Michel prend un premier rendez-vous fin décembre dernier et l’annule la veille et une semaine après, il demande un rendez-vous en urgence car il se dit à bout.
Pour cette première consultation, il vient avec son bloc-notes dans lequel il note ses réflexions, ses états d’âmes, des phrases qu’il a entendues…
Michel vient me voir sur les conseils d’une de ses amies qui est ma patiente. Âgé d’une cinquantaine d’années, il est DRH d’une grande entreprise (plus de 700 salariés) de la région, dans laquelle il travaille depuis une vingtaine d’années.
Il a commencé selon lui en bas de l’échelle, autodidacte et passionné par son travail, il a gravi les échelons jusqu’à atteindre les fonctions de DRH en 2016.
Selon lui, tout allait bien dans son travail, jusqu’à ce que l’entreprise soit rachetée par des investisseurs étrangers. Le nouveau propriétaire aurait opéré de nombreux changements sur différents plans : la gouvernance de l’entreprise, les orientations stratégiques, la politique des ressources humaines, etc.
Son corps l’a à la fois lâché et protégé …
Michel vient me voir car son médecin traitant lui a diagnostiqué un « burn-out ».
En effet, début décembre dernier, alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son lieu de travail où devait se dérouler une réunion du Comité Exécutif (COMEX), il n’arrivait pas à monter dans sa voiture car il fut tenaillé par une douleur forte au niveau de sa poitrine avec une sensation d’oppression. Pensant faire un infarctus, il parvient à appeler les pompiers qui arrivent assez rapidement sur les lieux et réalisent un premier check-up. Verdict : il ne s’agit pas d’un infarctus mais d’une crise d’angoisse aiguë. Son médecin l’a par la suite pris en charge et lui a prescrit un mois d’arrêt de travail.
Avant cette crise de panique, Michel me dit que des signaux d’alarme envoyés par son corps auraient dû l’alerter : en effet, quelques semaines avant, il avait des problèmes de sommeil (difficulté à s’endormir, avec des réveils nocturnes), des maux de tête et de dos chroniques, une forte irritabilité notamment dans la sphère familiale.
Un peu pensif, il me dit qu’avec le recul, il s’estime aujourd’hui chanceux car, certes, son corps pas n’a pas tenu, mais en même temps il l’a préservé de problèmes plus graves tels qu’un infarctus ou un AVC, comme ce fut le cas d’un de ses collègues directeur qui a fait quelques semaines avant un infarctus sur leur lieu de travail.
Le conflit éthique, première source de sa souffrance au travail…
Lors de la première consultation, je demande à mon patient de me décrire un peu le mode d’organisation et les conditions de travail au sein de son entreprise (QVCT), notamment depuis le rachat de celle-ci.
Il me dit que le nouveau propriétaire avant le rachat de l’entreprise a promis aux salariés et aux membres du COMEX que les orientations stratégiques de l’entreprise ne changeront pas. Une promesse qui n’a pas été tenue car quelques semaines après son arrivée, le nouveau propriétaire a choisi de réorienter l’activité de l’entreprise et de réduire l’effectif avec la mise en place d’un plan de départ volontaire que devait piloter Michel.
Mon patient ne se retrouvait plus dans les valeurs de l’entreprise dans laquelle il travaille depuis plusieurs années, et en plus on le charge de faire « le sale boulot » (« mettre dehors ses collaborateurs »). Cela fut pour lui source de souffrance et de culpabilité énorme.
Michel est en proie à un conflit éthique, qui est est un des principaux facteurs de risque psychosocial (RPS) selon les auteurs du rapport Gollac (2011) qui le définissent comme étant « un travail que l’on fait et qui peut en contradiction avec nos valeurs personnelles ».
Michel ne se reconnaît plus dans le travail qu’on lui demande de faire, il se sent sale et sali, avec un sentiment de trahir ses collaborateurs. Et ce malaise le poursuit même jusque dans sa sphère privée et notamment dans son sommeil, d’où les réveils nocturnes avec des idées sombres et des ruminations, ce qui explique sans doute ses maux de tête et de dos car il en a plein le dos et plein la tête.
La solitude, un facteur pathogène pour la santé au travail…
Entre les départs et les arrêts maladie de ses anciens collègues directeurs, Michel était le seul « rescapé » de l’ancienne équipe de direction.
En écoutant le récit de Michel, je lui fais remarquer qu’il s’est retrouvé isolé et esseulé dans la nouvelle organisation, et qu’il ne fait pas partie du nouveau collectif de travail… Et il reconnaît qu’il s’est souvent senti seul, sans le soutien de ses pairs avec qui il partageait les mêmes valeurs et les mêmes façons de faire dans le travail.
La pathologie de la solitude est peu évoquée et pourtant elle nuit à la santé mentale : en effet, ne pas avoir de collègues de confiance avec qui parler de ses maux, de ses difficultés est très pathogène car la personne en souffrance ne peut compter que sur elle-même et à la longue, c’est usant psychiquement.
(Arrêt de travail pour dépression : découvrez la durée moyenne pour un tel arrêt.)
Prendre soin, se ressourcer afin de mieux rebondir…
Les conséquences et les séquelles laissées par un burn-out varient d’un individu à l’autre, mais de manière générale, elles sont d’ordre physique et/ ou psychique et/ou cognitif.
Après une longue période de fatigue physique intense, le médecin traitant de mon patient a prolongé son arrêt de travail jusqu’à la fin du mois de mai et cette distance physique et psychologique avec le travail est salvateur car il est plus que nécessaire qu’il prenne soin de lui.
La durée moyenne d’un arrêt de travail est très variable d’un individu à l’autre, pouvant aller de quelques semaines à plusieurs mois, néanmoins, pendant ce temps de « pause » imposé, il est fortement recommandé de:
- récupérer en se reposant afin de recharger les batteries,
- s’autoriser à pratiquer une ou deux activités « plaisir » pour renouer avec la sensation de bien-être,
- prendre soin de soi, à commencer par son hygiène de vie (sommeil, alimentation, pratique d’une activité physique ne serait-ce que quelques minutes par jour),
- se faire accompagner par un professionnel (psychologue, coach, etc.) afin de déconstruire le mécanisme ayant conduit au burn-out et de préparer la reprise d’une activité professionnelle (au sein ou en dehors de l’entreprise)
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