Il est nécessaire aujourd’hui de mieux comprendre la nature des interactions entre les différents niveaux de la gestion des compétences afin de rendre celle-ci plus performante. Dans ce contexte, quels sont les facteurs facilitant ou rendant difficiles les relations entre les diverses dimensions de la gestion des compétences ? Quelles sont les bases constitutives d’une compétence répartie ? Comment obtenir une meilleure adéquation entre les différents éléments d’une gestion des compétences, le système de GRH et les autres facteurs clés de la gestion des entreprises ? Quelle dynamique d’ensemble peut ou doit être engendrée par la prise en compte de ces différentes dimensions allant de l’individu à l’environnement ? En d’autres termes, l’ouvrage tente de répondre à l’interrogation générique suivante : quelles sont et comment gérer les nouvelles frontières du management des compétences ?
Présentation des auteurs.
Les coordinateurs de l’ouvrage sont enseignants-chercheurs en gestion des Ressources Humaines et spécialistes de la gestion des compétences. Christian Defélix et Didier Retour sont professeurs à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Grenoble, Université Pierre Mendès-France et chercheurs au CERA (Centre d’études et de recherches appliquées à la gestion des entreprises, UR CNRS 5820). Thierry Picq est professeur à EMLYON Business School
My RH Line a rencontré Christian Defélix.
My RH Line : Pourquoi avez choisi d’écrire un ouvrage sur le thème de la gestion des compétences ?
Christian Defélix : Cet ouvrage est le troisième d’une série. Nous travaillons dans un groupe thématique de l’Association francophone de gestion des Ressources Humaines (AGRH) qui suit les démarches compétence en entreprise depuis 2001. Ce groupe est constitué d’anciens chercheurs de toute la France. Lorsque nous nous rencontrons, trois ou quatre fois par an, nous confrontons nos observations et nos analyses des démarches compétence que nous observons ici et là. Ces rencontres nous ont amenés à écrire un premier ouvrage en 2003. Dans ce premier ouvrage nous attirions l’attention sur le fait que les démarches compétences ne sont pas que des instruments mais des processus complexes d’introduction d’instrument.
Nous avons publié un deuxième ouvrage en 2006 qui s’intitulait « Nouveaux regards sur la gestion des compétences ». Dans ce dernier, nous avons mis l’accent sur le fait qu’il ne fallait pas envisager uniquement la compétence individuelle, mais également la compétence des équipes, des entreprises.
Si nous avons voulu écrire un troisième ouvrage en 2009, c’était pour attirer l’attention sur le fait qu’il faut, non seulement, mettre l’accent sur les différents niveaux de compétences, qu’il faut parler des compétences inter-entreprises, territoriales, mais surtout faitre les liens.
Les problématiques sont les suivantes :
– Comment, dans une entreprise, faire le lien entre la compétence d’un salarié et la compétence stratégique de l’entreprise dans son ensemble.
– Est-ce que la compétence de l’entreprise dans son ensemble peut se mailler avec d’autres compétences d’entreprise dans le cadre d’un réseau local, d’un pôle de compétitivité…
My RH Line : Pourquoi vous êtes vous engagé dans une réflexion sur la gestion des compétences ?
Christian Defélix : Cela fait 15 ans que je m’intéresse à ce sujet, depuis mon doctorat.
Je m’y intéresse car il s’agit d’une question qui pose encore problème aux entreprises. Il y a beaucoup de démarches et beaucoup de retours d’expérience. Cela fait partie des sujets sur lesquels des difficultés, des mauvaises surprises existent encore. Des instrumentations s’essoufflent et on n’a pas encore complètement fini de savoir pourquoi. Il reste donc beaucoup de choses à dire, à observer et de l’aide à apporter aux entreprises à ce niveau-là.
J’ai également choisi d’étudier la gestion des compétences, car c’est un peu « la paire de lunettes » de beaucoup de questions RH et managériales en entreprise aujourd’hui. On entre par les compétences mais on accède à des questions sur la politique globale de gestion des Ressources Humaines, l’articulation inter-stratégie, l’organisation du travail, la conduite du changement. La gestion des compétences est un bon prisme pour observer beaucoup plus.
My RH Line : Comment avez-vous choisi de construire cet ouvrage ?
Christian Defélix : Nous avons décidé de la présenter en trois parties, trois grands domaines.
Le premier grand domaine traite des contributions théoriques. Lorsque l’on parle de compétences collectives, cela veut dire quoi ? Nous avons essayé de répondre à ces questions en confrontant des écrits et en essayant d’en tirer des éléments compréhensibles.
Ensuite, nous avons souhaité développer deux parties beaucoup plus axées sur le terrain. Dans ces parties, on peut trouver des études empiriques sur des démarches compétence dans des secteurs très variés, comme une coopérative du bâtiment, une société qui travaille par projets, un service d’urgence dans un hôpital.
La dernière partie comprend des travaux qui étudient des projets en train de se dessiner qui restent encore émergeants. Nous traitons ici de la question des compétences inter-organisationnelles. Nous y présentons notamment l’exemple suivant : Grenoble essaie de développer depuis 4 ans, un pôle qui s’appelle Minalogic sur les solutions miniaturisées intelligentes. Son ambition est, en alliant, en associant les compétences de différentes entreprises, du CEA, de laboratoires, que le territoire de Grenoble-Isère soit collectivement compétent, capable de fournir des solutions miniaturisées intelligentes et compétitives. C’est la construction des compétences inter-organisationnelles.
Nous avons voulu attirer l’attention sur ce mouvement assez récent.
My RH Line : A qui adressez-vous cet ouvrage ?
Christian Defélix : A toute personne qui s’intéresse au sujet. Mais principalement à des chercheurs et des observateurs privilégiés, des journalistes spécialisés, des chercheurs en gestion, management, économie, sociologie des organisations et plus généralement à des praticiens qui peuvent avoir l’envie et sentir la pertinence de prendre du recul. Ils ressentent, en effet peut-être, que dans leur entreprise on réduit les démarches compétence à des instruments, et sentent qu’il faut penser la gestion des compétences plus généralement pour la réussir en pratique.
My RH Line : Avez-vous déjà commencé à penser au 4e ouvrage ?
Christian Defélix : C’est un peu tôt pour le dire. Mais il est clair que nous allons de plus en plus travailler sur les questions de Ressources Humaines inter-organisationnelles. Ce sujet prend de plus en plus de place. Nous voyons des expérimentations ici et là, de co-recrutement, de migration de salariés, ou de mise à disposition d’une entreprise à l’autre, on entend parler de GPEC territoriale. A Grenoble, en particulier, nous avons un gros projet de recherches sur les démarches RH dans les pôles de compétitivité. Je pense que c’est un peu le laboratoire de la GRH de demain. Peut-être que ce sera sous l’égide compétence ou sous l’égide inter-roganisationnelle, je ne sais pas encore.
Propos recueillis par Anne-Sophie Duguay
À noter : depuis les ordonnances Macron (2017), la GPEC se nomme la GEPP, pour la gestion des emplois et parcours professionnels.
Achetez l’ouvrage Gestion des compétences, de Christian Defélix, Didier Retour et Thierry Picq.