Comment travailler sur la gestion du stress ? Comment bien gérer la pression ? La gestion du stress et des émotions était justement le sujet de l’événement Better at Stress organisé par Moka.Care le jeudi 8 juin 2023.
Pour l’occasion, Camille Lacourt (quintuple champion du monde de natation), Arnaud Serrats (ancien négociateur Unités Spécialisées), Céline Lazorthes (co-fondatrice et co-CEO de Résilience), Jérémy Clédat (fondateur et CEO de Welcome to the Jungle) et Marie Robert (auteure et philosophe) nous ont expliqué leurs bonnes pratiques pour mieux gérer leurs émotions.
La gestion du stress par Camille Lacourt
Le stress est une réponse physiologique d’adaptation de l’organisme. Camille Lacourt précise : “À l’époque, il nous permettait de réagir et même, de nous sauver la vie”. Mais en France, le stress est perçu négativement. L’ancien champion du monde explique qu’il préfère donc le mot excitation, connoté plus positivement. Selon lui, stress et performance sont d’ailleurs étroitement liés.
Mais alors, comment le gérer ? Quelles sont les techniques de gestion du stress efficaces ?
Le stress est fondamental, il signifie qu’on est intéressé et qu’on vibre pour une activité.
Selon lui, la première clé pour correctement gérer son stress et ses émotions est d’avoir suffisamment travaillé pour être serein le moment venu.
La seconde est la visualisation. Il explique que dans des moments de fortes excitations, notamment lors des compétitions, il visualisait une boule d’énergie qui prenait forme à la manière d’une tornade dans son ventre. En effet, le stress se ressent généralement dans le ventre et peut provoquer des symptômes physiques. Pour contrôler cette boule d’énergie, il la visualisait alors en train de le “nettoyer” de ses énergies négatives pour lui apporter des énergies positives.
Lors de moments de stress plus modéré, il imagine une petite roue dans son ventre, “une roue de l’énergie”. Cette roue tourne à une vitesse folle et dans tous les sens. Pour revenir au calme, il imagine cette roue tourner à une autre intensité, en projetant également des images de montagne et d’eau, des éléments qui lui sont chers et qui lui appartiennent. Ces techniques de visualisation et de gestion du stress sont également utilisées dans des domaines tels que la sophrologie. Il explique qu’il les a créées et utilisées naturellement, sans forcément d’accompagnement au début.
La troisième clé pour apprendre la gestion du stress est de définir des objectifs concrets, presque palpables. Pourquoi ? “ Une fois qu’on atteint son objectif, on peut le satisfaire et le savourer. Si un objectif n’est pas suffisamment concret, on prend le risque d’être insatisfait de façon permanente. “
Le cerveau se comporte comme un enfant : il a besoin de récompense et de reconnaissance quand il fait les choses biens. Lorsqu’on donne le meilleur de nous-mêmes, nous devons être satisfaits. Ce qui implique parfois de réadapter ses objectifs au fil de l’eau et de les réévaluer à court terme.
Il explique qu’il s’efforçait toujours de trouver du positif après une séance d’entraînement et de réajuster ses objectifs. “Si à la fin de la séance on se dit qu’on n’a pas réussi à donner le meilleur, le jour J, on se fait rattraper par ces pensées négatives. Il faut savoir se récompenser quand le travail est bien fait“ affirme le quintuple champion du monde.
Après une grosse compétition, un entretien était organisé avec son entraîneur afin de planifier de nouveaux objectifs pour l’année. Il affirme que le plus dur dans une préparation était de garder cette impression d’avancer, en se fixant des petits objectifs réalisables.
Pour finir, il explique qu’il a désormais dans sa tête un catalogue de beaux souvenirs qu’il peut amplifier et se rappeler lorsqu’il se trouve dans moment compliqué ou qu’il souhaite retrouver du calme.
Retour d’expérience d’un ancien négociateur du GIGN
Comment gérer son stress lorsqu’on est confronté à des situations particulièrement angoissantes ? Arnaud Serrats est ancien négociateur du GIGN et opérateur de première ligne. Actuellement, il forme les diplomates se rendant dans des pays en guerre.
Nous sommes tous inégaux face aux situations de stress.
Il explique qu’une personne peut être vulnérable face à une situation de stress tandis qu’une autre peut être vulnérable face à une situation du quotidien.
