Quels sont les éléments clés qui permettent aux salariés de bien vivre dans leur espace de travail ? Quels bénéfices, l’entreprise peut-elle en retirer ? Dans quelle mesure, définir un modèle spatial conforme aux besoins des collaborateurs peut-il être source de performance mais aussi de motivation au travail ? Autant de questions qui de prime abord, semblent futiles et pourtant… Au cours des dernières années, la généralisation de l’open-space a ouvert la voie à la question de l’aménagement des espaces de travail. Qualifié de déshumanisant par les salariés, il n’en reste pas moins le modèle d’organisation référent des petites comme des grandes entreprises. Pourtant, il existe aujourd’hui plus d’une alternative crédible à l’open-space. La preuve…
Pour Pierre-Gilles Solvit, Senior Vice President de AOS Studley*, « le siège social incarne la culture de l’entreprise, un port d’attache vers lequel les collaborateurs sont sans cesse amenés à revenir et dans lequel, ils doivent se sentir bien. C’est pourquoi l’environnement de travail doit être dynamique, conçu comme un lieu d’échange et de partage où les salariés se définissent et se construisent ensemble autour d’un projet d’entreprise ».
Mais, comment créer ce sentiment d’appartenance au lieu de travail ? Repenser l’espace professionnel est désormais, rendu possible par les évolutions technologiques qui ouvrent la voie à un nomadisme au cœur de l’entreprise. « Avant de concevoir notre projet immobilier, nous avons mené une véritable réflexion sur la nature de nos métiers et la façon dont se structurent les activités au sein de notre cabinet. Nous avons également mesurée le taux réel d’occupation de nos locaux et entre les RTT, les congés et les missions réalisées chez le client ou sur le terrain, il est apparu que seulement 55 % des collaborateurs étaient présents dans les bureaux et ce, lors des pics les plus importants.
En sachant que la moitié des collaborateurs ne sont pas sur site, attribuer des postes fixes à chacun d’entre eux, est alors apparu dénué de sens», explique Pierre-Gilles Solvit. C’est à partir de ce constat que les experts du cabinet AOS Studley ont planché plusieurs mois sur la nouvelle organisation spatiale de l’entreprise, où plus aucun salarié n’a de poste affilié. « 137 postes de travail ont été créés pour 194 collaborateurs soit 7 postes pour 10 personnes ce qui revient à 86 % d’espaces partagés. A leur arrivée, nos salariés s’installent où bon leur semble et en fonction de leurs besoins. Ils sont équipés d’un ordinateur portable, d’un BlackBerry et ont à leur disposition un casier fermé dans lequel ils rangent leurs effets personnels », précise le Senior Vice President.
Un agencement au plus près des besoins des collaborateurs
Le siège social parisien du cabinet AOS Studley renferme toute une palette d’espaces, fruit d’une véritable réflexion sur la vie du salarié dans l’entreprise. Ainsi, des espaces équipés de fauteuils acoustiques ont été mis à la disposition des salariés pour leur permettre de passer leurs appels en toute discrétion. Ils sont disséminés ça et là au milieu des espaces mutualisés où règne un calme quasi-olympien. Il existe aussi des salles de réunion réservables via Blackberry, des espaces fermés (baptisés « Bubbles »), des espaces projet où les collaborateurs peuvent se réunir de manière informelle ou encore des Box de travail individuel qui permettent de s’isoler en plein milieu de l’espace mutualisé.« Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les espaces complètement clos sont peu utilisés par les collaborateurs qui ont plutôt tendance à se regrouper au sein des espaces mutualisés.
Par ailleurs, nous avons constaté que seuls 5 % de nos salariés a tendance à s’installer à la même place, ce qui reste très peu », indique Pierre-Gilles Solvit.
La qualité de vie au travail passe donc par un agencement au plus près des besoins des collaborateurs. Il semble d’ailleurs, que le sujet se place de plus en plus au cœur des réflexions RH, managériales mais aussi financières. Et les enjeux sont nombreux : compression des coûts, bien-être des collaborateurs, optimisation des performances, amélioration de la qualité de vie au travail (désormais renommé QVCT) et pourquoi pas culture d’entreprise ?
Plus qu’une organisation spatiale, l’expression d’une culture d’entreprise
Chez AOS Studley, cette organisation spatiale du travail a fait émerger de nouveaux codes de comportements au sein de l’entreprise. Car ici, tout est mutualisé à commencer par les documents de travail qui sont classés et rangés dans des espaces communs et accessibles à tous. « Tous les soirs, les salariés doivent également laisser l’emplacement libre et rangé. Ce côté nomade, évite l’amoncellement de paperasse et oblige le salarié à une forme de discipline dans l’organisation de son travail », indique Pierre-Gilles Solvit.
Qu’en est-il de l’intégration des nouveaux collaborateurs ? Cette organisation du travail évite les préoccupations d’ordre purement technique, dans la mesure où les nouveaux collaborateurs ont juste besoin d’un ordinateur portable et d’un BlackBerry. « Il n’y a pas non plus de problèmes liés au déplacement d’un tel qui doit laisser sa place à un nouveau collaborateur », ajoute Pierre-Gilles Solvit avant d’indiquer que « le processus d’intégration se fait très naturellement puisque la plupart des collaborateurs évolue en mode projet et sont donc amenés à se regrouper spontanément ».
Un véritable labyrinthe, où chaque espace de travail trouve son sens. A commencer par ceux qui offrent un accès vers l’extérieur comme ces immenses terrasses ou ces espaces dédiés à la détente et au repos, comme la salle de baby-foot et de WII. « Il y a une responsabilisation surprenante de la part des salariés. C’est un lien de confiance tacite et on n’a jamais vu un de nos collaborateurs en train de jouer au baby-foot en plein après midi », indique le Senior Vice President. Le résultat de cette organisation du travail est d’autant plus surprenant qu’il ne s’agit pas uniquement d’un projet d’aménagement spatial mais résolument de l’expression d’une nouvelle culture d’entreprise. « Nous traduisons la culture de l’entreprise au travers d’une conception spatiale. Par exemple, en n’attribuant aucun poste, nos locaux expérimentent l’absence de hiérarchie visible. Les zones réservées n’existent pas », explique Pierre-Gilles Solvit. Les deux seules personnes qui disposent d’un poste attitré reste, malgré tout, le PDG et son assistante. Leurs bureaux sont situés au même étage que la cafétéria, cette fameuse place du village, passage obligé de chaque salarié dans une journée. Tout un symbole.
Emilie Vidaud
*une société de conseil spécialisée dans la conception de projets immobiliers alignés sur la performance et la stratégie de l’entreprise.