MAN Truck & Bus, une entreprise du Groupe TRATON (Volkswagen), est fournisseur de véhicules industriels et de solutions de transport intelligentes et durables. L’organisation compte plus de 900 collaborateurs.
myRHline a rencontré Olivier Rio, DRH de l’organisation, afin qu’il nous explique les stratégies mises en place au sein de MAN Truck & Bus France pour recruter en 2024.
Quels sont les enjeux du recrutement 2024 pour MAN Truck & Bus France ?
L’activité de véhicules industriels est un marché en France partagé principalement par 8 constructeurs. Toutes ces organisations incluant la nôtre ont besoin de mécaniciens pour assurer la maintenance des véhicules industriels vendus. Or, nous sommes dans un contexte de pénurie de candidats extrêmement forte pour ces métiers-là.
J’ai rejoint l’entreprise il y a 12 ans et pourtant je n’avais jamais vu une tension aussi élevée que ces dernières années.
Deux explications majeures : un manque flagrant d’attractivité des métiers de la mécanique poids lourd chez les jeunes qui ne connaissent pas bien cette filière professionnelle. Mais aussi la pénibilité du travail. D’une certaine manière, les deux sont étroitement liées puisqu’en définitive, ce n’est pas un choix d’orientation privilégié par les parents. Ces derniers orientant leurs jeunes vers des filières générales plutôt que techniques ou technologiques.
C’est une réalité qui crée une vraie difficulté — pour notre entreprise, mais aussi pour toutes celles qui ont besoin de profils en mécanique de véhicules industriels — avec, pour conséquence, un marché du recrutement où il y a beaucoup plus d’offres que de candidats.
1/3 des postes restent non pourvus
Si l’on tient compte de la croissance et du turnover au sein de notre réseau — sites en propres et réseau d’entreprises privées qui distribuent et réparent les véhicules MAN —, nous ouvrons habituellement une centaine de postes à l’année en France. Avec un tiers d’entre eux qui restent non pourvus.
L’enjeu prioritaire pour notre organisation est ainsi axé sur le recrutement de mécaniciens de camions, de bus & cars et de véhicules utilitaires. C’était déjà une priorité les années précédentes, ça l’est pour 2024 et ça le sera encore pour les années à venir. Car notre objectif est de passer au sein de notre réseau intégré et privé de 900 mécaniciens à 1500 d’ici 2030. Ce qui représente en moyenne 100 recrutements par an afin de soutenir notre objectif de croissance.
Quelles stratégies avez-vous mises en place pour contourner ces difficultés de recrutement ?
L’alternance
Le premier levier sur lequel nous nous appuyons est notre politique d’alternance. Aujourd’hui, cela fait 10 ans que nous avons créé l’école technique MAN — en partenariat avec l’AFTRAL — spécialisée, entre autres, dans la formation à la maintenance de véhicules industriels.
L’objectif est d’attirer les jeunes dans nos filières professionnelles et de les former. Ceci en proposant des diplômes allant du C.A.P au B.T.S. Ceux qui intègrent l’école évoluent ainsi au sein de nos ateliers par la voie de l’alternance dans laquelle nous sommes très engagés. Notre taux d’alternance est de 18 %, bien au-dessus de l’obligation légale, dont les deux tiers sont dans la filière mécanique.
En parallèle, nous recrutons aussi des apprentis mécaniciens inscrits dans d’autres écoles afin d’élargir nos capacités à former les jeunes et surtout à les embaucher à l’issue de leur cursus.
En pratique, l’alternance constitue un axe important de notre stratégie de recrutement. C’est d’ailleurs le canal le plus efficient pour notre organisation.
Autre volet qui fonctionne très bien chez MAN Truck & Bus France : la cooptation. À ce jour, elle est à l’origine de deux tiers de nos recrutements. La spécificité d’une activité telle que la nôtre fait que nos collaborateurs évoluent dans un « petit monde », en cooptant ils deviennent ambassadeurs de la marque MAN, car ils sont engagés et fiers de travailler pour l’entreprise.
Le réseau des collaborateurs par la cooptation
Les mécaniciens sont très souvent en contact les uns avec les autres. Ils ont un réseau, construit au fil de leurs études ou de leur expérience professionnelle, et donc ils promeuvent la marque auprès de leur réseau.
L’entreprise mise sur ce réseau et récompense la cooptation. Ainsi, le collaborateur qui transmet un CV à son manager ou au service RH reçoit une prime de 1 000 euros brut à l’issue de la période d’essai de la personne recrutée.
Par ailleurs, un autre projet est en cours d’élaboration : le recrutement à l’international. Par l’intermédiaire de la maison mère, MAN Truck & Bus France est entré en relation avec un prestataire de recrutement de mécaniciens poids lourd venant des pays étrangers où, contrairement à l’Europe, le contexte est moins tendu.
Outre l’accompagnement dans la mise en œuvre du recrutement, la mission de ce partenaire sera d’accompagner ces futurs collaborateurs dans leur démarche pour une installation en France réussie (démarches administratives, déménagement/installation, etc.). C’est en tout cas la vision que nous avons de ce projet qui, pour l’heure, est encore à ses débuts.
