Les experts s’accordent à le dire, l’organisation du travail évolue. Reste à savoir, comment les entreprises envisagent ces changements. Les managers ont-ils les moyens d’accompagner ces mutations qui interviennent au sein de l’entreprise ? Quelle est la mission de la fonction RH dans la mise en place des conditions de ces transformations organisationnelles ? Aura-t-elle un rôle clé qui consistera à accompagner les managers ou au contraire restera-t-elle cantonnée à des prérogatives administratives ? L’année 2020 sera-t-elle celle du vrai basculement et si oui, de quel ordre sera ce dernier ? Voici quelques éclairages.
« L’organisation du travail va considérablement évoluer dans les prochaines années. A la clé, il y aura sans nul doute, une profonde remise en question pour ne pas dire une rupture totale avec les modèles organisationnels en vigueur actuellement », affirme Francois Silva, Directeur de l’institut des nouvelles pratiques managériales de l’ESCEM et président de la Commission SIRH & monde numérique de l’ANDRH. Et qui dit transformation des modèles organisationnels, dit nécessairement évolution de la fonction RH. Comment cette dernière a-t-elle évolué au cours des vingt dernières années et comme se positionnera-t-elle à l’horizon 2020, date à laquelle les experts préfigurent un changement d’envergure, des missions attachées aux métiers RH. Professionnalisation de la fonction RH, dématérialisation de l’information, nécessité de faire monter en compétences les collaborateurs, accompagnement renforcé des managers, tels sont les quelques changements organisationnels auxquels les DRH ont dû faire face au cours des vingt dernières années.
Zoom sur quelques évolutions majeures de la fonction RH
Le premier changement majeur est intervenu dans les années 80 consécutivement à l’émergence de l’informatique et aux débuts de l’externalisation de la paie qui ont permis aux RH de s’affranchir des tâches à faibles valeurs ajoutées. Autre mutation majeure, la nécessité d’accompagner l’évolution des compétences des collaborateurs et notamment des managers. « Dans les années 80 et 90, la grande majorité des managers ne possédaient qu’un BAC+2 et étaient pour la plupart, de véritables autodidactes. Il a fallu les faire monter en compétences, notamment au travers de la mise en place de politiques de formation continue proactives », indique François Silva. Conséquence ? La fonction RH s’est trouvée à assumer une nouvelle responsabilité inhérente au développement des collaborateurs et à l’accompagnement individualisé du management.
Au début des années 2000, les RH commencent à faire face au grand défi de l’entreprise numérique qui engendre au-delà des évolutions techniques et technologiques, une véritable transformation organisationnelle. « C’est l’avènement du travail virtuel, collaboratif et à distance, auquel se superpose une transition vers des modèles organisationnels ancrés dans une dimension plus socio-écologique. L’entreprise responsable prend alors tout son sens », précise le président de la Commission SIRH & monde numérique de l’ANDRH.
Sans compter la nécessité de composer avec la superposition des générations au sein de l’entreprise qui implique de mettre en place des parcours spécifiques de professionnalisation, comme le confirme Inge Kerkloh-Devif, Directrice de la formation de SciencesPo, « les modes d’entrée, de socialisation et d’apprentissage des métiers diffèrent totalement d’une génération à une autre. Il est donc fondamental de revoir les modalités de recrutement et d’intégration dans les métiers ».
A noter également, l’impact des transformations organisationnelles sur la dimension temporelle dans laquelle évolue la fonction RH. C’est ce que confirme Eric Mellet, Directeur du développement et de la formation commerciale chez l’Oréal Produits Professionnels, « issu de l’opérationnel, j’ai progressivement évolué vers le métier des RH. J’ai, ainsi, pu constater que le RH n’évolue pas dans la même dimension temporelle que l’opérationnel qui se doit de trouver une solution dans un espace temps extrêmement court quand le monde des RH impose l’adoption d’un raisonnement sur le long-terme ».
2020 : un nouveau modèle de gestion des relations humaines
« A horizon 2020, les compétences ne seront plus au centre des préoccupations mais auront laissé place à la question des comportements. Les problématiques liées à l’éthique ou encore à l’authenticité du rapport à l’autre vont considérablement bouleverser les modèles d’organisation du travail au sein de l’entreprise, où la dimension relationnelle sera alors, la condition sine qua non de la performance des organisations », indique le Directeur de l’institut des nouvelles pratiques managériales de l’ESCEM. Aux dires des experts, ce nouveau schéma sera chevillé à l’idée de co-construction. Autrement dit ? La performance ne se définira plus individuellement ma collectivement. Dans un monde où les outils 2.0 court-circuitent le rapport aux autres, comment définir une relation propice à l’échange et par extension créatrice de performance collective ? « La dimension collaborative n’est pas suffisamment valorisée aujourd’hui. La fonction RH a un rôle clé à jouer pour faire évoluer les comportements. Quand on sait qu’un manager passe en moyenne 20 minutes par jour avec chaque membre de son équipe, il est urgent de réorienter nos modèles organisationnels vers une réelle interaction. Il en va de la pérennité de la performance des organisations et ce, dans un futur relativement proche », conclut François Silva.
Emilie Vidaud