Dans une société économique en plein bouleversement, face à des technologies numériques de plus en plus sophistiquées et à l’addiction de la génération Y au web et aux outils de connexion, le monde du travail devrait connaître dans les prochaines décennies de nombreuses mutations. Etat des lieux avec Olivier Charbonnier, co-auteur, avec Sandra Enlart de « A quoi ressemblera le monde de demain ? » paru aux éditions Dunod.
Au-delà d’internet et de son périmètre d’actions, les outils de transmission de données (ordinateur, smartphone, tablette, google glass…) sont aujourd’hui au cœur de nos vies.
« Dans les années à venir, les entreprises vont changer leur organisation du travail en fonction de l’évolution des pratiques numériques des employés. Le passage de l’univers personnel à l’univers professionnel sera vécu comme absurde, tout du moins décalé, en particulier par les générations qui auront toujours utilisé internet. Dans le cadre d’une meilleure gestion entre ces différents temps de vie, chacun sera amené à travailler en dehors des horaires balisés. Pour des raisons évidentes, le monde du travail devra s’adapter et non l’inverse », précise Olivier Charbonnier, le co-auteur de « A quoi ressemblera le travail demain ».
Parallèlement, la crise économique influe sur l’obligation de créer sa propre chance, son propre emploi pour naviguer entre les vagues et parvenir à entrer dans la vie active. D’ailleurs, les écoles de commerces et même les universités ne cessent de développer, à l’intérieur même de cursus déjà existants, des sessions de formation et des cours autour de la création d’entreprise. Le sacro saint CDI subsistera-t-il aux profondes mutations de notre société ? Le développement de l’auto-entreprenariat, du portage salarial, n’est-il pas le début d’un nouveau modèle professionnel en B to B, où chacun se verra confier selon ses compétences, une mission sur un laps de temps défini ?
« Là, où aujourd’hui les conditions d’employabilité sont claires avec des contrats et des horaires, notre rapport au travail va progressivement se modifier. Aujourd’hui, et demain, bien plus encore, via le numérique, il sera tout à fait possible de travailler de chez soi en télétravail ou de développer son propre business. De plus, au cœur même des entreprises, l’activité professionnelle deviendra de plus en plus » liquide », car elle se transformera, comme c’est déjà le cas aujourd’hui en un travail de traitement de données numériques. En conséquence, la visibilité du travail effectif de chacun deviendra flou, tout comme son territoire et ses paramètres d’action », ajoute Olivier Charbonnier. Une tendance qui obligera le travail, en tant que tel, à se mettre en scène pour capter l’attention, la maintenir et singulariser sa production. Le réseau de Fablam qui se développe à travers le monde en est un marqueur parmi d’autres.
Le statut de manager sera éphémère
Dans un monde managérial où les lignes verticales et horizontales deviennent poreuses et où l’échange d’informations, par le biais du numérique, est de plus en plus important, le manager devrait progressivement voir sa mission changer. « Il ne sera plus nécessairement dans une position plus haute hiérarchiquement.
Il aura davantage un rôle de régulateur entre les différentes interactions. Cette fonction sera mieux distribuée et pourra être mouvante, c’est-à-dire passer d’un salarié à un autre. Le statut de manager sera ainsi plus éphémère », précise Olivier Charbonnier.
Dans les années à venir, nous allons donc passer d’un monde cadré et programmé dans l’espace et dans le temps à un monde beaucoup plus aléatoire à la fois plus ouvert et responsabilisant. Dans cette optique, les espaces de travail, dont la configuration détermine les modes de production, devraient également évoluer dans leur forme. « Ces lieux devraient progressivement passer d’un lieu de contraintes à un lieu de ressources.
On viendra à son travail d’abord parce que ce sera un moyen –un bureau, une salle de réunion, un équipement bureautique, une convivialité…- dont on aura besoin pour produire et non pour se conformer aux horaires stipulés dans un règlement intérieur. Les espaces de travail offriront donc davantage de confort, de proximité avec des environnements plus familiers », conclut Olivier Charbonnier.
Gérald DUDOUET