La réforme des retraites fait couler de l’encre. Ses grandes lignes ne sont pas toujours claires pour tous. Nous avons demandé à Patrick Keravec, président du cabinet de conseil RH CAPAK Conseil et intervenant chez Francis Lefebvre Formation autour des thématiques du droit social et des ressources humaines, de les clarifier brièvement.
Une réforme systémique
Le système français de retraite est par répartition. Il est basé sur la solidarité entre générations et la mutualisation : les cotisations des actifs sont redistribuées en allocations aux retraités. Notre système date de 1945. La France a évolué en 75 ans, mais notre système de retraite a, lui, peu évolué. Il est devenu complexe, difficilement compréhensible et inégalitaire. Les réalités de l’époque ne sont plus celles d’aujourd’hui : les femmes travaillent, les jeunes font des études, on exerce plusieurs métiers dans une vie professionnelle… La réforme avait pour volonté de le moderniser et le rendre plus équitable notamment vis-à-vis des plus fragiles, des carrières hachées. Les 2 grandes composantes de la réforme du système sont un régime universel à la fois simple dans son principe (bases communes telles que 1€ cotisé une année donnée génère le même droit quel que soit le secteur d’activité (privé, publique, agricole, libérale) et complexe dans sa mise en œuvre, car il faut adapter chacun des 42 régimes différents au régime universel, tout en maintenant l’équilibre et l’équité globaux, et un régime par point dont les éléments clés sont d’une part le taux et l’assiette de cotisation (l’assiette est la partie du salaire sur laquelle des cotisations sont prélevées et le taux est le pourcentage appliqué sur l’assiette) et d’autre part la valeur du point au moment de la liquidation de la retraite. Les prévisions actuelles sont d’indexer le taux sur l’évolution de la moyenne des salaires et de calculer la valeur du point sur une formule évolutive (dite notionnelle) tenant compte de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient l’assuré(e), c’est-à-dire le nombre moyen d’années restant à vivre au moment du départ en retraite et l’âge effectif de son départ à la retraite.
Une réforme des régimes spéciaux
Les régimes spéciaux de retraite ont été mis en place avant la 2e Guerre mondiale pour les employés de certaines grandes entreprises publiques (SNCF, RATP), des Industries électriques (EDF, GDF (devenue ENGIE), les militaires, les marins, les clercs de notaire les salariés de l’Opéra, les mineurs ou les élus de l’Assemblée nationale ou du sénat. Les différences portent principalement sur l’âge de cessation d’activité (inférieure à 60 ans) et sur la durée de cotisation (moins que les annuités du régime général). La majeure partie de ces régimes spéciaux sont déficitaires (déséquilibre entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités). Ce sont l’État (les impôts), les collectivités locales (les impôts locaux) et le régime général (les autres salariés) qui assurent l’équilibre. L’intégration dans le régime universel fera disparaître ces régimes spéciaux même si certaines spécificités demeureront.
Une réforme paramétrique
L’âge légal de départ à la retraite en France est de 62 ans contre 65 à 68 ans dans les autres pays européens, l’allongement de l’espérance de vie et la diminution du ratio actifs /inactifs (passé de 1 pour 4 à bientôt 1,4) sont des facteurs clés. L’équilibre financier des retraites est au cœur de la conférence de financement. Les pistes sont soit d’augmenter la durée des cotisations (par le décalage de l’âge de départ, le fameux âge d’équilibre), soit d’augmenter les cotisations, soit de baisser les prestations, soit un mix de ces mesures paramétriques. Un autre point essentiel est la gouvernance. La meilleure formule, à mon sens, serait une gouvernance multipartite syndicats de salariés, syndicats patronaux (agricoles y compris) et l’état employeur. Il resterait à définir, dans cette hypothèse, la place des professions libérales.
La rédaction de myRHline, le média RH