Laure Domingos | Toujours pareil, dans ma logique, il y a deux niveaux de réponse à cette question. Le premier sujet — t’as fait beaucoup d’études avec myRHline sur cette question-là —, c’est que globalement, les RH et les professionnels du recrutement ont un peu un sentiment de lassitude. Il y a eu beaucoup de choses à gérer par rapport au Covid, aux entreprises, la réorganisation du temps de travail, etc. Si je parle du côté consultant en recrutement, en tout cas chez CCLD qui ne fait pas de développement commercial (…), j’ai quand même le sentiment qu’ils sont heureux de faire leur métier et qu’ils croient encore en l’humain et à leur capacité à proposer des projets, à aller chercher les candidats qui cherchent des opportunités cachées, à s’immerger dans les entreprises… Et globalement, sur les personnes qui postulent sur des postes de consultant en recrutement chez CCLD, il y a cette même envie d’agir et de faire en sorte que l’humain retrouve sa place au cœur du marché de l’emploi. |
Christophe Patte | Etienne ? |
Etienne Diguet | Oui, je suis d’accord avec Laure. Il y a effectivement plusieurs niveaux de lecture. Il y a beaucoup de recruteurs qui trouvent que leur métier est devenu plus intéressant. On parle beaucoup de copywriting, on parle beaucoup d’amélioration des techniques de sourcing, de tout ce qui est growth marketing appliqué au recrutement… Donc il y a pas mal de recruteurs qui trouvent que le métier est plus intéressant à pratiquer aujourd’hui. Mais j’ai l’impression que c’est quand même une petite frange de la population qui est à son compte avec un portefeuille restreint, ou alors des gens qui sont passés influenceurs, formateurs, notamment sur LinkedIn. De l’autre côté, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup, effectivement de recruteurs en entreprise ou en cabinet qui sont effectivement usés, qui en ont marre de passer 5h avec un candidat pour à la fin le voir disparaître sans aucune explication ou avoir un opérationnel qui recale le dossier sans l’avoir lu juste parce qu’ils n’aiment pas la photo sur le CV. Donc voilà, j’ai l’impression qu’il y vraiment deux tranches de population en ce moment chez les recruteurs. J’ai l’impression quand même que la tranche usée est la plus importante aujourd’hui. Et je rejoins Laure, chez nous c’est pareil, on s’accroche parce qu’il y a de belles histoires. Il y a des clients effectivement qui sortent du lot, qui proposent des solutions. Il y a des candidats honnêtes, transparents et avec qui on peut faire des process hyper sympas. Il faut s’accrocher aux aspects positifs de notre métier. Il y a plein de choses à faire. L’IA, contrairement à ce qu’on lit de plus en plus, ne va pas casser tout de suite et faire disparaître le métier de recruteur (…), ou peut-être jamais. Donc voilà, pour les gens qui aiment l’humain, les échanges, trouver des solutions, oui, c’est un job encore hyper hyper enrichissant. |
Christophe Patte | Alors pour conclure ce podcast, une simple question : c’est quoi un recruteur qui n’a pas raté le coche ? Etienne ? |
Etienne Diguet | Un recruteur qui n’a pas raté le coche, c’est déjà un recruteur qui s’est forgé un mental d’acier pour tenir le coup face aux situations un peu difficiles qu’on vit tous en ce moment. C’est quelqu’un qui a compris que le monde a changé, du moins le monde professionnel, et qui est capable de s’adapter. Et c’est quelqu’un à mon avis (…) qui est capable d’aller challenger ses clients, ses opérationnels s’il est en entreprise, mais qui ne doit pas se contenter de recevoir de l’information et des consignes. Il doit challenger sur une fiche de poste, il doit être capable d’expliquer des situations, de conseiller, de bousculer le hiring manager sur ses certitudes. Voilà, il faut effectivement qu’il soit un véritable négociateur en interne et avec les candidats. |
Laure Domingos | Et moi, je dirais, pour compléter ce que tu dis, un RH qui n’a pas raté le coche, c’est un RH qui sait se poser les bonnes questions mais surtout qui est dans l’action, dans cette période un peu incertaine, où on ne sait pas trop où on va, et cetera. Ceux qui n’ont pas raté le coche, c’est ceux qui disent que tout n’est pas perdu. Et oui, il y a des choses qui sont déceptives, des choses qui sont encourageantes. Et en tout cas, en tant que RH, c’est la volonté de toujours améliorer ses pratiques, d’aller au-delà des impressions et de faire en sorte de s’intéresser toujours à l’autre. Il y a le côté humain. Enfin… on parlait tout à l’heure de ChatGPT, c’est super, c’est une l’intelligence artificielle, c’est génial, ça permet de désalourdir certaines procédures… mais globalement, ça ne remplace pas le côté humain. Donc un RH qui n’a pas raté le coche, c’est quelqu’un qui est clairement dans l’humain et engagé dans l’action. |
Christophe Patte | Et qui regarde à l’extérieur de son entreprise. |
Laure Domingos | C’est ça. |
Etienne Diguet | Oui, il a intérêt, s’il veut se tenir au courant de tout ce qui se passe chez les candidats, chez les concurrents, oui, il vaut mieux qu’il regarde un peu ailleurs. |
Christophe Patte | Merci Laure, merci à tous. |