Les dernières études ont montré que les jeunes sont particulièrement sensibles à la cause environnementale. Il est donc essentiel de comprendre comment cette génération considère les enjeux relatifs à l’écologie. Non seulement en tant que citoyens engagés, mais aussi comme les futurs acteurs du monde professionnel.
En outre, les entreprises semblent avoir tout intérêt à investir ce levier, qui pourrait être un argument puissant en matière de marque employeur à l’ère de la transition écologique.
Explications.
Jeunes et écologie : tous écoanxieux ?
L’an dernier, une étude menée par Harris Interactive pour le collectif Pour un réveil écologique sur la prise en compte des enjeux écologiques dans les études et le monde du travail, révélait que près de la moitié des jeunes considéraient que les enjeux environnementaux dans les entreprises étaient mal investis. Autrement dit, près d’une personne sur deux. Et même au-delà du côté des lycéens et étudiants.
Par ailleurs, près de la moitié des jeunes interrogés estiment très important que les entreprises s’engagent dans un effort de transparence sur la prise en compte de tels enjeux liés à l’écologie au sein de leur secteur d’activité :
- 41 % des jeunes considèrent qu’il est très important que les entreprises présentent de façon transparente la manière dont elles tiennent compte des enjeux environnementaux dans leur activité, y compris du point de vue financier ;
- 37 % des jeunes considèrent qu’il est capital de proposer des formations aux salariés pour mieux tenir compte des enjeux environnementaux au travail.
Plus encore, plus de 8 jeunes âgés de 18 à 30 ans jugent important que les collaborateurs soient associés à la définition de la stratégie de l’entreprise et aux décisions liées à l’aspect écologique/environnemental. On comprend donc que pour cette population, les salariés devraient être associés complètement à la conception de la stratégie RSE de l’entreprise.
À cet égard, les jeunes déclarent important que leur (future) entreprise tienne compte des enjeux liés à la RSE de manière générale : au niveau social, éthique et environnemental. Ici, l’étude indique « un regard similaire entre les actifs et les lycéens/étudiants ».
En revanche, les enjeux liés à l’environnement ou l’écologie ne seraient pas prioritaires chez les candidats dans leur recherche d’emploi. En effet, si de nombreuses études montrent aujourd’hui que le salaire demeure un incontournable dans les priorités des candidats, cette enquête ne fait pas exception : parmi les critères les plus importants cités par les jeunes pour leur recherche d’emploi, on retrouve, sans surprise, le salaire et les avantages financiers (63 % des répondants considérant cet aspect comme « tout à fait prioritaire »).
Pour autant, le sentiment d’exercer un emploi utile à la société est très important pour près de la moitié des jeunes (45 %). Tout comme le sentiment d’avoir un emploi qui respecte l’environnement est important pour près de 40 % d’entre eux. Des chiffres à ne pas négliger, donc.
Et ce n’est pas tout :
- ⅔ des jeunes seraient capables de renoncer à une offre d’emploi si l’entreprise ne tient pas suffisamment compte des enjeux liés à l’écologie ;
- Près de 7 jeunes de 18 à 30 ans sur 10 pourraient changer d’emploi pour un autre, « écologiquement [plus] utile », appuie l’étude.
Et cette préoccupation écologique ou environnementale ne semble pas seulement concerner la France. En 2023, une étude portant sur un panel d’Américains et d’Anglais et publiée par l’ex-patron d’Unilever Paul Polmar révélait que 3 employés sur 4 issus de la génération Z étaient anxieux en pensant au futur de la planète et de la société (From quiet quitting to conscious quitting, 2023). Ces populations considérant par ailleurs que les entreprises ne faisaient pas assez en la matière.
En France, on a d’ailleurs pu observer l’émergence de discours liés à l’écoanxiété dans la sphère médiatique. Un concept qui existait déjà en 1996, développé par Véronique Lapaige, médecin chercheuse en santé publique et en santé mentale. Selon elle, près de 85 % des 15-30 ans se sentent concernés par le tournant climatique.
L’écoanxiété correspond à une forme de stress ressenti face aux changements environnementaux, et plus particulièrement face au dérèglement climatique et à ses conséquences.
