Le secteur de l’Economie sociale représente près de 12% des emplois en France. Or cette activité n’est ni organisée, ni structurée. A la rentrée 2011, une université professionnelle ayant pour vocation de valoriser la filière, faire découvrir les opportunités de carrière et former les collaborateurs actuels et futurs de ce secteur d’activité va voir le jour : l’Ecole Nationale de la Mutualité et de l’Economie Sociale.
myRHline a rencontré Sylvain Levy-Valensi, Directeur Général de l’ENMES.
L’Economie sociale, Mutualité, définitions
« L’Economie sociale regroupe l’ensemble des milieux coopératifs, mutualistes et associatifs. La caractéristique principale est le but non lucratif. Certaines personnes présentent d’ailleurs l’économie sociale comme une forme d’économie alternative. Ce n’est pas ma position, je pense qu’il s’agit plutôt d’une économie complémentaire puisque le milieu de l’Economie sociale va du service à la personne aux fondations, associations, coopératives de production…
L’individu a la primauté dans ce principe, on ne rémunère pas le capital. Les structures, non capitalistes, sont par définition associatives, et sont régies par un modèle de gouvernance démocratique. C’est l’individu qui devient la clé principale du système. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’actionnaire, et que le profit est partagé.
L’Economie sociale est un secteur d’activité qui n’est ni très organisé, ni très structuré. Depuis quelques années, on observe que le gouvernement a mis en place une réflexion afin de structurer l’Economie sociale et solidaire, en la réglementant, en créant des structures juridiques, en facilitant des regroupements.
Au sein de l’Economie Sociale, se trouve les Mutuelles. A l’origine, la notion de Mutualité est née du développement d’un mouvement social : le regroupement des corporations de salariés, d’ouvriers et des regroupements patronaux. Ces entités corporatives permettaient d’agir sur les problématiques auxquelles faisaient face les ouvriers au milieu du siècle dernier.
Le principe de la Mutualité est que le risque individuel est pris en charge par la collectivité. C’est le principe de « l’union fait la force ».
Quand on pense mutuelle, on pense santé, complément de la Sécurité sociale, or celle-ci donne de moins en moins. On voit clairement qu’il y a un désengagement national au profit d’une prise en charge individuelle. Il en est de même pour la retraite.
Il y a deux écoles par rapport à ce constat : la pensée néo libérale et la pensée républicaine dans l’idée française qui est celle d’un Etat fort qui va essayer d’organiser le système.
Le Mutualisme et l’Economie sociale penchent plutôt pour la deuxième position. Si demain, vous devez prendre en charge votre retraite, au même moment, des millions de personnes auront la même préoccupation. L’idée est simple, mettons en commun ces préoccupations et structurons les de façon associative. Vont alors naître demain de plus en plus de modèles sociaux de prise en charge de ces problématiques de santé, de retraite, de handicap… avec une démarche volontaire de l’individu, du citoyen à travers des organisations de type mutualiste, coopératif.
Cela va suppléer ce que faisait jusqu’à présent la Sécurité sociale, l’Etat. Celui-ci va donner les moyens structurants, politiques, institutionnels pour pouvoir fonctionner avec ce type de modèle.Ce que font les mutuelles en matière de santé depuis l’ordonnance de 1945, c’est compléter ce que donne la sécu. Nous allons imaginer le même modèle pour la retraite par des mécanismes hybrides qui vont mêler de la répartition, le socle du système français, avec des mécanismes de financement par le biais de la capitalisation.
Depuis deux ans, il y a une crise économique et nous sommes en train de redécouvrir les vertus de la solidarité !
C’est un secteur qui démarre, c’est une révolution culturelle dans le pays à ce niveau-là. Nous allons, à notre niveau favoriser l’organisation de cette branche d’activité avec à la clé des créations d’emplois.
Nous assistons au développement de nouveaux gisements d’emplois très important dans l’Economie sociale, notamment dans le domaine du service à la personne. Cela est très peu développé, aujourd’hui, en France par rapport aux pays anglo saxons notamment.
