En mai dernier, l’APEC a publié l’édition 2023 du baromètre des pratiques de recrutement du profil-cadre.
Résultat ? Les entreprises passent à l’offensive en matière de recrutement pour faire face à des difficultés de plus en plus vives.
Cette enquête été effectuée par téléphone en début d’année auprès de 1 150 entreprises et 10 salariés et plus du secteur privé ayant recruté au moins un cadre en 2022.
Quelles sont les pratiques de recrutement de ces populations aujourd’hui en France ? Ont-elles véritablement changé ? Sur quels outils se basent les recruteurs et quels sont les enjeux RH liés au recrutement de cette cible à ce jour ?
Les éclairages de myRHline dans cet article.
Les recruteurs de cadres plus offensifs en 2023
Des difficultés de recrutement qui s’intensifient
Ce que cette enquête de l’APEC met en lumière ? Tout d’abord, des difficultés de recrutement qui dépassent leur niveau d’avant-crise. Les recruteurs éprouvent, depuis 2022, des difficultés croissantes pour recruter des cadres, ce qui devrait se poursuivre aujourd’hui.
Parmi les structures ayant recruté au moins un cadre au cours de l’année 2022, 64 % ont dû faire face à des difficultés liées à l’embauche, « dans un contexte de forte dynamique du marché de l’emploi cadre », précise le rapport d’étude.
Ainsi, le délai moyen de recrutement a augmenté d’une semaine par rapport à l’année 2021 (passant désormais à 11 semaines), et de 3 semaines par rapport à 2020.
L’association explique que « le rééquilibrage du rapport de force au profit des candidat.es, visible depuis 2021, se poursuit et s’est traduit en 2022 par une augmentation des difficultés liées aux prétentions salariales de ces derniers » (48 %, soit + 4 points). Et ce n’est pas tout, puisque ces difficultés sont accrues par d’autres, notamment par le désistement de candidats ayant été retenus pour un emploi (34 %, soit + 3 points).
Parmi les difficultés rencontrées ?
- Le faible nombre de candidatures reçues ;
- Un décalage entre les candidatures reçues et les talents convoités ;
- La concurrence d’autres employeurs sur les mêmes talents.
Mais le principal défi à relever réside dans le nombre de candidatures reçues, comme l’indique ce tableau.
Face à une concurrence plus vive, une stratégie plus offensive
Parmi les outils privilégiés des recruteurs de ces populations, les réseaux sociaux. Si l’utilisation de ces canaux était déjà bien ancrée en 2021, elle a continué à augmenter en 2022 (73 %, soit + 4 points). Selon l’APEC, il s’agit du 2e canal de recrutement de cadre le plus utilisé des organisations, toutes tailles confondues (il n’était que le 3ème en 2021, le 4ème en 2020 et 2019).
Les entreprises utilisant les réseaux sociaux surtout pour diffuser leurs offres d’emploi (68 % ; + 6 points par rapport à 2021). Mais aussi pour approcher de manière directe les candidats (54 % ; 4 points en plus par rapport à 2021).
De même, les organisations, peut-être plus proactives que jamais, diversifient leurs canaux de sourcing et continuent à faire évoluer leurs processus en cherchant à le simplifier et à l’adapter au profil du candidat pour éviter de le perdre en cours de route.
Recrutement cadre : les entreprises revoient leurs fondamentaux
Un assouplissement des exigences ?
Si la majeure partie des organisations continuent de solliciter la fameuse lettre de motivation auprès des candidats, elles sont moins nombreuses à l’exiger qu’avant (- 11 points vs 2021). Un recul particulièrement présent dans les grandes entreprises (58 % ; – 18 points). Celles qui rencontrent des difficultés liées à l’embauche sont d’ailleurs beaucoup moins exigeantes en la matière qu’avant (55 %, – 14 points).
Pour que le recrutement d’un cadre aboutisse, les organisations privilégient d’autres pratiques d’évaluation. Elles ont davantage recours à la présélection téléphonique. En la matière, c’est dans les PME que la progression a été la plus significative l’an dernier.
Par ailleurs, les entretiens en visioconférence s’installent dans les usages des recruteurs depuis la crise sanitaire.
Recrutement de profil-cadre : les concessions des organisations
Pour faire aboutir le recrutement d’un profil-cadre, les entreprises ont recours à certains ajustements liés à la rémunération et au profil du talent recherché. L’association indique qu’elles semblent même prêtes à revoir leurs conditions d’emploi.
Les recruteurs seraient donc enclins à faire plus de concessions, en recrutant au poste de cadre des personnes ayant moins de compétences techniques (51 %, + 4 points), ou moins d’expérience (50 % ; + 4 points) que prévu. Les ajustements en faveur d’un profil-cadre plus junior ont été les plus courants au sein des secteurs où les difficultés de recrutement abondent, comme dans les secteurs informatiques (65 %), ainsi que l’ingénierie R&D (63 %).
De même, 4 organisations sur 10 seraient prêtes à accepter que le candidat sélectionné pour un poste de cadre travaille à temps partiel ou qu’il bénéficie d’avantages supplémentaires (ex. voiture de fonction) pour pallier un recrutement compliqué.
Ces résultats démontrent que, dans un contexte de forte tension, les actions des entreprises pour faire aboutir les recrutements de cadres dépassent largement le processus de recrutement en lui-même et peuvent aller jusqu’à des ajustements importants quant au poste proposé.
