Aujourd’hui, la data RH et l’IA sont deux outils dont les ressources humaines ne tirent pas pleinement parti. En effet, la data est sous-exploitée car cela fait des années que les RH en disposent, sans pour autant l’utiliser. Et, bien entendu, l’intelligence artificielle vient désormais complexifier (ou au contraire simplifier) l’équation.
Mais, c’est quoi déjà la data RH ? En quoi les datas transforment-elles la gestion des ressources humaines ? Pourquoi la RH a-t-elle des difficultés à s’en emparer ? En quoi l’IA peut-elle, entre autres, contribuer à lever ces obstacles ? Décryptage.
Data RH : définition et usages
La digitalisation RH étant passée par là, cela fait longtemps que les ressources humaines ont accès à la data. Ceci par différents outils, comme les jobboards, les plateformes LMS, le SIRH, etc. Ça, c’est la théorie, car, en pratique, ces données restent — en grande majorité — peu exploitées.
Néanmoins, avant de nous intéresser au « pourquoi » du problème, reprenons plutôt les bases. Qu’est-ce que la data RH ? Et quels en sont les usages (attendus) ?
Data RH : la définition
La data RH — donnée en gestion des ressources humaines — désigne toutes les informations recueillies sur les collaborateurs, les candidats aussi, et les processus RH. Nous venons de le voir, ces données peuvent provenir de diverses sources : logiciels SIRH, systèmes de gestion de la paie, outils de suivi des performances ou encore enquêtes de satisfaction.
Tout l’intérêt de la récolte des datas RH est d’ensuite les analyser. L’objectif principal étant d’aider les directions à prendre des décisions éclairées sur des sujets stratégiques pour l’entreprise. Il peut par exemple s’agir de :
- décrypter et/ou prédire des tendances ;
- améliorer les pratiques RH ;
- définir des stratégies à court, moyen, long terme ;
- faire des choix économiques, etc.
Quels usages de la data pour la fonction RH ?
Dans les faits, les avantages du recours à la data RH sont multiples. Voici quelques exemples.
- Anticiper les besoins en recrutement
Grâce à des données sur les tendances du marché, les départs prévus et les compétences internes, les équipes RH peuvent anticiper les futurs besoins en talents.
- Suivre la performance et l’engagement des collaborateurs
Des outils d’analyse permettent d’identifier les facteurs de motivation ou, à l’inverse, les risques de désengagement. Ces données facilitent alors la mise en place de plans d’action adaptés.
- Améliorer la QVCT
L’analyse des données sur les habitudes de travail, les rythmes ou encore les conditions permet à l’entreprise d’ajuster ses pratiques pour offrir un environnement de travail plus favorable et épanouissant.
- Optimiser la formation et le développement des compétences
Dans le cadre de la GEPP, mais pas que, la data aide à repérer les lacunes en compétences, à orienter les budgets de formation et à mesurer l’impact des actions déployées.
Ainsi, la data RH est un outil décisionnel, une boussole, essentiel pour les entreprises souhaitant optimiser leur gestion du capital humain. C’est aussi un levier de transformation culturelle qui permet aux entreprises de passer d’une gestion intuitive à une gestion factuelle.
Recrutement, processus, performance, formation des salariés, engagement collaborateur, temps de travail… Si les usages potentiels de la data RH sont nombreux et prometteurs, leur mise en pratique se heurte encore à des obstacles majeurs.
Exploitation des données : quels sont les freins ?
Comme l’expliquait Juliette Matharan, dans le 3e épisode de la saison 2 du podcast T’as raté le coche, la problématique actuelle n’est pas tant le volume de données disponibles, car il y en a beaucoup, mais son exploitation.
Alors, pourquoi la donnée RH est-elle encore trop peu exploitée ?
Premier frein : la fragmentation. En effet, la fonction RH est encore très verticalisée. De fait, les équipes recrutement ont leurs données, les équipes formation aussi, etc. Mais cette organisation en silos limite la centralisation des informations. Or, celle-ci est essentielle pour maximiser la puissance des analyses.
Deuxième frein : le manque de fiabilité des données. Le plus souvent, celles-ci sont agrégées sous différents formats et peu mises à jour. Ce qui altère la confiance vis-à-vis de la donnée. Un sentiment notamment renforcé, nous y reviendrons, par l’arrivée de l’intelligence artificielle.
Revivez les temps forts du 3ème épisode de la saison 2 du podcast T’as raté le coche avec Juliette Matharan (CEO de Polare), Paul Mallet (Sales Manager LinkedIn) et Mustapha Benkalfate (AI strategist pour Halifax Consulting).
Data & IA : deux défis à relever pour la fonction RH
Une confiance qui n’est pas donnée
L’apport des données à la fonction RH est indéniable. En effet, utiliser la data comme base de décision permet d’éviter des choix intuitifs (et parfois biaisés) d’une part, et d’aligner les parties prenantes autour d’objectifs mesurables.
