Depuis sa création en 1998, la Marque Employeur est entrée dans le domaine public et représente une réelle avancée. Elle n’a malheureusement pas toujours été élevée à son juste niveau et parfois même détournée. L’arrivée du web 2.0 et de ses espaces collaboratifs lui font vivre de nouveaux défis, notamment celui de la démocratie directe d’internet.
My RH Line a rencontré Didier Pitelet, dépositaire du concept en 1998, pour comprendre l’évolution de cette notion et son avenir.
L’origine
Avec la violence de cette première grosse crise économique, nous avons globalement assisté à un sacrifice, en bonne et due forme, de tous les jeunes diplômés de cette époque. Ils ne comprenaient plus le monde dans lequel ils vivaient. On leur avait promis que s’ils faisaient des études, on leur déroulerait le tapis rouge et ils avaient pu voir les entreprises le faire pour leurs aînés de 2 ou 3 ans.
« La mise en cohérence de toutes les expressions employeur »
Dès 1997, le marché de l’emploi a commencé à redémarrer et nous avons assisté à l’amnésie des entreprises. J’ai trouvé cela totalement indécent. Du jour au lendemain, parce que la dimension quantitative du recrutement recommençait à faire loi, elles se sont parées de leurs meilleurs atours pour attirer les talents, comme s’il n’y avait pas eu de crise.
Dès son origine, les maîtres mots étaient :
– La cohérence : ne pas être à l’extérieur ce qu’on n’est pas à l’intérieur,
– La performance qui est la seule raison d’être
Une Marque Employeur détournée
« La Marque employeur est l’âme de l’entreprise »
La reconquête du sens
Quand on parle de Marque Employeur en 2010 et pour les 10 ans à venir, on ne parle que d’une chose : la marque. On ne parle pas de sujets RH, de communication de recrutement, communication interne et autre, on ne parle que de la marque déclinée sous l’angle employeur.
Le problème est là. La majeure partie des DRH auxquels est souvent rattaché le sujet de Marque Employeur ne connaissent rien à leur plateforme de marque. Tout comme la majorité des membres d’un comité de direction. La marque a été instrumentalisée, au fil du temps, par les marketeurs et les publicitaires pour être complètement virtualisée dans la vie des personnes. Elle ne constitue donc plus un maillot, elle n’est plus une source d’identification sociale.
Dans les 10 années à venir, la Marque employeur va devoir relever le défi de devenir le relais de l’expression humaine de la gouvernance d’entreprise très loin de la langue de bois et du politiquement correct, loin des grands poncifs sur le capital humain, auxquels plus personne ne croit.
La marque employeur est un facilitateur d’attractivité et de fidélisation car derrière la dimension existentielle de la marque traitée sous l’angle employeur cela renvoie à la dimension de l’utilité individuelle. Le drame dans les entreprises est que les collaborateurs ne savent plus à quoi ils servent. Alors que quand il existe une marque maillot, on sait pourquoi on se bat, on se lève car on est fédéré autour d’une vision, d’un leadership managérial et autour d’un véritable projet à bâtir. C’est ce qui dégage cette dimension très schizophrène du monde du travail. Les gens ne comprennent plus à quoi ils servent parce qu’on ne leur explique plus. La fierté d’adhésion est toute relative. Cela est un vrai défi pour la marque traitée sous l’angle employeur. Le dépositaire de la Marque Employeur est le président de l’entreprise, le problème c’est qu’à peine 2% des présidents en France s’impliquent dans la stratégie de leur Marque Employeur.
Internet et le 2.0
Il existe donc une posture de preuve à adopter qui déstabilise beaucoup les entreprises car cette posture est le pendant d’une logique de transparence à laquelle les organisations ne sont absolument pas habituées. Or aucune organisation ne peut avoir l’arrogance de penser ou de dire qu’elle maîtrise sa réputation. Le web 2.0 impose une posture d’humilité et d’excellence que nous n’avons jamais connue jusqu’à présent et c’est formidable.
« La Marque Employeur va devoir être au rendez-vous
de la démocratie directe d’internet »
En 15 ans, nous avons assisté à un divorce sans précédent entre les salariés et les entreprises au cœur duquel se pose le problème du leadership des dirigeants. Concrètement, il n’y a plus de patron dans les grandes entreprises. Il y a des dirigeants salariés, temporaires, interchangeables qui ont comme obsession la performance économique mais qui ne font pas leur l’histoire des hommes et des femmes qui ont bâti l’entreprise. Ils sont souvent dans l’incapacité de donner un horizon.
Lorsque je conseille une entreprise en stratégie de réputation employeur, une des étapes du travail consiste à poser une question très simple au dirigeant : « A 3-5 ans, de quoi voulez vous être fier en tant qu’employeur ? »
Cette question est incontournable pour bâtir une Marque Employeur mais elle n’est jamais posée à un président. Il faut réhabiliter le fait que dans une entreprise, il n’y a qu’un patron. La Marque Employeur est aussi l’élément qui relie la tête au corps alors que depuis 15 ans malheureusement la tête a été coupée du corps.