A quoi ressemble le monde d’après ?
Ce monde étrange où le travail se fait à distance et les échanges via Instagram…
Il est temps de comprendre ses codes et d’adopter une nouvelle posture professionnelle. A chaque épisode, j’explore une situation inattendue, un peu cocasse, passant de la peau d’un DRH à une recruteuse. Aujourd’hui, le ghosting frappe à ma porte. Comment vais-je m’en sortir ?
Bienvenue dans ma tribune « Être RH dans le monde d’après ».
Dans le monde d’après Covid, recruter n’est pas une mince affaire.
Malgré la multitude d’outils de recrutement, d’offres emploi, de journées job dating, l’inquiétude traverse les époques : vais-je trouver le bon ou la bonne candidate ? Celui ou celle qui matchera avec la culture de l’entreprise, remplira ses fonctions avec brio, s’engagera corps et âmes sur le long terme etc.
Je crois l’avoir trouvé en la personne de Mathieu, jeune diplômé d’une Ecole d’Ingénieur, brillant et très motivé à l’idée de travailler dans un grand groupe. Il a réussi les deux premiers entretiens avec un tel aplomb. L’équipe du bureau d’Etudes et moi sommes aux anges, nous l’imaginons déjà en notre prochain Ingénieur Etudes spécialisé en Mécanique.
Le hic ? Il est très convoité sur le marché… Et s’il nous ghostait pour notre concurrent ? Tout semble trop parfait. Dans quelques minutes, c’est le 3ème entretien mais j’ai un mauvais pressentiment.
Nous recruteurs, le ghosting nous angoisse
L’attente est terriblement longue. Me voilà à repenser à ses atouts, imaginer qu’il passe la porte, me projeter en négociation – je le sais il négociera – les questions inondent mon cerveau à un tel point que j’en stresse :
- Est-il autant courtisé qu’il le prétend ?
- Que voudra-t-il négocier ?
- A-t-il reçu une proposition d’embauche ailleurs ?
- Viendra-t-il en entretien ?
Personne ne ghoste un grand groupe ! Non je me mens à moi-même, depuis certaines années les cartes sont rebattues, les candidats ghostent les employeurs aussi prestigieux soient-ils. Le grand nom sur le CV, la belle bagnole de fonction, le CDI de 10 ans : cela ne les impressionne plus. Parlez-leur de nouvelles méthodes de travail épanouissantes, d’exercer des missions pleines de sens et d’être coachés par un manager-leader-partenaire, leurs yeux brilleront.
« Pour les jeunes générations, le travail c’est « comme les relations amoureuses, on va trouver un boulot, on l’aime. S’il devient trop routinier, on ferme la porte et on change » conclut la chercheuse Elodie Gentina, autrice de plusieurs ouvrages sur la génération Z. »
Pour les candidats d’aujourd’hui et de demain, le travail n’est plus vécu comme un devoir social mais comme une expérience de vie humaine. M*rde, moi qui misais sur le CE pour attirer ces candidats divas et éviter la rupture !
Une consœur s’est faite ghostée salement avant l’entretien final. Le candidat a disparu comme un fantôme, sans aucune explication. Un autre confrère victime de « serial ghosteurs » pense à payer cash les développeurs et chef de projet IT pour qu’ils se ramènent en entretien. Dans quel monde vivons-nous sérieusement ? Okay le marché de l’emploi est tendu ce qui complique nos recrutements mais payer des candidats qui ne travaillent pas encore pour nous, c’est de la folie !
Le ghosting est une pratique universelle : on retrouve aussi des divas chez les recruteurs. Il y en a qui ne répondent pas aux candidatures des postulants et d’autres qui pratiquent le silence radio après l’entretien. 44% des candidats n’ont jamais eu de retour suite à un entretien selon l’étude IFOP-Yaggo « Baromètre et tendances de l’expérience candidat en 2022 ».
Je ne suis pas fière mais j’ai ghosté un candidat, il a reçu un mail automatique de refus au lieu d’entendre ma douce voix par téléphone. Il faut me comprendre mes journées sont intenses, j’ai rencontré 10 candidats puis j’ai été prise par divers dossiers. De plus il était en retard de 15 minutes, un vrai signe de désintérêt. Enfin je crois…
Verdict : le candidat fantôme ne s’est pas pointé !
Le karma a frappé : je suis victime de ghosting. Aux Etats-Unis, 83% des recruteurs se sont fait ghostés et 50% des candidats ont joué les Casper et ne se sont pas présentés en entretien selon une étude Indeed de 2019. L’étude de 2021 révèle que 73% des employeurs américains avaient déjà ghosté des candidats.
« Il y a bien plus de points en commun entre recruteurs et candidats qu’on ne le pense. »
C’est donc une vengeance ? Les candidats se vengent de ghosting précédents commis par des recruteurs comme une femme tromperait son copain actuel parce que blessée par son ex. Moi je n’y suis pour rien chers candidats !
Pourquoi m’a-t-il ghostée ? Je l’appelle. Et puis quoi encore, c’est le monde à l’envers depuis la crise sanitaire ! Allez hop, on ravale sa fierté.
–– Bonjour, nous avions un entretien en ce jour. Pourquoi n’êtes-vous pas venu ?
–– Il faut me comprendre, mes journées sont intenses, j’ai rencontré 10 employeurs puis j’ai été pris par…
–– J’ai la même excuse. Dites-moi la vérité, pourquoi ce ghosting ?
–– Vous voulez vraiment prendre la pilule rouge ?
–– Oui je veux savoir !
–– Vous n’avez pas joué le jeu de la séduction. A aucun moment je n’ai entendu « bien-être au travail », « valeurs » ni « projet sociétal ». Puis passer 4 entretiens… Pas envie.
Je reste bloquée sur le mot « séduction ». Mais comment séduire les candidats dès l’offre d’emploi ?[i] Je ne sais pas faire ! Le rapport de force a évolué, les candidats ne courbent plus l’échine et veulent être également charmés. Mathieu souhaitait un process de recrutement avec moins d’entretiens, moins de prises de référence, moins d’échanges longs entre 4 murs. Il recherchait une posture différente, un discours autour des valeurs, une opportunité de découvrir notre ADN. 76% des jeunes étudiants recherchent un emploi en phase avec leurs valeurs selon une étude 2020 BCG et IPSOS de 2020. Voilà ce que les talents attendent de leur emploi, ça je l’ai zappé.
Morale de cet épisode de ghosting
Les candidats veulent une rencontre entre deux humains qui se séduisent mutuellement. Les jeunes générations sont en train de bousculer nos pratiques professionnelles d’antan. Alors merci Mathieu pour cette pilule rouge, c’est vrai que 4 entretiens c’est long… Et chiant. Me faire ghoster m’a permis de le comprendre !
CEO, stratège branding et leader d’opinion RH
Diplômée du CELSA, Roseline Laloupe utilise sa voix et sa plume pour inspirer les RH d’aujourd’hui et de demain.
Grâce à sa vision du travail rafraîchissante et son phrasé sans langue de bois, elle est devenue LinkedIn Top Voices et s’est construite une communauté de près de 100.000 abonnés. Aujourd’hui, elle aide les entreprises à communiquer comme des Humains et écrit des tribunes authentiques pour des médias tels que myRHline.
Son objectif ? Bâtir une nouvelle génération de CEO et RH audacieux, prêts à séduire les candidats !