Pour autant, les jeunes ne seraient pas les seuls concernés par ce phénomène, tant s’en faut. La situation environnementale et sociale est considérée comme préoccupante par 90 % des salariés, indépendamment de leur secteur d’activité ou de leur profil (Imagreen – Institut Kantar, 2022).
*réalisée du 8 mars au 15 mars 2022 auprès d’un échantillon de plus de 2 000 personnes, représentatif des Français de 18-30 ans. La méthode des quotas et du redressement a été appliquée aux variables liées au sexe, à l’âge, à la catégorie socioprofessionnelle et à la région de l’interviewé(e).
Entreprises : la transition écologique à l’oeuvre
La transition écologique est un phénomène complexe, et les entreprises ne savent pas toujours « par quel bout le prendre ». C’est quelque chose qui demande du temps, denrée dont les organisations manquent parfois.
Dans un webinar dédié à la transition écologique et à son impact sur le travail, Nathalie Moncel, cheffe du département Travail Emploi Professionnalisation au Céreq, évoque la façon dont le travail est directement concerné par la transition écologique.
Le centre d’études s’est intéressé à la question des transformations induites par le déploiement d’une transition écologique. Il a constaté que de nouvelles fonctions émergeaient au sein de la sphère professionnelle (ex. Conseiller énergie) avec une hybridation des compétences et l’ajout de blocs de compétences.
Ce qui ressort des travaux menés par le Céreq ? Dans les entreprises, on observe une diversité de leviers liés à l’écologie, avec :
- de nouvelles normes s’imposant aux entreprises ;
- des mouvements « volontaires » comme la RSE ;
- des engagements davantage militants dans certaines entreprises.
Quid des jeunes dans tout cela ? L’intervenante rappelle qu’en matière d’emploi vert, les jeunes ne représentent que 4 % (et ce malgré leurs préoccupations en matière d’écologie, comme l’indiquaient certaines études susmentionnées). Nathalie Moncel rappelle toutefois que les chiffres sont plus élevés du côté des métiers verdissants (28 %). Donc, on assiste bien à un tournant lié à l’écologie dans le marché du travail par rapport à la diffusion de ce type d’emploi.
En outre, selon l’INSEE, les métiers verts dédiés à la protection de la nature et de l’environnement ont connu une hausse de 8,7 % entre 2013 et 2018, bien que ceux de la production et distribution d’énergie et d’eau connaissent un certain recul en matière d’emploi (-12 %).
Selon les données statistiques rapportées par le gouvernement sur les métiers verts et verdissants, les emplois de l’économie verte concernent directement près de 4 millions de personnes en France sur l’année 2018.
Certaines professions voient d’ailleurs leurs effectifs augmenter :
- + 30 000 pour les professionnels du contrôle qualité ;
- + 25 000 pour les professionnels du tourisme et de l’animation ;
- + 1 400 pour les techniciens de l’environnement et du traitement des pollutions.
Concernant le bâtiment, bien que celui-ci perde globalement de l’emploi, les effectifs du domaine de la conception et des études augmentent (+ 16 000). Par exemple, la conduite de travaux compte plus de 2 600 emplois supplémentaires. Et ce n’est pas tout, puisque l’on comptabilise :
- + 13 000 emplois pour la R&D ;
- + 18 000 emplois pour les transports ;
- + 6 000 emplois pour les achats.
Le saviez-vous ? Près de la moitié des entreprises exerçant une activité liée à l’écologie figurent dans le récent classement LinkedIn Top Startups qui met en avant 20 startups ayant su tirer leur épingle du jeu en matière d’attraction des talents. Ce levier est-il un moyen d’attirer les jeunes talents soucieux de donner du sens au travail de façon responsable ? La question mérite d’être posée.
En conclusion, on observe que les entreprises sont confrontées à de nouveaux défis liés à l’écologie, avec des normes émergentes et des engagements croissants. Cependant, certaines entreprises qui adoptent ces valeurs attirent les talents et se distinguent sur le marché. Il est clair que la conscience environnementale est en hausse, et l’on peut aisément imaginer que de plus en plus de jeunes et de professionnels puissent opter pour des carrières et des entreprises alignées sur leurs valeurs environnementales.