Il fait preuve d’une importante prise de recul dans la gestion du stress, notamment quand il raconte à la salle une “anecdote” pour le moins rocambolesque.
Un jour, il est appelé pour une prise d’otages. Un gardien de prison est alors pris en otage par plusieurs tueurs en série. Les preneurs d’otage souhaitaient parler au négociateur en face à face. Arnaud Serrats plaisante alors “On se sent beaucoup moins invincible face à 3 tueurs en série”.
Son constat était clair : la situation était défavorable, et s’en sortir indemne relevait presque du miracle. “Au pire, quelqu’un allait mourir. Peut-être que ce serait moi. Mais je savais que mes camarades feraient tout ce qu’il faut derrière“ , explique-t-il.
L’ancien négociateur insiste sur l’importance d’avoir une routine rassurante. La sienne ? “ Je faisais le deuil de ma vie : mes affaires étaient préparées dans ma voiture, des sms étaient envoyés à mon épouse. “
Il explique avoir dû développer ses propres routines tout seul, qu’il n’y avait alors pas spécialement d’outils à portée de main, contrairement à aujourd’hui.
Le stress est à l’origine un stimulus de défense, un mécanisme de survie visant à protéger une espèce et lui permettre de perdurer. Mais aujourd’hui, nous expérimentons tous ce phénomène lors de situations où il n’est pas question de survie, ou de vie ou de mort.
Le problème avec ce phénomène est qu’il est devenu contre productif. “Quand on a la boule au ventre, que ce soit avec son conjoint ou avec ses collègues, on est plus vulnérables, moins résilients et moins efficaces”, affirme-t-il.
En effet, en situation de stress, le cortex préfrontal fonctionne moins bien. Sa technique pour tenter de gérer ses émotions : solliciter la personne par une question ouverte, demandant une véritable réflexion. Pourquoi ? Les questions ouvertes permettent de solliciter quelqu’un dans son côté conceptuel.
La gestion du stress passe à la fois par le verbal et le paraverbal. Et lorsqu’on reçoit un message, la façon dont il est dit et le paraverbal influence de façon colossale la manière de l’interpréter. Savoir gérer ses propres émotions est donc indispensable pour ne pas communiquer son stress et espérer améliorer une situation.
La gestion du stress dans le monde du travail
Lors de cette table ronde animée par Pierre-Etienne Bidon (Co-fondateur & Co-CEO chez Moka.care), Céline Lazorthes (co-fondatrice et co-CEO de Résilience) et Jérémy Clédat (fondateur et CEO de Welcome to the Jungle) nous ont expliqué leur méthode de gestion du stress ainsi que leur rapport à l’échec.
Jérémy Clédat explique qu’avant de créer Welcome to the Jungle, il travaillait dans le secteur de la banque. Puis il a démarré son aventure entrepreneuriale en créant une agence de vidéo et numérique, qui n’a pas rencontré le succès escompté.
La grande magie de l’échec, c’est qu’il peut se reproduire souvent. Mais après un premier échec cuisant, on ressent moins de stress et de pression pour continuer.
Il raconte qu’au sein du secteur bancaire, être très stressé était valorisé, voire que c’était un gage de performance. Cette propension à en valoriser les excès révélait un rapport négatif au stress. Pourtant, quand notre rapport au stress est positif, il peut être vecteur de créativité et de prise de décision.
- 64% des salariés ressentent du stress important au moins 1 fois par semaine selon l’étude People at Work 2022.
C’est pourquoi le fondateur a voulu transformer Welcome to the Jungle en un laboratoire d’expérience RH. Ainsi, depuis 2019, l’entreprise a mis en place la semaine de 4 jours, sans diminution de salaire.”Aujourd’hui, 99% de nos équipes sont satisfaites et recommandent la semaine de 4 jours” explique-t-il.
J’ai toujours rêvé de créer une boîte au sein de laquelle les salariés pourraient se projeter 15 ans plus tard.
L’enjeu était donc de trouver comment l’organisation pouvait évoluer pour que le personnel puisse s’y projeter pendant plusieurs années. Pour répondre à ce besoin d’équilibre des temps de vie, le rapport au temps et le rythme de travail méritaient d’être interrogés.
Une agence a accompagné Welcome to the Jungle pour mesurer l’impact de cette mesure sur la performance de l’entreprise et des neuroscientifiques, eux, ont étudié l’impact humain de cette transformation.
