Le LaborIA vient de publier ses premiers résultats d’observation du développement de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les entreprises. Ce laboratoire a été créé en 2021 par le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. L’objectif de ce centre de ressources et d’expérimentations sur l’IA en milieu professionnel ? Analyser les effets de l’intelligence artificielle sur le travail, l’emploi, les collaborateurs et les compétences.
Méthodologie d’enquête du LaborIA
L’enquête LaborIA, présenté par les deux auteurs Jean Condé et Yann Ferguson, a dressé un focus sur le retentissement des usages des Systèmes d’Intelligence Artificielle (SIA) dans l’entreprise. Elle a été élaborée par le biais d’interviews de différents décideurs : la direction générale, la DRH, la DSI (Direction des Systèmes d’Information) et la direction de l’innovation. Autant d’interviews se voulant explorer les utilisations et les représentations de l’IA qu’ont ces populations.
L’enquête a visé un panel représentatif d’entreprises exclusivement françaises, des structures de plus de 50 salariés. Les réponses au questionnaire ont été recueillies par téléphone sur un système CATI (Computer Assisted Telephone Interview) en septembre 2022.
Cette enquête du LaborIA vient mettre en avant la nature des systèmes les plus utilisés, mais aussi les facteurs ayant présidé à leur déploiement ainsi que les freins, les obstacles que les projets ont pu lever.
- Bon à savoir : ledit rapport rappelle que le questionnaire a été déployé avant l’ouverture massive des IA génératives comme ChatGPT ou Midjourney.
Et ce n’est pas tout : cette enquête s’intéresse aussi aux “impacts ressentis ou projetés des systèmes d’IA (SIA) sur les différentes dimensions du travail”, indiquait le communiqué de presse du ministère du Travail sur les premiers résultats d’observation du LaborIA.
« Cette première enquête réalisée dans le cadre du LaborIA avait pour objectif d’interroger les impacts de l’IA au plus près des entreprises, et notamment d’analyser ses effets sur le rapport et le sens au travail”, déclare Bruno Lucas, Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle.
Car on le sait désormais : donner du sens au travail est indispensable pour les salariés, pour leur bien-être, leur engagement, mais aussi pour la santé de l’entreprise elle-même.
Alors quels ont été les résultats observés par le LaborIA ?
Les résultats de l’enquête menée par le LaborIA
L’étude du LaborIA a mis en exergue 2 principaux phénomènes convergents.
En termes d’impact sur le monde professionnel, les représentations sociales ne sont pas les mêmes selon le degré de familiarité des personnes à l’IA. Les utilisateurs de l’IA évoqueraient “largement les impacts positifs, notamment en matière d’autonomie et de savoir-faire”. Un résultat intéressant à l’heure où le développement des compétences est au centre des enjeux RH.
Mais il y a ceux qui n’ont pas expérimenté l’IA et qui craignent des impacts négatifs, “en particulier un délitement du lien social”, expliquait le communiqué de presse gouvernemental sur les premiers résultats d’observation du LaborIA.
En outre, l’intensité de l’impact ressenti baisserait à mesure que les dispositifs d’IA évoluent en termes de maturité : “Ainsi, les impacts sur le sens donné au travail, l’évolution des savoir-faire et l’autonomie sont très élevés lors des phases préliminaires du projet SIA, puis baissent une fois le projet en phase de déploiement ou lorsqu’il est déjà déployé”.
Comment analyser ces résultats ?
Les auteurs du rapport Jean Condé, Directeur scientifique de Matrice et Yann Ferguson, responsable scientifique pour le LaborIA, estiment que l’idée que les représentations sociales relatives à l’Intelligence Artificielle peuvent constituer des freins importants à son usage au sein des organisations.
Par conséquent, les deux auteurs recommandent aux acteurs politiques et économiques de se référer à l’expérimentation concrète des SIA.
Sans minimiser les impacts sur les organisations de travail induits par la mise en place des systèmes d’IA, le rapport publié aujourd’hui fait le constat d’un écart entre les impacts réels et supposés d’une utilisation de l’IA dans un environnement professionnel. Cela démontre la nécessité d’un accompagnement des salariés dans les entreprises lorsque des systèmes d’IA sont mis en place.
Les différents usages de l’IA
Dans le rapport d’enquête du LaborIA, on apprend qu’il y a un usage dominant des SIA de détection de défauts et d’anomalies, notamment dans le secteur industriel.
En outre, tous secteurs confondus, les SIA les plus exploités au sein des entreprises du panel sont :
- Les SIA de détection de défauts et d’anomalies (35 %) ;
- Les machines autonomes (19 %) ;
- Ceux qui utilisent la vision (11 %) ;
- Les SIA linguistiques (5 %).
Sans grande surprise, on apprend également dans ce rapport du LaborIA que le secteur producteur de TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) est très actif en la matière, tout type de système d’intelligence artificielle confondu, en particulier pour ceux de type linguistique et ceux qui viennent outiller la prise de décision.
« Les secteurs plus proches du numérique (TIC) et ceux avec une habitude et des besoins d’automatisation (l’industrie) semblent (…) en avance dans leur appropriation des SIA », indiquait le rapport susmentionné.
Mais quels sont les motifs d’utilisation les plus cités par les utilisateurs selon le rapport du LaborIA ?
- La réduction des risques d’erreurs (81 %) ;
- Le suivi par l’amélioration des performances des collaborateurs (75 %) ;
- Une diminution des tâches fastidieuses (76 %).
Des motifs d’usage qui seraient surtout propres aux plus grandes entreprises. Celles de moins de 250 salariés utiliseraient davantage la ressource pour améliorer la santé et la sécurité des collaborateurs : on serait donc plutôt dans une logique QVCT. Un écart particulièrement significatif dans le secteur industriel où 64 % des répondants avaient déclaré utiliser l’Intelligence Artificielle au service du bien-être des salariés, de l’amélioration de leur santé, mais aussi de la sécurité des salariés (contre 47 % pour l’ensemble).
L’IA et l’avenir des entreprises
Dans sa publication, le LaborIA cite un rapport de l’OCDE (2019) portant sur le futur du travail, qui révèle que l’automatisation des tâches pourrait entraîner la disparition de 14 % des emplois dans les pays de l’OCDE pour les vingt années à venir. En ce sens, le chercheur Ben Goertzel expliquait auprès de l’AFP que 80 % des emplois occupés par l’humain pourraient bien devenir obsolètes, dans un contexte d’évolution des nouveaux systèmes d’intelligence artificielle comme ChatGPT.
Et pourtant. Tout le monde ne voient pas l’intelligence artificielle comme un danger lié à l’emploi. Par exemple, Ben Goertzel ne perçoit pas ce type de phénomène comme une menace, mais bien comme un avantage : “Les gens vont trouver de meilleures choses à faire que travailler pour gagner leur vie. Pratiquement toutes les tâches administratives pourront être automatisées.” En outre, Bernard Golstein, CEO d’Elendi avait d’ailleurs affirmé que maintenant que “les machines font le travail des machines”, c’est à nous d’être profondément humains.
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