Les pratiques de recrutement des cadres en résumé
Voici quelques points clés à retenir de cette étude sur les pratiques de recrutement des cadres en 2023 :
- Les difficultés de recrutement persistent, et s’intensifient (elles dépassent leur niveau d’avant-crise) ;
- La durée moyenne de recrutement a progressé, atteignant 12 semaines (pour rappel, elles étaient de 9 semaines en 2020) ;
- Face à une concurrence rude, les organisations repensent leurs stratégies de recrutement ;
- Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés ;
- L’utilisation d’intermédiaires de recrutement tels que les cabinets de recrutement ou les agences d’emploi a progressé et dépasse aujourd’hui le niveau d’avant-crise (48 % en 2022 contre 42 % en 2019).
- Pour pallier leurs difficultés, les organisations assouplissent leurs critères de sélection et leurs processus d’embauche. ;
- Elles demandent moins souvent une lettre de motivation aux candidats et concèdent certains ajustements liés au salaire ou au profil du candidat.
Les enjeux pour l’emploi des cadres en 2023
Recrutement cadre : 5 grands défis à relever
On l’aura compris, les dirigeants d’entreprise faisant face à une forte concurrence en matière d’emploi des cadres, sont aujourd’hui amenés à revoir leur stratégie dans la gestion du processus de recrutement.
Comme le résumait cette année Pierre Lamblin, directeur des études de l’association, les priorités des candidats doivent être prises en compte pour redéfinir sa stratégie :
Malgré une conjoncture économique incertaine, le marché de l’emploi cadre est toujours dynamique, comme depuis deux ans. Les intentions de recrutement des cadres restent à un bon niveau et le rapport de force est inversé au profit des candidats qui ont trois priorités : la rémunération ; les perspectives d’évolution professionnelle ; les conditions et l’ambiance de travail, dont le télétravail qui est devenu incontournable mais aussi les relations entre collaborateurs et avec la hiérarchie. Ce triptyque est suivi par des considérations sur les responsabilités octroyées et l’intérêt des missions proposées.
En outre, dans une publication annuelle concernant les enjeux pour l’emploi-cadre, l’observatoire de l’APEC avait classé ces derniers en 5 grandes catégories :
- Les difficultés de recrutement ;
- L’employabilité des seniors ;
- La problématique des salaires ;
- La dynamique collective ;
- Les nouvelles attentes de ces populations.
Zoom sur les enjeux d’employabilité des seniors aux postes de cadre
Selon Pierre Lamblin, nous faisons face à un paradoxe en France en matière de recrutement des seniors aux postes de cadre.
Face aux tensions liées au marché de l’emploi, les recruteurs peinant à embaucher privilégieraient des candidats moins expérimentés qu’attendus « aux dépens des profils seniors », explique-t-il, avant de poursuivre : « Pourtant, ces derniers, quand ils sont en poste, font preuve de plusieurs atouts : ils ont plus d’expertise et d’expérience, permettent de mettre de l’huile dans les rouages concernant les relations au travail et le dialogue social. Avec eux, l’intelligence collective fonctionne bien, grâce à une bonne cohabitation intergénérationnelle. »
Des propos largement étayés par les observations fournies par l’association dans cette étude.
Dans un contexte de réforme des retraites et d’allongement de la vie au travail, le maintien en emploi des cadres seniors devrait être au cœur des enjeux des RH.
Le recrutement de seniors, lorsqu’ils sont demandeurs d’emploi, pourrait être une solution face aux difficultés de recrutement rencontrées par les organisations.
L’association indique que peu d’organisations ont déclaré avoir instauré une politique favorable aux cadres de 55 ans et plus. Les ETI et les grandes entreprises seraient toutefois plus souvent dotées de profils seniors que les TPE-PME (54 % vs 31 %). Notons que lorsqu’ils sont en emploi, ces populations âgées de 55 ans et plus sont sollicitées par leurs managers non seulement pour leur expérience et leur expertise, mais le seraient aussi pour leur engagement collaborateur.
Ces profils apparaissent « comme des régulateurs des relations sociales au sein du collectif de travail. S’ils expriment un manque de reconnaissance et de valorisation de leurs compétences par leur entreprise, leur maintien en emploi en fin de carrière est souvent très peu accompagné. Et, si une majorité souhaite travailler jusqu’à leur retraite, ils déclarent ne pas suffisamment bénéficier d’un accompagnement au départ à la retraite. »
En outre, la discrimination liée à l’âge serait fortement ressentie par les demandeurs d’emploi-cadre selon cette étude.
- Pour rappel, la première discrimination dans la sphère professionnelle est liée à l’âge : on l’appelle l’âgisme.
Frédérique Jeske, fondatrice de l’association Senior4Good, avait récemment témoigné auprès de myRHline sur cette problématique :
J’ai rencontré des cadres seniors formidables et désespérés, en totale perte de confiance, qui ont envoyé des centaines de candidatures et qui n’ont jamais été convoqués en entretien. Et lorsque c’était le cas, ils entendaient des choses ahurissantes : les seniors ne peuvent pas s’adapter, ils ne sont pas assez “digitalisés”, pas assez connectés…
Les profils seniors peuvent donc souffrir d’a priori liés à l’âge rappelant la nécessité pour les entreprises de lutter contre ces discriminations.
1 commentaire
Quelle foutaise !
Les entreprises et en particulier les recruteurs n’ont font pas d’efforts sociétales.
Il y a des compétences dans les cadres inscrits à Pôle Emploi mais elles tenues à recherchés un mouton à 5 pattes qui ne trouveront jamais.
Si les entreprises sont en difficulté, il faut se poser la question, DRH et recruteurs sorter de votre zone de confort et faire sortir ceux qui ne font pas avancer vos services….
Ouvrer les yeux, former vous, aller sur le terrain…