La semaine de 4 jours offrirait ainsi une meilleure maîtrise du temps, elle induirait une meilleure estime d’eux-mêmes aux collaborateurs ainsi qu’un meilleur équilibre. Face à la quête de sens de plus en plus importante, l’entreprise a voulu proposer un modèle permettant de trouver un équilibre faisant sens. “Se réapproprier son temps de travail contribue à ouvrir d’autres espaces de créativité” , affirme-t-il.
Pour finir, Jérémy Clédat explique que l’entreprise doit changer son paradigme en luttant contre un certain paternalisme et une infantilisation des collaborateurs. “Certains dirigeants affirment que leur boite va apporter telle ou telle chose aux salariés. Néanmoins, il faut voir le côté inverse : comment la personne recrutée peut-elle faire évoluer l’entreprise ?”
De son côté, Céline Lazorthes était déjà la fondatrice de Leetchi.com et de MangoPay avant de créer Résilience. A ses débuts, elle raconte que personne ne voulait s’associer avec elle. Quant au stress, il s’est manifesté avec la notoriété plus qu’à ses débuts. Elle se décrit comme une personnalité plutôt introvertie alors être reconnue n’était pas toujours évident à vivre. En effet, elle décrit une ambivalence entre la manière dont les gens la voyaient, comment elle se percevait et qui elle était.
Pour la gestion du stress, elle explique que s’autoriser à être elle-même l’a également beaucoup aidée : “Dire qui je suis et permettre aux collaborateurs d’être qui ils sont est très important pour leur donner envie d’être là.” Les équipes travaillent en full remote alors pour la co-fondatrice, il est indispensable de promouvoir la coopération et la collaboration. Des séminaires sont organisés pour permettre à tous d’échanger et d’être à l’aise ensemble.
Céline Lazorthes a aussi souhaité travailler sur la vulnérabilité car accepter d’avoir tort et demander de l’aide est important pour progresser et gérer son stress. En effet, le sujet de Résilience est d’utilité publique et peut être un facteur de stress voire de workaholism.
Ces expériences lui ont permis d’arpenter des chemins avec un autre regard, de ne pas se prendre au sérieux et de réussir à atteindre certains anciens objectifs. “J’ai réussi à obtenir les investisseurs dont je rêvais après la création de 3 boites différentes” affirme-t-elle en souriant.
L’ambition grandit et se construit. Le cerveau a la capacité de se dire que si une chose a déjà été réalisée une fois, elle peut l’être de nouveau.
Dans une société qui ne cesse d’accélérer…
Marie Robert est auteure, philosophe et conférencière. Mais elle est également directrice pédagogique d’une école Montessori Esclaibes.
En tant que directrice d’école, je fais face à beaucoup de parents stressés. Est-ce que mon enfant avance ? Saura t-il lire dans les temps ? La question de la performance et du stress est très présente dès le plus jeune âge. Les enfants sont stressés très tôt.
Alors la philosophe pose une question : Quelle vision de l’éducation va t-on porter ? Quels adultes de demain vont devenir ces enfants ?
Elle explique que le philosophe Hartmut Rosa fait un constat : s’il y a bien une chose qu’on retiendra de notre époque, c’est l’accélération permanente du temps, on mange plus vite, on travaille plus vite, on séduit plus vite.
Accélérer est évidemment positif et permet de répondre à des exigences de performance.
Toutefois, quand tout va trop vite, nous sommes plus aptes à être “sec et pétrifiés”.
A force d’accélérer, nous sommes confrontés à plus en plus de stimulis et de choses à faire mais nous ne savons plus par où commencer. Alors pour lutter contre ce concept, nous pouvons nous intéresser à un autre qui est celui de la résonance.
La philosophe affirme que nous avons tous en nous une corde vibratoire qui s’active à certains moments de nos vies. Celle-ci se nomme ‘résonance ». Il existe 3 axes de résonance :
- La résonance horizontale : elle se produit par exemple lorsqu’on ressent une connexion avec quelqu’un lors d’une discussion ou quand on regarde son bébé par exemple
- La résonance verticale : elle correspond au fait de vibrer et être en dialogue avec les choses autour de soi (en regardant un paysage, lors d’un concert…)
- La résonance diagonale : le fait d’appartenir à quelque chose
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