Attendu chaque année, le Baromètre de l’Absentéisme® et de l’Engagement ayming & AG2R LA MONDIALE vient d’être publié. Menée sous le prisme des étapes clés du parcours professionnel des collaborateurs, cette 15e édition 2023 révèle une évolution inédite de l’absentéisme.
Parmi les tendances mises en lumière, nous nous sommes penchés sur le rapport au travail des salariés, lesquels semblent de plus en plus volatiles, et sur leurs préoccupations en matière d’intégration, en particulier chez les seniors. Mais également sur les pistes que les RH doivent désormais explorer pour prévenir cet absentéisme.
Les éclairages de myRHline dans cet article.
Absentéisme en entreprise, quelle évolution en 5 ans ?
Pour bien comprendre l’évolution de l’absentéisme ces dernières années, commençons par nous intéresser à deux chiffres clés : le taux d’absentéisme moyen annuel d’une part, et la moyenne des jours d’absence par salarié sur un an d’autre part.
Aujourd’hui, le baromètre d’ayming et AG2R LA MONDIALE 2023 nous indique qu’ils sont respectivement estimés à 6,70 % et à 24,5 jours d’absence sur l’année 2022. Cependant, si l’on reprend l’édition 2019 sur les chiffres 2018 (11ème baromètre), ces indicateurs étaient à l’époque de 5,10 % pour 18,6 jours d’absence.
Concrètement, cela signifie que le taux d’absentéisme a progressé de 1,6 point en l’espace de 5 ans. Mais également que les collaborateurs sont désormais absents plus longtemps : en moyenne 5,9 jours de plus qu’en 2018. Presque une semaine donc.
Ces résultats sont déjà préoccupants. Pourtant, ce ne sont pas les seuls changements mis en évidence par l’étude parue en 2023.
En effet, à l’inverse des précédentes éditions qui soulignaient la hausse continue de l’absentéisme longue durée (plus de 90 jours), ce baromètre 2023 met en avant la croissance marquée des micro-absences (entre 4 et 7 jours).
Trois pistes permettent, entre autres, d’expliquer cette évolution de l’absentéisme au travail : le rapport à la mobilité, le besoin d’intégration (notamment chez les seniors) et le poids de la poly-absence.
Des collaborateurs toujours plus mobiles
Ce dernier Baromètre de l’Absentéisme® et de l’Engagement d’ayming et AG2R LA MONDIALE (2023) fait état d’une tendance à la mobilité prégnante chez les collaborateurs français.
En effet, l’étude indique que 45 % des salariés (de 5 ans et moins d’ancienneté) souhaitent changer de situation pour :
- un emploi différent dans une autre entreprise (19 %) ;
- le même travail mais auprès d’un autre employeur (14 %) ;
- une fonction différente dans l’organisation actuelle (12 %).
Cela concerne en particulier les jeunes puisque 58 % d’entre eux ne se projettent pas à leur poste au-delà de 4 ans. Et ce, même s’ils souhaitent rester dans l’entreprise.
Des chiffres qui soulèvent une problématique intéressante : celle de la projection dans le projet d’entreprise à moyen et long terme.
Diminution du taux de chômage. Pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs. Taux d’emploi des 15 – 64 ans à son plus haut niveau depuis 1975 (Insee). Le contexte est favorable aux salariés qui se veulent plus mobiles, et qui peuvent alors faire valoir leurs attentes et exigences en matière d’emploi.
Parmi les facteurs qui conditionnent le maintien du salarié dans l’entreprise, on retrouve différents critères plus ou moins liés à la question de la qualité de vie au travail (aujourd’hui appelée QVCT).
En tête du classement établi par le Baromètre de l’Absentéisme® et de l’Engagement par ayming et AG2R LA MONDIALE de 2023 : la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, aussi appelée work-life balance. Celle-ci étant suivie par la rémunération et les conditions de travail.
Des seniors qui expriment le besoin d’une meilleure intégration
Autre indicateur ressortant des résultats de ce baromètre 2023 : le besoin pour les salariés seniors d’être mieux intégrés à leur entreprise lors de leur prise de poste.
Et pour cause : dès 50 ans, les profils seniors se disent délaissés, et ce, dès l’arrivée au sein de l’organisation. À titre d’exemple, un senior sur quatre indique vouloir bénéficier d’un parcours d’onboarding similaire à celui réservé aux plus jeunes talents. Ce qui ne semble pas être le cas actuellement.
En effet, quand 17 % des salariés interrogés dans le cadre de l’étude disent ne pas avoir bénéficié d’un parcours d’intégration alors qu’ils en auraient eu besoin, le baromètre précise qu’il s’agit d’une « tendance particulièrement marquée chez les seniors ».
De même, alors qu’il contribue à la bonne intégration, l’accompagnement par le tuteur est plus présent chez les jeunes. Au même titre que les bilans à l’issue de la période d’essai : 61 % des collaborateurs de 30 ans et moins ont pu en bénéficier. Ce pourcentage est quasiment divisé par deux pour les 51 ans et plus.
Pourtant, l’onboarding concerne l’ensemble des collaborateurs. Mais c’est une réalité : les profils seniors peuvent être confrontés à l’âgisme dans la sphère professionnelle. Un phénomène à ne pas négliger, donc, lorsque l’on espère soigner le parcours d’intégration du nouveau collaborateur, quel que soit son âge, et favoriser un engagement collaborateur durable.
- Le saviez-vous ? Selon une étude menée par À compétence égale et Ipsos (2022), les recruteurs peuvent percevoir des freins à la sélection de candidats seniors comme la difficulté à s’intégrer au sein des équipes plus jeunes (35 %) ou la résistance aux changements (30 %). Et ce, alors que les recruteurs seraient majoritairement en faveur des dispositifs qui encouragent l’emploi des seniors.