Imaginez que tout cela soit structuré, rationnalisé, industrialisé ! Selon les premières évaluations, le mouvement associatif pourrait créer environ 2 000 000 emplois en France. Cela me paraît un peu élevé, mais nous pouvons facilement compter sur la création d’au minimum 850 000 à 1 million d’emplois dans les 5 à 10 ans à venir.
Le Rôle de l’ENMES
Le rôle de l’ENMES est de fédérer l’ensemble des acteurs du monde associatif, du monde coopératif et principalement du monde mutualiste, ceci comprend aussi les institutions de prévoyance et les caisses de retraite afin de créer des modèles et des référentiels. Ces référentiels vont permettre, en fonction du développement de l’organisation de cette Economie, de structurer des parcours professionnels dont l’objectif est d’arriver à une sanction diplômante quel que soit le niveau des personnes.
Nous allons créer les référentiels à partir d’un niveau 5 (Bac) jusqu’à un niveau 1 (Bac+5) en nous inscrivant dans la norme européenne (LMD).
Nous allons « référentialiser » l’ensemble des parcours et les structurer à partir d’un niveau 5 pour créer des parcours alternatifs selon plusieurs types de méthodes. A la fois la voie générale et les filières techniques et en fonction de cela nous allons structurer des parcours professionnels pour essayer de représenter le maximum de métiers dans l’Economie sociale.
Nous allons passer par la Commission nationale de certification pour créer des référentiels dans le but de les inscrire au répertoire et de viser d’emblée un niveau. Cela va créer un diagramme de formations qui permettra à chacun, en fonction de ses objectifs, de son niveau et de son degré de scolarité de pouvoir choisir le parcours qui va lui convenir.
Aucun parcours ne pourra être mis en place dans le cadre de l’ENMES si nous n’avons pas la certitude d’un emploi à la clé.
Aujourd’hui, il y a beaucoup trop d’écoles sur le marché qui forment des personnes sans objectifs d’emploi.
Nous allons travailler sur toutes les professions de la Mutualité, notamment les fonctions techniques (de la comptabilité à la gestion techniques des prestations, l’expertise en matière de liquidation des frais de santé, les filières commerciales, le conseil, l’expertise, tous les métiers du service à la personne, comme un BTS économie sociale et familiale pour soutenir les personnes dans leurs démarches administratives,…)
Tous ces métiers vont se développer et se structurer en fonction de la demande et des gisements d’emplois qui vont apparaître.
L’ENMES est une association loi 1901. Son modèle de gouvernance est tout à fait compatible avec l’esprit de l’Economie sociale. Les adhérents sont des Mutuelles, des Institutions de prévoyance, des Caisses de retraite qui vont développer et structurer des métiers et des parcours dans les années qui viennent. Ce sont précisément les adhérents qui vont embaucher les élèves de l’école mais qui vont aussi former leurs salariés à l’intérieur du dispositif.
Ce qui est intéressant dans le dispositif, c’est que les adhérents sont des entreprises. Nous allons avoir une école animée par des professionnels pour des professionnels, qui vont ainsi embaucher les personnes qu’elles vont former.
Nous allons également créer des modèles de formation pour, par exemple, développer les principes de mobilité interne, faire évoluer des personnes à travers la VAE, et travailler sur le DIF et sur tous les dispositifs de formation interne en entreprise pour faire évoluer les niveaux et les personnes.
A l’intérieur de l’ENMES se trouvera aussi un Institut supérieur de management pour toutes les cadres souhaitant se perfectionner et évoluer dans leurs structures.
Nous privilégions l’alternance qui est un dispositif qui permet à des personnes d’horizons différents d’entrer dans un cursus professionnels qualifiant. C’est une mesure d’égalité sociale. Cela permet d’identifier clairement les talents sans considérations autre que la motivation et l’engagement.
Les implantations
Nous allons commencer par Paris, car nous avons une structure de base qui nous permet de vérifier notre modèle. Nous prévoyons 6 implantations dans toute la France, pour nous positionner près des mutuelles implantées dans les régions.
Propos recueillis par Anne-Sophie Duguay