La négociation est au cœur de l’activité des managers et leaders qui sont chargés d’un projet de transformation ou d’un collectif en mouvement. Le management a été bouleversé ces dernières années avec la démocratisation de nouveaux modes de travail. De plus, les attentes des salariés ont évolué.
Au quotidien, chacun de nous négocions des ressources, l’obtention de résultats et la régulation des conflits. Quelles sont les techniques de négociation au service de la performance et de la cohésion sociale ? Pour répondre à cette question, myRHline a reçu le 25 avril Adrian Borbély, Professeur associé en négociation et gestion des conflits à emlyon business school. Juriste de formation, il s’est rapidement passionné pour les modes négociés de résolution des conflits.
Qu’est-ce qu’un bon manager ?
Il n’y existe aucune recette pour bien manager. Les collaborateurs recherchent toutefois un “management par l’exemple” et de la pédagogie. Comment la négociation peut-elle devenir un outil de management ? Selon Adrian Borbély, les compétences de négociation sont au cœur de l’action du manager. La relation avec leur manager peut lourdement affecter le bien-être des salariés et leurs performances. Mais le manager doit également être en mesure de fixer un cap, de “manager par l’exemple”. La frontière est poreuse entre le management et le leadership. La difficulté du manager se situe dans le fait qu’il doit, lui aussi, contribuer en plus de superviser le travail des autres.
Il n’y a pas un bon modèle de manager qui fonctionne. Le bon manager est celui qui saura s’adapter à chacun des membres de son équipe avec pédagogie.
Alors, dans quelle mesure un manager va-t-il négocier ? “Tout n’est pas négociable, par contre on peut trouver de la négociation partout” explique Adrian Borbély, Professeur associé à emlyon business school. La négociation peut avoir lieu au niveau horizontal entre les directions. Il explique qu’une équipe commerciale peut avoir besoin de soutien humain et donc va négocier avec la RH. Il affirme que l’on négocie dans toute fonction où on gère des hommes, des finances et des projets. On négocie aussi avec sa hiérarchie, par exemple pour obtenir davantage de marge de manœuvre. Mais aussi avec ses équipes, avec les représentants du personnel sur des questions collectives et individuelles (recrutement, promotion, aménagement d’un poste de travail, contribution à une action collective, différend interpersonnel etc.). Pour finir, un manager négocie aussi dans une relation verticale, pour ses objectifs, pour plus de flexibilité, du télétravail.
En quoi la négociation est-elle au service des managers ?
Tout d’abord, qu’entend-on par la négociation au service des managers ? La négociation au service des managers est avant tout une “méthode de co-décision” selon Adrian Borbély. C’est-à-dire trouver un moyen pour décider avec l’autre. Car le manager doit prendre un certain nombre de décisions au quotidien et en implémenter d’autres qu’on lui impose. Mais selon lui, de plus en plus, certains champs pourront être travaillés avec le collaborateur, à un niveau horizontal. La négociation pour les managers implique de disposer de soft skills et compétences en termes de stratégie, de comportement, voire d’éthique : expliquer les intérêts et les valeurs derrière les décisions, pratiquer l’écoute active et la parole assertive, préparer ses réunions, susciter de la coopération… “ Qu’est ce que je cherche à faire ? Qu’est ce que l’autre va chercher à faire et comment faire pour obtenir un maximum de résultats positifs pour tous les deux ? “
Des techniques comportementales d’écoute, de prise de parole et d’échange existent. Le professeur affirme qu’il faut également toucher l’éthique, c’est-à-dire faire appel aux valeurs.
“ Aujourd’hui, quand on parle de sens du travail, quand on parle d’attachement du salarié à son entreprise, on va toucher des questions d’alignement. Les jeunes générations notamment, veulent des entreprises qui poussent dans des directions qui leur ressemblent à titre individuel “ affirme t-il. Pour Adrian Borbély, la négociation correspond à 70% de préparation et 30% d’improvisation éclairée.
Comme l’a expliqué plus haut Adrian Borbély, tout ne se négocie pas. A l’inverse, cela permet de responsabiliser les managers, notamment pour la résolution de leurs différends.
“S’ils sont dans la coopération, alors la négociation est un vecteur d’efficacité.” Par exemple lorsqu’une des parties pratique l’empathie et comprend les difficultés de l’autre. Au contraire, s’ils sont dans la compétition, la négociation n’aboutira pas et appellera des arbitrages de la hiérarchie. Se former en négociation permet d’augmenter son degré de confiance en soi, tout en diminuant son appréhension lorsqu’on entre dans ce type de situation. “ Lorsqu’on forme un collectif, l’idée, c’est de leur donner un vocabulaire commun, afin qu’ils puissent échanger sur leurs négociations, et continuer de progresser ” précise-t-il.
Exemples de techniques de résolution des conflits
Adrian Borbély affirme qu’avant tout dans la négociation, il est question d’écoute. L’écoute a plusieurs intérêts en la matière. Tout d’abord, écouter efficacement, c’est créer de la relation. Ensuite, écouter, c’est acquérir de l’information. “ Et si on considère que l’information, c’est le pouvoir à la table des négociations, c’est en écoutant qu’on gagne de l’influence et du pouvoir. “ Troisièmement, écouter va permettre de se placer dans les cadres de référence de l’autre partie. Et ainsi, obtenir un maximum d’impact. Cela signifie que si l’autre partie s’appuie sur un cadre de référence comptable et chiffré, il va falloir rentrer dans ce cadre. Si d’un autre côté, je m’adresse à une personne orientée sur la qualité de vie, il faut entrer dans ce cadre.
Voici quelques exemples concrets de négociation :
- Un manager veut créer du lien dans ses équipes. Il va négocier (avec la DF et la DRH) un budget et des actions d’animation managériale – formation, atelier d’intelligence collective…
- Deux collaborateurs n’arrivent pas à travailler ensemble. Il faut négocier un modus vivendi.
Pour négocier dans ces cas, le manager doit tout d’abord se préparer. Il faut se demander : “Quelle est la réponse qu’on veut apporter à ce collaborateur (au-delà du fait de lui dire “non”) ?” La préparation de cette négociation doit nous amener à observer le parcours de la personne sur le long terme. C’est-à-dire ressortir le dossier RH de la personne.
Ensuite, il est nécessaire de se poser une question : pourquoi cette demande ? Qu’est ce qui la motive ? Faire parler le collaborateur va permettre de découvrir ses intérêts et les raisons qui le motivent à faire cette demande (des frais de vie qui augmentent en raison de l’inflation par exemple) ou des valeurs (problématique d’équité: il a découvert qu’il était moins bien payé que son collègue, il ressent alors une injustice et un manque de reconnaissance). Puis, il faut faire attention à séparer les aspects de fond de la relation : “ il n’y a pas de raison de porter atteinte à la relation de travail, qu’on va chercher à préserver, coûte que coûte.”
Enfin, on va se demander : que peut-il se passer si la négociation n’aboutit pas ? Le collaborateur a-t-il une offre concurrente ? Peut-on se passer de lui ? C’est pourquoi le manager doit également préparer des alternatives dans le cas où la négociation échouerait par exemple.
Pour en savoir plus, n’hésitez pas à visionner le replay.
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