Dans la soirée du 6 octobre 2022, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de loi portée par le député Bruno Fuchs. L’objectif : lutter contre la fraude et les abus du démarchage téléphonique lié au CPF. En effet, la proposition de loi “interdit le démarchage téléphonique, par SMS et par courriel des organismes de formation”, indique le texte déposé par les députés de la majorité présidentielle. Que dit ce texte de loi ? Quelles sont les sanctions ? Sont-elles réellement applicables ? Explications.
Démarchage téléphonique et CPF : un texte de loi adopté à l’unanimité
Pourquoi ce texte de loi ?
Les députés souhaitent lutter contre les dérives du démarchage téléphonique lié au CPF : “Le succès massif du CPF a ouvert la porte à des pratiques commerciales agressives voire abusives visant à pousser les individus à acheter des formations contre leur gré”. Les dérives du démarchage téléphonique relatif au CPF se traduisent par des “appels, SMS, ou courriels, de la part de centres d’appels ou d’organismes de formations, effectués dans une démarche frauduleuse et véhiculant bien souvent des informations erronées sur les droits de l’individu et/ou, sur l’objet réel poursuivi par l’organisme”, soulignent les députés.
Des pratiques qui impactent la crédibilité du dispositif. Les “potentiels bénéficiaires” sollicités continuellement pourraient en effet douter de la fiabilité des formations qui leur sont proposées.
Toutefois, ce texte de loi n’est pas censé “interdire aux entreprises de faire la promotion de leurs formations”, précise Bruno Fuchs. Il s’agit plutôt de “revenir aux fondamentaux” : le titulaire du compte fait le choix de sa formation, c’est lui qui choisit de contacter ou non un organisme de formation.
Lutte contre le démarchage téléphonique lié au CPF : quelles sanctions ?
La formule de démarchage téléphonique “Votre CPF arrive à expiration, utilisez vos droits” sera ainsi bientôt illégale. Toute transgression à cette interdiction entraînera une amende plus ou moins élevée. Celle-ci pourra, pour une personne physique, aller jusqu’à 75 000 euros et jusqu’à 375 000 euros pour une personne morale. Les auteurs de ces fraudes au démarchage téléphonique lié au CPF pourront également être poursuivis par voie pénale.
Avant l’adoption de cette proposition de loi contre le démarchage téléphonique, Bruno Fuchs a indiqué espérer “dissuader les fraudeurs de s’attaquer au CPF, car les sanctions seront fortes et il y aura moins de marge car les formations seront de meilleure qualité”.
Des sanctions ont d’ailleurs déjà été appliquées contre le démarchage téléphonique et arnaques au CPF : “Récemment, le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais) a condamné en première instance un organisme de formation pour fraude au compte personnel de formation”, souligne le Centre Inffo. Une première en la matière. La société aurait été condamnée à 3 ans de prison et 3 millions d’euros de dédommagement.
Démarchage téléphonique et CPF : un texte de loi difficile à appliquer ?
Comment contrôler le démarchage téléphonique lié au CPF
Si le texte promet des sanctions importantes, on ne peut pas néanmoins garantir l’arrêt irrévocable du démarchage téléphonique frauduleux relatif au CPF. Bruno Fuchs insiste sur le fait que cela ne va pas “tarir immédiatement le flux”, bien qu’il veuille croire en l’efficacité de la dissuasion via les sanctions indiquées.
Afin de renforcer la lutte contre la fraude du démarchage téléphonique lié au CPF, “L’article 1er de la proposition de loi habilite les agents de la Direction générale de la Répression des fraudes à rechercher et constater les manquements à cette interdiction de démarchage abusif, peu importe le support” (téléphonique, etc.), indique un article de l’Internaute. Les députés David Guiraud (LFI) et Christophe Naegelen (Liot) ont par ailleurs “insisté sur la nécessité de renforcer les moyens de l’agence de Répression des fraudes”, souligne une source BFMTV.
Des centrales d’appels de démarchage téléphonique à l’étranger
Malgré la bonne volonté des députés, difficile de contrôler les abus liés au démarchage téléphonique du CPF lorsqu’on sait que les centrales d’appel qui opèrent ne sont pas nécessairement basées en France.
On peut alors facilement imaginer qu’une partie de la fraude ne sera pas résolue via la simple interdiction du démarchage téléphonique lié au CPF. D’autant que selon Guillaume Valette-Valla, directeur de Tracfin, “les méthodes ont évolué”. Les réseaux de fraude au CPF se seraient bien professionnalisés et compteraient aujourd’hui des organisations transnationales qui opèrent notamment en dehors de l’Union européenne, “sur le modèle de fraudes plus anciennes telles que celles sur le marché du carbone.”, indique BFMTV.
Prudence, donc, face à l’enthousiasme des députés qui espèrent que les peines prononcées à l’égard des fraudeurs au CPF seront dissuasives.
Le texte de loi doit encore être examiné par le Sénat.
Angèle Linares
Crédit photo : Thomas SAMSON/AFP