Preuve en est avec un exemple tout simple : présenter des chiffres clairs, et non pas approximatifs, en réunion renforce la crédibilité et la portée des propositions faites. CQFD.
En toute logique, lorsque les entreprises n’exploitent pas correctement leurs données, les initiatives mises en place risquent d’être peu pertinentes. Voire contre-productives. Avec des résultats souvent décevants, qui alimentent alors un cercle vicieux où la confiance envers la data diminue. Encore et encore.
C’est ainsi que l’on en vient à des situations, encore trop récurrentes, où les RH sont perçus comme déconnectés de la réalité terrain et du business.
Étroitement corrélé à la confiance envers les données, il y a un autre sujet : celui de l’IA et des ressources humaines.
Nous le savons : l’intelligence artificielle suscite des défiances. Pourtant, elle joue en réalité un rôle clé pour améliorer cette confiance. Pourquoi ? Car l’IA permet de nettoyer, structurer et fiabiliser les données en un temps record.
De même, parce qu’on s’en méfie justement, elle incite les utilisateurs à adopter de bonnes pratiques en matière de gestion de la data. Ceci contribuant alors à créer des bases d’informations qualitatives.
Données RH et intelligence artificielle : quelques chiffres
- Lors de l’étude IA et RH — les principaux enseignements, nous avons posé la question suivante : Quelles sont les tâches que l’intelligence artificielle améliore dans le quotidien des RH ? La capacité à analyser les données RH est arrivée en 4ème et dernière position (55 % du panel).
- Selon l’étude l’IA et les RH — l’étude ultime 2024, 28 % des RH considèrent la qualité des données comme un frein à l’adoption de l’IA dans l’entreprise. De même, 87 % des organisations n’utilisent pas l’IA pour générer des rapports de performance RH.
Le manque d’une vision structurée
Depuis une quinzaine d’années, la digitalisation de la fonction RH s’est construite de manière progressive. Et ce, en suivant davantage une logique qui consiste à répondre aux besoins ponctuels, l’un après l’autre, plutôt qu’à déployer une stratégie globale d’anticipation.
Bien entendu, les sujets de la digitalisation et de l’appréhension de la data par les services RH sont étroitement liés. Les outils se multiplient et arrivent plus vite que les compétences nécessaires pour les exploiter pleinement. Une difficulté elle-même exacerbée par l’absence d’une vision centralisée des outils et des processus. Et ainsi de suite.
En définitive, c’est ici que l’intelligence artificielle pourrait à nouveau jouer un rôle décisif. Car elle pourrait faciliter la connexion entre les outils, les données et les actions stratégiques. Et, par conséquent, permettre aux RH d’adopter une démarche plus holistique.
Données RH, émergence de l’IA : une équation vraiment plus complexe ?
Transformation digitale. Intelligence artificielle. Datas RH. Nous sommes à un tournant pour les ressources humaines. Si les outils et les technologies sont désormais disponibles, leur potentiel ne sera pleinement exploité qu’à travers une vision d’ensemble structurée.
Les données RH constituent une ressource inestimable pour anticiper les besoins, aligner les stratégies, et renforcer l’efficacité organisationnelle. Malheureusement, bien qu’abondantes, elles souffrent encore de silos, de fragmentation et d’un manque de mise à jour régulière.
Alors, quelles sont les conditions de la « performance data » ? Concrètement, il s’agit désormais de renforcer la confiance, fiabiliser les données et faciliter leur activation stratégique. À l’aide de l’intelligence artificielle, par exemple.
Le défi réside donc moins dans les capacités techniques que dans l’acculturation et l’adoption de nouvelles pratiques. En effet, comme le souligne Mustapha Benkalfate, l’enjeu n’est plus tellement d’anticiper, mais plutôt de reconnaître et d’exploiter le potentiel déjà disponible aujourd’hui :
Dans l’environnement RH actuel, on parle beaucoup du travail du futur (future of Work), de RH augmenté, de Sales augmenté, etc. Mais ce n’est pas le futur, c’est le présent. Le gap, c’est que les personnes qui ont une pensée stratégique dans l’entreprise puissent se représenter ce que la fonction RH peut faire avec les données et avec l’IA. Or, aujourd’hui, nous n’y sommes pas encore (…) il y a un vrai travail d’acculturation à mener pour que les dirigeants et RH comprennent non pas ce qui va arriver dans le futur, mais ce qui est déjà présent et déjà accessible aux organisations. Je pense que c’est vraiment ça le cheval de bataille aujourd’hui.
Le véritable enjeu, donc, n’est pas uniquement technologique, mais culturel et stratégique. Les organisations qui réussiront à associer les compétences humaines à la puissance des données et de l’IA auront toutes les cartes en main pour réinventer leur fonction RH et créer un impact durable, dès aujourd’hui.