La salariance désigne la réalité des collaborateurs qui exercent deux fonctions à la fois : activité salariée et accompagnement d’un proche — ce sont des salariés aidants.
Un double engagement qui peut engendrer plusieurs difficultés, tant dans la vie professionnelle que personnelle : charge mentale, santé, performance au travail, baisse de l’engagement, etc.
Or, plus d’un salarié sur deux est concerné. Ainsi, il revient aux entreprises de s’emparer de ce sujet de stratégie RSE étroitement lié aux enjeux QVCT. Ceci afin d’agir concrètement pour accompagner les salariés aidants en entreprise.
Salarié aidant : définition et réalité
Définition
La définition du salarié aidant n’existe pas dans le Code du travail.
Pour caractériser ce statut, les institutions s’appuient donc sur les notions de « proche aidant » et « aidant familial » définies à l’article L113-1-3 et l’article 245-7 du Code de l’action sociale et des familles.
Nous l’avons vu, le salarié aidant est un actif qui cumule deux activités. D’un côté, il travaille comme employé au sein d’une entreprise. De l’autre, il assiste un proche — de manière régulière et répétée — dans les actes et/ou les tâches de la vie courante.
Pour être qualifiée de « relation aidante », cette seconde activité non professionnelle doit être réalisée auprès d’une personne malade, handicapée ou en perte d’autonomie. Ce tiers aidé peut aussi bien être un membre de la famille (parent, enfant, frère/sœur, etc.) que le conjoint ou encore un ami.
Aidance et salariat en France, quel état des lieux dans les entreprises ?
Récemment mis en lumière par la stratégie 2020 – 2022 « Agir pour les aidants » du gouvernement, le sujet de l’aidance peine encore à être reconnu dans la sphère professionnelle.
Alors, que savons-nous vraiment aujourd’hui des salariés aidants ? Des études récentes nous révèlent par exemple que :
- 60 % des aidants sont salariés, alors qu’ils n’étaient que 42 % en 2015 (baromètre 2022 fondation April & BVA) ;
- 39 % expriment des difficultés à concilier leur travail et leurs engagements personnels (Observatoire 2021 Malakoff Humanis) ;
- 48 % ont la sensation de pouvoir perdre leur emploi (Ocirp/Viavoice 2021).
De plus, si toutes les catégories sont concernées, une note de la HAS (Haute Autorité de Santé) de juillet 2022 précise que les personnes aidantes sont majoritairement des femmes (57 %, toutes CSP confondues).
Toutes ces données confirment que l’accompagnement du personnel en situation d’aidance rejoint directement les enjeux sociaux de la RSE et de la QVCT. À savoir : inclusion, égalité professionnelle, non-discrimination, prévention des RPS en entreprise, etc.
RH : comment accompagner les salariés aidants ?
Sensibiliser sur le statut de salarié aidant
La sensibilisation au statut de proche aidant concerne toutes les strates de l’entreprise : direction, ressources humaines, référent handicap, employés, représentant du personnel. Et ce, car les enjeux sont multiples.
En effet, il s’agit de faire connaître la fonction d’aidant en entreprise et de permettre aux employés qui jouent ce rôle de s’identifier. Mais aussi de déconstruire les idées reçues quant à l’impact de l’assistance à l’entourage sur la vie de l’entreprise. Et, plus largement, de s’engager dans une démarche de soutien aux aidants salariés en instaurant un climat de bienveillance et d’écoute.
Les bonnes pratiques :
- Communiquer des informations via le SIRH ;
- Promouvoir la journée nationale des aidants ;
- Organiser des ateliers et conférences ;
- Former l’équipe de management.
Informer les collaborateurs sur les dispositifs prévus par la loi
D’une manière générale, les salariés ne se sentent pas assez informés sur leurs droits relatifs à l’aide à l’entourage. Cette carence d’informations est soulignée par 81 % des non-aidants et 65 % des aidants (étude Ocirp/Viavoice).
Alors, quels sont les dispositifs prévus par la loi pour répondre aux besoins des salariés aidants ?
Congé de proche aidant (CPA)
Le congé de proche aidant permet à un salarié de s’absenter de son poste de manière temporaire afin d’assister un proche dépendant. Celui-ci doit être âgé ou avoir une incapacité permanente d’à minima 80 %. Le lien requis entre le collaborateur aidant et la personne aidée est défini par l’article L3142-16 du Code du travail.
La durée du congé proche aidant est de 3 mois. Le renouvellement est possible jusqu’à couvrir 1 an maximum sur l’ensemble de la carrière.
