Aurélie Roche, Avocate au sein du Cabinet BRL Avocats de Paris, revient pour Horoquartz sur la législation en vigueur en matière d’heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires ont une définition légale dont la jurisprudence est venue préciser les contours : ce sont les heures de travail effectif, accomplies par un salarié à temps complet à la demande, expresse ou implicite, de son employeur au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la limite considérée comme équivalente.
Le salarié ne peut en principe pas refuser d’effectuer les heures supplémentaires demandées, dans la limite du contingent légal et en raison des nécessités de l’entreprise. Elles n’entraînent pas de modification du contrat de travail et s’imposent à lui1. Dès lors, le refus de les effectuer constitue, sauf abus de droit de l’employeur2, une faute pouvant éventuellement justifier un licenciement.
Réciproquement, il n’y a pas, non plus, de droits acquis à l’exécution d’heures supplémentaires, sauf engagement contraire de l’employeur. Le salarié n’est donc pas fondé à réclamer une indemnisation pour refus de lui attribuer des heures supplémentaires3.
Nous verrons ci-après :
- Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires,
- Leurs modalités de décompte,
- Leur compensation.
Seuil de déclenchement des heures supplémentaires
Le calcul des heures supplémentaires s’effectue par semaine4 sauf en cas d’annualisation du temps de travail ou de dispositifs prévoyant un décompte des heures supplémentaires sur plusieurs semaines.
La durée légale hebdomadaire de travail effectif à temps complet étant fixée à trente-cinq heures, les heures supplémentaires sont donc toutes les heures effectuées au-delà de trente-cinq heures (sauf horaires d’équivalence qui ne seront pas détaillés ici). Il s’agit d’une règle d’ordre public ; un accord collectif ne peut pas relever ce seuil.
En cas d’organisation de la durée de travail sur l’année, constituent des heures supplémentaires :
- en cours d’année, les heures accomplies au-delà de la limite haute hebdomadaire éventuellement fixée par l’accord ; en l’absence d’une telle limite, aucune heure n’est décomptée au cours de l’année;
- en fin de période, les heures effectuées au-delà de 1 607 heures annuelles5 ou de la limite annuelle inférieure fixée par l’accord, déduction faite, le cas échéant, des heures supplémentaires déjà décomptées en cours d’année.
A noter qu’il est possible d’instaurer par accord collectif une période de référence inférieure ou supérieure à l’année (maximum 3 ans) : des règles légèrement différentes sont alors prévues.
Décompte des heures supplémentaires
Seules sont décomptées au titre des heures supplémentaires les heures de travail effectif réalisées à la demande, éventuellement implicite, de l’employeur.
Cela signifie d’une part que, s’il refuse de payer les heures supplémentaires, l’employeur doit prouver que le salarié a effectué des heures supplémentaires contre son avis6. Ainsi, même s’il exige que toute heure supplémentaire soit préalablement autorisée pour être payée, la production de fiches de pointage, démontrant que de nombreuses heures supplémentaires avaient été effectuées, établit qu’il en avait connaissance sans s’y être opposé : cela équivaut à un accord implicite7.
A cet égard, la vigilance s’impose lorsque l’employeur entend contester l’exécution d’heures supplémentaires de travail à sa demande. En effet, la mention, sur le bulletin de salaire, d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement réalisé et/ou le non-paiement des heures supplémentaires sont des faits pouvant caractériser le délit de travail dissimulé (sanctionné pénalement et civilement).
D’autre part, sauf dispositions conventionnelles ou usages plus favorables, les jours fériés et chômés, les jours de congés payés et les jours d’absence pour maladie ne sont pas pris en compte pour calculer la durée du travail au regard des heures supplémentaires8. Il en est de même des temps de trajet domicile – travail. A titre d’exemple, un salarié travaillant à temps complet sur 5 jours et prenant un jour de congé, réalise au cours de cette même semaine 30 heures de travail effectif : il reçoit sa rémunération pour son jour de congé et les 28 heures selon ses horaires habituels. S’agissant des 2 heures en plus de son horaire habituel, elles doivent être payées en plus du salaire pour la semaine, mais sans majoration.
D’ailleurs, qu’en est-il de la rémunération au sein de la fonction RH ? Découvrez notre article dédié au sujet : salaire RH
Compensation des heures supplémentaires
Toute heure supplémentaire ouvre droit à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières et de 50% pour les heures suivantes. Un accord collectif peut prévoir le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, sans que celui-ci ne puisse être inférieur à 10 %. Un accord collectif peut par ailleurs prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent.
Les heures effectuées au-delà du contingent fixé par accord collectif ou, à défaut par décret (220 heures annuelles par salarié actuellement) ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos, en plus des majorations salariales. Un accord collectif peut fixer les conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel.
En conclusion, il conviendra d’insister sur la multitude d’ajustements qui peuvent être mis en œuvre par accord collectif : annualisation du temps de travail, volume d’heures comprises dans le contingent, majoration des heures supplémentaires, compensation par du repos… Il est donc possible, par accord, d’organiser la réalisation d’heures supplémentaires dans un cadre sur-mesure à l’entreprise.
Aurélie Roche, Avocate au sein du Cabinet BRL Avocats de Paris, pour Horoquartz
1 Cass. soc. 9 mars 1999, n° 96-43.718
2 Cass. soc. 20 mai 1997, n° 94-43.653 : refus exceptionnel motivé par le fait que le salarié n’a pas été prévenu suffisamment tôt ; Cass. soc. 9 mars 1999, n° 96-45.590 : absence d’impératifs liés à l’organisation de l’entreprise
3 Cass. soc. 10 oct. 2012, n° 11-10.455
4 En l’absence de stipulations contraires dans un accord collectif d’entreprise, d’établissement ou à défaut, de branche, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures (art. L. 3121-35 du code du travail). Un accord collectif peut fixer un autre cadre hebdomadaire pour décompter les heures supplémentaires que la semaine civile. Il doit s’agir en tout état de cause d’une période de 7 jours consécutifs (art. L. 3121-32 du code du travail).
5 Cass. soc. 11 mai 2016, n° 14-29.512 : le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne peut pas être supérieur à 1 607 heures de travail par an même si le salarié n’a pas acquis l’intégralité de ses droits à congés payés au titre de la période de référence prévue par l’accord.
6 Cass. soc. 31 mars 1998, n° 96-41.878
7 Cass. soc. 2 juin 2010, n° 08-40.628
8 Cass. soc. 15 nov. 2006, n° 04-46.686