Dans leur ouvrage Le face à face entreprises / seniors : nouveaux enjeux et nouvelles problématiques (2014), Franck Brillet et Franck Gavoille mettent en lumière les problématiques liées à la discrimination des personnes dites seniors et reviennent sur l’importance des enjeux RH liés à la prise en compte des attentes de cette population « qui a longtemps été mise à l’écart ».
Frédérique Jeske, à l’origine de la création de Senior4good, en faveur de l’emploi des seniors fait partie de ces personnes ayant été personnellement confrontées à l’âgisme en milieu professionnel. Dans une récente interview pour myRHline, elle expliquait :
J’ai rencontré des cadres seniors formidables et désespérés, en totale perte de confiance, qui ont envoyé des centaines de candidatures et qui n’ont jamais été convoqués en entretien. Et lorsque c’était le cas, ils entendaient des choses ahurissantes : on pensait qu’ils ne pouvaient pas s’adapter (…)
Entre micro-absences et poly-absences
Outre les problématiques liées à la volatilité des collaborateurs et d’intégration des seniors, abordons maintenant la question de l’absentéisme lui-même.
Alors que celui-ci avait baissé en 2021 — atteignant un niveau quasi similaire à celui de 2019 —, il a de nouveau augmenté, venant concurrencer les résultats de 2020 pourtant impactés par la crise sanitaire.
Entre 2019 et 2022, on assiste donc à une hausse de 21 %.
Comment l’expliquer ? D’abord par l’augmentation de l’absentéisme maladie : près d’un salarié sur deux déclare s’être absenté en 2022 pour un arrêt maladie lié à la Covid-19 qui impacte encore les entreprises.
Mais on observe également une évolution de la durée des absences de 4 à 7 jours (micro-absences) au niveau national sur l’année 2022. En un an, elles ont été multipliées par 2,3.
La Covid-19 et son variant Omicron apparaissent comme l’un des facteurs explicatifs de cette tendance haussière. Les arrêts liés à ce motif ont principalement duré une semaine ou moins.
Désormais, les absences sont courtes, mais plus fréquentes : si un salarié sur deux s’est absenté de son poste de travail l’année dernière, 18 % d’entre eux ont été absents au moins trois fois. À noter que les jeunes seraient plus impactés :
- 20 % pour les moins de 30 ans ;
- 17 % pour les 41 ans à 50 ans ;
- 15 % pour les personnes de 51 ans.
Les échanges menés entre les professionnels du management, les ressources humaines et les collaborateurs concernés peuvent faire émerger différentes problématiques individuelles.
Il peut par exemple s’agir d’une maladie chronique, de difficultés professionnelles, de salariés aidants, d’un manque de motivation au travail ou encore de désengagement. Mais d’autres phénomènes ne sont pas à exclure, comme les abus.
Et derrière l’explosion de ces nouvelles formes d’absences, il y a aussi des répercussions sur les présents : l’anticipation et les solutions de remplacement étant plus complexes à mettre en œuvre pour l’employeur et les RH.
Quelles pistes pour agir et prévenir l’absentéisme ?
Dans un contexte de fort absentéisme, de recrutement et de gestion de carrière difficiles, il est préconisé de :
- Favoriser la stabilisation de l’effectif : les entreprises doivent se concentrer sur le soutien des collaborateurs actuellement présents impactés par les absences, tout en mettant l’accent sur la prévention et en cherchant à maintenir le lien avec les collaborateurs absents pour faciliter leur retour. En ce sens, il faut que les entreprises accentuent leurs efforts pour attirer, recruter et surtout fidéliser leurs collaborateurs.
- Sortir des sentiers battus sur la conception de la carrière : selon ayming et AG2R LA MONDIALE, il est désormais indispensable de dépasser la conception « formation-carrière-retraite » afin de mieux intégrer et manager les différentes catégories d’âge qui ont des besoins spécifiques, et dont les parcours ne sont pas linéaires mais bien atypiques et plus volatiles.
- Faire de l’intégration un moment clé du parcours professionnel pour fidéliser les collaborateurs. En effet, l’étude menée par ayming et AG2R LA MONDIALE témoigne de l’influence du parcours professionnel des salariés, surtout sur la période d’intégration, dans leur souhait de rester ou non dans l’entreprise et dans leur capacité à s’y projeter. Accorder une attention particulière à ces différents moments est primordial, qu’il s’agisse des jeunes ou des aînés. « Ces 5 dernières années, les pratiques d’intégration sont plus fortement déployées pour les jeunes, alors que l’ensemble des salariés, quel que soit leur âge, peuvent en avoir le besoin », rappellent ayming et AG2R LA MONDIALE. Les bénéfices d’un bon parcours d’onboarding peuvent même limiter les situations dégradées d’absence.
*Pour en savoir plus, la restitution du 15e Baromètre de l’Absentéisme® et de l’Engagement – édition 2023 est désormais disponible dans son intégralité.
Enfin, rappelons que la gestion de ces problématiques ne saurait être seulement confiée aux professionnels des ressources humaines. Tous les niveaux hiérarchiques ont un rôle à jouer. En ce sens, ayming insiste quotidiennement sur l’importance de l’animation de groupes de travail (RH, managers, collaborateurs) pour agir sur l’absentéisme, par exemple.
Concernant ce dernier point, le cabinet de conseil rappelle aussi l’importance de la réalisation d’une cartographie de l’absentéisme, qui constitue la première étape pour instaurer une politique de prévention et de gestion adaptée et efficace.