Les bénéficiaires peuvent réaliser un entretien professionnel avant et après le CPA.
Congé de présence parentale (CPP)
Le congé de présence parentale est une réserve de congés mobilisable par les employés ayant un enfant de moins de 20 ans dont l’état de santé implique une présence et des soins continus. En ce sens, l’enfant à charge peut être affecté par une maladie, un handicap ou être victime d’un grave accident.
La durée du congé de présence parentale est de 310 jours ouvrés à utiliser sur une période de 3 ans. Le CPP peut être renouvelé une fois.
Congé de solidarité familiale (CSF)
Le congé de solidarité familiale permet de quitter temporairement l’entreprise afin d’assister une personne proche (article L3142-6) dont le pronostic vital est engagé ou en phase avancée d’une pathologie.
La durée du congé de solidarité familiale est de 3 mois maximum, avec un renouvellement possible. Lorsqu’il revient de son CSF, le collaborateur peut alors bénéficier d’un entretien professionnel.
Tous ces dispositifs partagent plusieurs points communs :
- aucune condition d’ancienneté exigée ;
- aménagement possible (utilisation continue ou fractionnée) ;
- congé transformable en temps partiel ;
- contrat suspendu avec accès possible à des allocations versées par la CAF (AJPA, AJPP & AJAP).
Don de congés entre collaborateurs
Autre mécanisme légal au profit des aidants en entreprise : la solidarité entre collaborateurs. En effet, un employé aidant peut bénéficier de jours de repos cédés par un collègue et, par conséquent, voir sa rémunération maintenue (un avantage en termes de santé financière).
Anonyme et sans contrepartie, le don entre collaborateurs passe par l’employeur et peut concerner tous les types de congés : RTT, repos affectés à un compte épargne-temps et congés payés (5e semaine uniquement).
Au-delà de ces solutions réglementaires, les entreprises peuvent aller plus loin dans l’accompagnement des salariés aidants par la mise en place d’une véritable politique de soutien à l’aidance.
Construire une politique de soutien des salariés aidants en entreprise
Dispositif financier pour accompagner les salariés aidants
En complément des prestations publiques (PCH, AEEH ou APA), l’employeur peut déployer un dispositif interne à l’entreprise afin d’apporter un soutien financier aux salariés aidants.
Celui-ci prend par exemple la forme d’un maintien de la rémunération lors du CPA/CPP/CSF. Ou alors d’une aide financière, ponctuelle ou récurrente, débloquée en fonction de la situation.
Aménagement du temps de travail
Le facteur temps est une véritable préoccupation : pour les salariés aidants d’une part, et vis-à-vis de l’organisation au sein de l’entreprise d’autre part.
Télétravail, flexibilité des horaires, prise de congé simplifiée… L’aménagement du temps de travail constitue un levier d’action pour faciliter l’articulation entre vie professionnelle et engagement privé des aidants.
Suivi de la santé
En relation avec le service de médecine du travail, l’employeur peut proposer un accompagnement renforcé aux collaborateurs engagés dans une relation d’aide. Ceci afin de prévenir le risque d’épuisement, d’isolement social ou, plus globalement, les problèmes de santé.
De même, l’accès aux solutions de répit peut être développé par les ressources humaines en coordination avec les organismes et structures concernés sur le territoire.
Valorisation des compétences
Soft skills, organisation, capacité d’anticipation, gestion des ressources… Être proche aidant, c’est aussi acquérir des compétences transférables en milieu professionnel.
Celles-ci constituent une véritable valeur ajoutée et doivent, par conséquent, être reconnues et valorisées par l’entreprise.
Aujourd’hui, 1 français sur 5 est aidant. Mais d’ici 2030, ils seront 1 sur 4. Si des dispositifs réglementaires existent déjà, ils ne suffisent pas à répondre aux problématiques induites par la salariance tant les enjeux sont nombreux. Et ce, aussi bien pour les individus concernés que pour les organisations qui les emploient.
Sensibiliser. Informer. Accompagner. Les employeurs doivent donc s’engager en déployant des mesures concrètes et adaptées en faveur de ces salariés aidants qui incarnent à eux seuls un volet à part entière de la RSE.
En pratique, le chemin à parcourir est encore long, tant la question de l’aidance est peu abordée. En s’emparant du sujet, les dirigeants et RH vont ainsi ouvrir la voie à la construction d’un monde du travail plus juste pour les travailleurs en situation de salariance.