Bien entendu, nous avons également une démarche classique en faisant appel aux cabinets de recrutement et à leur réseau. Même s’ils rencontrent sensiblement les mêmes problématiques que nous du fait du contexte général.
L’expérimentation RPO
En complément, MAN Truck & Bus France a lancé une nouvelle initiative pour dynamiser son approche du sourcing : le recours au RPO (recruitment process outsourcing). Depuis 6 mois, un prestataire externe met à notre disposition un chasseur de talents à temps plein qui doit notamment sourcer les profils sur les jobboards et les réseaux sociaux. Ceci afin de nous apporter plus de « leads ».
En toute transparence, nous n’avons pas encore suffisamment de recul sur cette expérimentation RPO. Car cela nécessite du temps pour bien comprendre notre activité et les métiers de la mécanique. Cependant nous sommes optimistes et continuerons au moins pour 2024.
Quel est l’outil utilisé chez MAN Truck & Bus France pour piloter la diffusion et le traitement des candidatures ?
Depuis fin 2022, nous avons basculé sur l’outil d’acquisition de talents de Softgarden. L’objectif était de développer en premier lieu un site Carrière afin de démultiplier la visibilité de nos offres d’emploi en ligne.
Il y a quelques mois, nous avons également poussé cette solution vers les entreprises de notre réseau privé en leur proposant de dupliquer notre site Carrière. L’intérêt est de mutualiser les offres d’emploi en permettant aux candidats d’avoir une vue d’ensemble des postes à pourvoir en France dans tout le réseau intégré et privé.
Nous avions également besoin d’un outil de traitement des candidatures pour les traiter de façon plus simple et rapide, assurer un retour, etc. Mais aussi, bien sûr, pour les candidats d’être en capacité de « postuler en quelques clics » notamment en utilisant WhatsApp par exemple. C’est une technologie très intéressante pour atteindre les mécaniciens — qu’ils aient un CV ou pas —, et finalement leur faciliter le processus de recrutement.
Et, enfin, nous allons utiliser la fonctionnalité de multiposting qui nous permet de pousser nos offres sur plusieurs canaux. Tout l’intérêt étant, encore une fois, d’augmenter notre force de frappe.
Comment les attentes des candidats ont-elles évolué ces deux dernières années ?
Aujourd’hui, le terme de « marché des candidats » prend véritablement tout son sens. Nous sommes dans un contexte où l’équilibre s’est inversé. L’on parle plus d’un marché de séduction des potentiels salariés que d’un marché employeur.
En dehors de la rémunération, les attentes exprimés par les candidats sont liés à la QVCT, comme l’accès au télétravail pour les fonctions télétravaillables, la capacité de l’entreprise à les accompagner dans leur projet de carrière, à développer leurs compétences. Ou encore à assurer l’équité professionnelle, ainsi que l’équilibre professionnel et personnel.
Ces attentes existaient déjà avant, mais elles sont devenues plus prégnantes ces dernières années notamment avec les nouvelles générations. Elles constituent aujourd’hui des leviers d’attractivité sur le volet recrutement et de rétention des talents afin qu’ils s’épanouissent au sein de l’entreprise.
Notre vision est de continuer à faire de MAN une entreprise et son réseau attractifs dans laquelle les collaborateurs sont engagés et s’épanouissent. C’est notre promesse, que ce soit aux candidats et à nos collaborateurs.
En ce sens, nous avons identifié trois axes stratégiques pour mieux répondre à leurs attentes et besoins :
- améliorer l’engagement (perspectives de carrière, reconnaissance de l’humain, de la compétence, de sa contribution, leadership de qualité) ;
- changer notre approche recrutement en sélectionnant des candidats sur l’attitude pour les former sur les aptitudes, bien que ce soit plus difficiles pour les métiers de la mécanique ;
- fédérer l’adhésion aux valeurs de l’entreprise (priorité client, respect, esprit d’équipe, responsabilité, élimination du superflu/simplification).
Ce socle d’idées, associé à nos engagements pour la diversité et l’égalité, constitue la feuille de route de notre stratégie RH et recrutement d’ici 2030. Pour aider sa mise en œuvre, l’entreprise s’est d’ailleurs engagée dans une démarche de certification Top Employer que l’on a pour objectif d’obtenir d’ici trois ans.
Pouvez-vous résumer votre vision d’une stratégie de recrutement réussie en 2024 ?
Je pense que l’employeur doit être en mesure de tenir ses promesses faites aux candidats. La stratégie donne une vision, une perspective, savoir où l’on va, ce que l’on souhaite accomplir. Elle sert donc à créer l’attractivité, à convaincre les potentiels collaborateurs. Mais nous devons aussi être capables de tenir nos promesses faites une fois qu’ils ont rejoint l’entreprise. C’est à mon sens ce qui fait toute la différence, que ce soit chez MAN Truck & Bus France ou bien dans toutes entreprises.