Face à l’éco-anxiété, comment les entreprises peuvent-elles agir ? En France, 4 salariés sur 10 ressentent un décalage entre leurs convictions personnelles et leur quotidien en entreprise (étude Imagreen – Institut Kantar 2022). Du quiet quitting au conscious quitting : il n’y a qu’un pas ?
En sachant que 44% des collaborateurs souhaiteraient plus de formations et de sensibilisation aux enjeux et aux bonnes pratiques environnementales, quelles sont les actions à mettre en place ?
Qu’est-ce que c’est l’éco-anxiété ?
L’éco-anxiété désigne un sentiment anxieux provoqué par le réchauffement climatique et les réalités écologiques actuelles. Ce sentiment se traduit notamment par un sentiment de préoccupation, d’inquiétude ou d’angoisse provoqué par les bouleversements actuels ou par les menaces qui pèsent sur l’environnement.
L’éco-anxiété a été conceptualisée en 1996 par Véronique Lapaige, médecin-chercheuse en santé publique et en santé mentale. Selon elle, environ 85% des 15-30 ans se sentent concernés par le changement climatique.
Selon Charline Schmerber, psychothérapeute, l’éco-anxiété n’est pas une pathologie, “mais le signe d’une conscience éveillée, d’une grande lucidité face à l’état actuel du monde en pleine catastrophe écologique”. Elle affirme que ce sentiment résulte d’un mal-être collectif dû à ce que la planète est en train de traverser.
Pour 9 salariés sur 10, la situation environnementale et sociale est jugée préoccupante et ceci peu importe le secteur d’activité ou le profil des répondants (étude Imagreen – Institut Kantar 2022).
Lorsqu’on demande aux salariés si leur quotidien en entreprise est en accord avec leurs convictions personnelles et leurs modes de vie sur le plan social et environnemental, 39% des collaborateurs évoluant dans des entreprises de 100 salariés et plus répondent non.
Le manque de cohérence entre convictions personnelles et vie professionnelle affecte de manière quasiment identique toutes les générations. Contrairement à ce que certains pourraient penser, cette quête de sens n’est donc pas l’apanage des jeunes générations. Ce sentiment est éprouvé par une part plus importante des fonctions opérationnelles :
- 44% d’ouvriers
- 43% d’employés
- 40% techniciens et agents de maîtrise
Elle est plus importante que chez les cadres avec 29% de cadres et cadres dirigeants ressentant ce sentiment.
Les conséquences du manque d’action RSE
Parmi le tiers des salariés se sentant désengagés du projet de leur entreprise, 75% d’entre eux ressentent ce décalage entre convictions personnelles et action en entreprise.
- Près de 90% des salariés désengagés estiment qu’ils ne sont pas assez impliqués dans les réflexions et décisions RSE. L’engagement collaborateur et l’implication RSE des entreprises sont donc complémentaires.
Cette dissonance provoque du désengagement qui, lui-même, provoque des réactions multiples telles que la remise en question des décisions prises par les managers et la direction, et/ou la critique ouverte et publique de la stratégie et des choix de l’entreprise (46%), l’absence d’initiative dans les missions et/ou le retard dans l’exécution des tâches qui manquent de sens (52%), ou encore le conflit direct avec les collaborateurs et/ou la prise de distance concrète (36%).
Ces conséquences se traduisent par ailleurs de manière physiologique puisque 28% des salariés désengagés ressentant cette dissonance viennent travailler chaque jour avec la boule au ventre.
Le baromètre démontre que 6 salariés sur 10 envisagent ou ont pris la décision de quitter leur entreprise. Ce qui représente plus de 1,4 million de personnes sur le point de démissionner ou proche du départ. Pour quelles raisons ? En partie à cause du manque d’efficacité de leur entreprise à contribuer positivement à la société et à l’environnement.
- Plus de 1 salarié sur 2 se trouve dans une démarche de formation, de reconversion, ou envisage de le faire.
De plus, l’inaction en matière de RSE a un coût économique. Sur la base des salaires déclarés par les répondants de l’étude Imagreen et des statistiques de l’INSEE concernant les entreprises de plus de 100 salariés, Imagreen et Kantar ont pu estimer la masse salariale brute (hors cotisations patronales) des collaborateurs désengagés et qui ressentent un conflit entre convictions personnelles et vie d’entreprise. Cette dernière est comprise entre 56 et 67 milliards d’euros.
Mais attention au greenwashing et aux effets du washing sur la marque employeur. Plus de 1 salarié sur 2 a déjà constaté du greenwashing ou sait que cela est arrivé dans son entreprise. Et pour 1 salarié sur 10, cette situation est arrivée plusieurs fois avec une tendance plus forte sur les secteurs du BTP (30%), le secteur de la banque et de l’assurance (20%). Alors, comment les organisations peuvent-elles agir ?
Comment les entreprises peuvent-elles agir ?
La quête de sens au travail est un levier d’engagement non négligeable. En effet, selon une étude Diplomeo (plateforme dédiée à l’orientation de HelloWork Group) 76% des 16-25 ans accepteraient un travail moins bien payé s’il a du sens pour eux.
Mais est-ce seulement une question générationnelle ? Non, si on en croit les résultats de l’étude CCLD, puisque 72% des collaborateurs en poste envisagent de quitter leur travail actuel pour un qui aurait davantage de sens. Par ailleurs, le premier levier d’engagement chez les candidats est le sens, suivi par le climat de confiance et le management.
Construire une stratégie RSE constitue un premier pas pour lutter contre l’éco-anxieté. Toutefois, près de 6 salariés sur 10 considèrent qu’ils ne sont pas suffisamment impliqués dans la stratégie RSE de leur organisation. Pour pallier ce manque, certains collaborateurs se mobilisent pour créer spontanément des collectifs visant à faire évoluer la stratégie de leur entreprise en matière de RSE (baromètre Imagreen Kantar).
Les entreprises peuvent également investir dans la sensibilisation des collaborateurs aux bonnes pratiques environnementales. Pourquoi ? La formation et la sensibilisation aux enjeux climatiques et aux bonnes pratiques environnementales sont des leviers d’actions pour 44% des salariés. Elles se divisent entre les enjeux liés au climat (18%) et les gestes écologiques du quotidien en entreprise (32%).
Enfin, le levier à prioriser pour plus de 4 salariés sur 10 est l’évolution de la stratégie. Ce changement de paradigme est plébiscité par 25% des salariés qui considèrent que de nouveaux modèles économiques doivent être instaurés. Selon eux, ils doivent être en rapport avec une relocalisation de la production ou une politique d’achat responsable permettant de privilégier le made in France (25%).