Pourquoi parler de frugalité ?
La notion de frugalité est à l’origine associée à l’innovation ; l’innovation frugale s’est ainsi développée dans les pays émergents pour répondre au défi de la limitation des ressources, énergétiques comme financières.
Un exemple qui commence a être connu est le concept Jugadd en Inde : fais avec ce que tu as, réutilise, bricole et n’abandonne jamais. C’est en quelque sorte l’éloge de la débrouillardise.
Adopter l’innovation frugale, c’est faire plus avec moins, c’est être ingénieux et sortir des sentiers battus, c’est assumer le manque de ressources et le transformer en opportunité et en incitation à innover.
Et la bonne nouvelle c’est que cela marche. sette façon de penser est devenue une révolution, qui a permis de voir émerger des réalisations extraordinaires, au bénéfice des populations démunies des pays émergents (de nombreux exemples fascinants existent ; consultez par exemple cet article du Huffington Post http://www.huffingtonpost.fr/navi-radjou/innovation-jugaad_b_5197010.html).
Evidemment de tels succès se voient et interpellent, et ce concept de frugalité est en train
d’arriver dans les économies « riches », à commencer par les centres de recherche industriels.
La frugalité est bel et bien en marche.
On redécouvre la vertu de la frugalité dans les processus créatifs ; il faut des contraintes pour penser différement, pour permettre à de vraies nouveautés d’émerger.
« L’art nait dans la contrainte et meurt de liberté » disait Michel Ange.
Ce paradigme peut-il être une nouvelle clé de fonctionnement pour nos sociétés ?
Le concept parait en tout cas en phase avec des mouvements sociétaux émergents, liés à la crise environnementale, au défi écologique, à la situation économique et à la précarité grandisante d’une partie non négligeable de la population.
La société de consommation est challengée dans son fonctionnement, le retour à l’essentiel est une clé de bonheur qui est redécouverte.
Et dans les entreprises ? Y-at-il une place au quotidien pour la frugalité ?
Ce qui est sûr, c’est que le défi du « faire plus avec moins » est complétement présent aujour’hui dans les entreprises.Un nombre grandissant de managers que nous croisons en témoignent.
Mais cet état de fait est aujourd’hui majoritairement subi et vécu comme une pression, ce qui entraîne plus de désengagement que de créativité sur de nouvelles façons de faire pour réussir.
Dans les faits, ces démarches des entreprises sont perçues par les collaborateurs, et très souvent à juste titre, comme des recherches d’économies à tout prix ; et non comme des conditions mises en place pour stimuler l’innovation.
Et si les entreprises assumaient la frugalité comme une compétence ?
En tout cas ses corolaires ont déjà le vent en poupe : débrouillardise, créativité, agilité, prise d’initiative sont des compétences légitimement recherchées.
Dans un monde globalisé et digitalisé, où l’accès de tous aux informations et aux marchés devient la norme, les entreprises doivent augmenter leur capacité à répondre à des demandes singulières, à challenger l’existant, à se remettre en cause et à être réactives face aux opportunités.
Dans son livre très inspirant « l’entreprise du bonheur », Tony Hsieh présente la charte mise en place dans son entreprise Zappos ; et parmi les 10 points, on retrouve : « Faire plus avec moins. Ne jamais cesser de se perfectionner ».
Les collaborateurs sont engagés sur ces points, et les nouveaux entrants sont recrutés sur ces critères ; la frugalité est donc bien une compétence demandée.
L’amélioration continue est aussi une culture de plus en plus recherchée, notamment dans les contextes industriels et de services.
Cette recherche n’est pas une nouveauté ; cet aspect positif du lean management existe depuis longtemps et a fait le succès de grandes entreprses industrielles japonnaises, à commencer par Toyota. Le KAIZEN (« le changement est bon ») est défini en premier lieu comme un état d’esprit de remise en cause très pragmatique de l’existant, pas à pas, au quotidien.
Pour réusir à faire de la frugalité une vraie source de performance, quelques conditions sont nécessaires :
- Inciter chacun à travailler dans son champ de responsabilité : Là où j’ai la main, ou à défaut un réelle capacité d’influence.
- Développer l’ouverture d’esprit et la créativité en poussant son équipe (individuellement et collectivement) à se demander continuellement ce qu’elle peut faire pour travailler de manière plus efficace.
- Considérer le mieux comme l’ennemi du bien, ne pas chercher la perfection, tester les bonnes idées sans attendre.
Didier Duffaut
Directeur associé
Inspirations Management