Menée en mars 2021 auprès de 2 008 salariés français, la 6ème édition du baromètre Empreinte Humaine affiche une détresse psychologique des salariés français estimée à 45%, dont 20% de niveau élevé. De plus, 36% des travailleurs français souffriraient de taux de dépression en besoin d’accompagnement. Fait alarmant, le chiffre de dépression sévère a doublé en un an. ( Cet article pourrait vous intéresser : Arrêt de travail pour dépression : quelle est la durée moyenne ? )
Presque un tiers des sondés craignent que des suicides ne se produisent et la moitié se préoccupe de l’état psychologique des équipes à la sortie de la crise. Comment les RH peuvent-ils faire face aux risques psychosociaux amplifiés et œuvrer pour la QVCT des salariés ?
Les défis des RH face aux salariés en détresse psychologique
Le baromètre révèle de multiples défis pour les RH qui vont au devant de l’intensification des troubles psychosociaux au travail. Dans un premier temps, le tabou autour de la santé mentale au travail rend les salariés en détresse psychologique difficiles à identifier. Puis, les symptômes de dépression et d’épuisement s’entremêlant, un accompagnement adéquat peut arriver sur le tard, ou jamais. Les RH, déjà très sollicités durant cette crise sanitaire, peuvent agir pour modérer en amont les effets du télétravail solitaire et du “mode crise” et réduire les risques psychosociaux au travail.
Le télétravail taxé d’augmenter les risques psychosociaux
Le télétravail, auparavant vu comme une des clés de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, se retrouve sur le banc des accusés. Les télétravailleurs sont plus exposés aux risques psychosociaux qu’auparavant, 49% contre 43% lorsqu’ils travaillent dans des locaux, un chiffre qui a doublé sur un an. Ce n’était le cas lors du premier confinement il y a un an, durant lequel les salariés aux missions opérationnelles, sur le terrain, étaient les plus à risque. Le télétravail a troqué son étiquette “QVT” contre une autre affichant “occupation à risque” ? Le mode distanciel mis en place sans stratégie à long terme impacte fortement la gestion de la charge de travail à la longue et le respect des horaires. Un quart des salariés interrogés disent éprouver une perte de repères.
On parle alors de télétravail gris, quand il est accordé de manière informelle. Les salariés en détresse psychologique peuvent en être victime puisque les limites entre le temps de travail et le temps personnel sont brouillées.
- Un tiers des sondés avouent qu’ils ne pensent pas respecter le code du travail.
- La moitié déclarent travailler plus tôt ou finir plus tard
- Une majorité des sondés trouve que certains collaborateurs travaillent trop.
- 40% disent ne pas pouvoir faire tout leur travail en télétravail
- Un tiers avoue être en sous-charge de travail.
- La moitié des sondés considèrent que d’autres profitent du mode distanciel pour ne pas travailler.
La lassitude augmente : 4 salariés sur 10 saturent du télétravail, une augmentation de 10 points par rapport au dernier baromètre. Ces signaux indiquent que des changements dans le déploiement du télétravail sont nécessaires pour réduire le nombre de salariés en détresse psychologique.
Les managers en proie à la détresse psychologique au travail
Si les jeunes et les femmes restent parmi les démographies les plus impactées par les risques psychosociaux au travail, les managers, traditionnellement considérés comme moins exposés, font également partie des salariés en détresse psychologique – 48% le sont (contre 44% des salariés hors poste de gestion).
- 4 managers sur 10 se sentent plus isolés, coupés d’échanges entre pairs.
- Une majorité des managers interrogés disent manquer de moments informels (machine à café, couloir, etc) pour faire passer des messages clés à leurs collaborateurs.
- 60% ne parlent pas de leurs difficultés pour laisser la priorité à celles des leurs collaborateurs.
Ce dernier point est important, l’abnégation du manager le pousse à passer ses maux sous silence. À leurs yeux, accéder au poste de manager, et à ses responsabilités, implique qu’ils se doivent d’être disponibles, loyaux et réactifs à tout moment. Par ailleurs, la moitié des managers ne savent pas où placer la limite entre trop ou pas assez de contrôle exacerbant le besoin d’être connecté en permanence. Il est urgent d’encourager les managers à recharger leurs batteries, car c’est une bonne santé mentale et physique qui protège leurs équipes, et non leur hyperconnexion.
Comment soulager les salariés ?
7 salariés sur 10 dénoncent des mesures de prévention psychologique superficielles dans le cadre des politiques de qualité de vie au travail annoncées par les entreprises. Une proportion égale aimerait que le gouvernement soutienne davantage les entreprises à protéger psychologiquement leurs salariés. Voici quelques perspectives qui ressortent du baromètre :
- Couper court au “mode crise permettrait de mieux gérer l’anxiété. En effet, la moitié des salariés opèrent sous ce mode depuis le début de la crise sanitaire.
- Animer le quotidien des collaborateurs en ramenant du lien social. 4 sondés sur 10 disent que leur travail est devenu monotone, notamment dû à la perte du lien collectif favorable à l’accomplissement du travail.
- Former les managers à identifier les salariés en détresse psychologique. Encourager les collaborateurs à engranger le dialogue entre les uns et les autres pour dénouer le tabou autour des risques psychosociaux au travail.
- Outiller les managers à évaluer leur état d’esprit au travail. Est-ce éviter la surcharge en coupant après un certain nombre de mails traités ? Ou plutôt en évaluant son ressenti durant la journée de travail : s’il a l’impression de faire du bon travail et que les choses avancent, ou l’inverse ?
- Encourager les salariés, surtout les managers à se préserver. Clarifier les temps de pause et inciter à déconnecter hors du travail. 8 salariés sur 10 salariés arrivent à s’organiser du temps libre. 7 sur 10 arrivent à se déconnecter mentalement du travail et à vivre des émotions positives.
Reporter la faute entièrement sur le télétravail manquerait la vraie leçon du baromètre Empreinte Humaine. La crise sanitaire a été révélatrice de vulnérabilités personnelles et aussi systémiques, elle continue de l’être. Pour préserver leur santé psychologique, 65% des salariés affirment qu’ils n’accepteront plus de travailler dans des environnements négatifs et 22% souhaitent changer d’entreprise suite au traitement subi. Le désengagement est palpable : un tiers des interrogés envisage de chercher un nouveau travail avec plus de sens dès la fin de la crise sanitaire. Cette période chaotique fait appel à un nécessaire rééquilibrage : 63% des salariés sondés se sont rendus compte qu’ils devaient attacher moins d’importance au travail dans leur vie. Il est grand temps d’ouvrir le dialogue autour des risques psychosociaux au travail, car piloté par les RH, c’est l’ensemble de l’entreprise peut venir en aide à ces salariés en détresse psychologique.
Maï Trebuil