Vous avez tous vu un cadre poussiéreux dans le bureau de votre nouveau collègue avec de belles valeurs affichées dont lui-même ne fait plus attention. Et si l’affichage des valeurs n’était plus pertinent ?
Placardés sur les murs des bureaux des collaborateurs et dans les couloirs, les valeurs des entreprises semblent de moins en moins incarnées, et animées au quotidien par le management. Parfois réduites à des termes conceptuels, nébuleux, les valeurs sont malheureusement (bien souvent) en décalage avec le vécu du collaborateur qui regarde d’un œil amusé les mots à la mode du moment (bienveillance, participatif…) enjoliver son bureau. Cette description peut sembler caricaturale, ou alors être la réalité de nombreuses entreprises tentées par le happy washing et soucieuses d’attirer des talents. Comment expliquer ce décalage entre la promesse et le vécu ? Bien souvent, les valeurs ne sont pas co-définies avec un panel de collaborateurs représentatifs de l’entreprise, mais décrétées par un service (communication, RH) et validés en Codir.
S’inspirer des États-Unis ?
Les experts RH prennent peu en exemple les pratiques managériales des États-Unis. Il faut avouer que nos cultures sont très différentes : dans notre rapport au succès, à l’argent, à l’échec, et même à l’entrepreneuriat. Et les pratiques managériales de ce petit bout de territoire en Californie qui abrite les géants mondiaux des nouvelles technologies, la Silicon Valley, sont souvent décriées. Pour autant, comme l’expliquent Julia de Funès et Nicolas Bouzou dans leur dernier ouvrage « La Comédie (in)humaine »(1), une pratique peut retenir notre attention : afficher le mantra de l’entreprise. Le mantra d’une entreprise n’est pas sa mission, il peut se rapprocher de sa raison d’être. Le mantra vient expliquer le sens profond de l’entreprise. Les auteurs prennent comme exemples Facebook avec son mantra « relier le monde », ou SpaceX dont la mantra pourrait être « amener les humains sur Mars ». Les entreprises de la Sillicon Valley ont adopté cette pratique et affichent partout (couloirs, murs…) leur mantra résumé en quelques mots compréhensible du plus grand nombre. Et ils agissent en repère auprès des collaborateurs à la recherche de sens dans leur travail.
Les valeurs ont-elles encore une place dans l’entreprise ?
L’affichage des valeurs semble donc avoir disparu de nombreuses entreprises californiennes, au profit du mantra. Ces deux « outils » ne sont pourtant pas à opposer, ils révèlent d’ailleurs une réelle complémentarité et ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Le problème réside dans la définition des valeurs et dans leur efficacité auprès des collaborateurs, alors que le mantra, lui, agit comme un phare dans la nuit. A l’heure où de nombreuses études mettent en évidence la quête de sens de la part des collaborateurs, où le syndrome de brown-out est apparu, le mantra est une des solutions pour réinjecter du sens.
Loin de nous l’idée de « tuer » les valeurs et le concept même de culture d’entreprise qui sont indispensables lorsqu’il s’agit de recruter de nouveaux collaborateurs et de les réunir pour mieux les embarquer dans le projet de l’entreprise. Nous nous interrogeons sur la pertinence de leur affichage.
Et si la solution était d’afficher le mantra et de favoriser l’incarnation des valeurs par le management ?
(1)La Comédie (in)humaine – Editions de L’Observatoire, septembre 2018
Yoann GREFFIER