Le congé menstruel est encore très discuté en France. Pour les femmes qui souffrent de règles douloureuses – ce qui représente parfois un réel handicap dans le milieu du travail – ce congé menstruel semble plus que bienvenu d’un point de vue QVT et performance. Mais en quoi consiste-t-il ? Combien de temps peut-il durer ? Quels pays l’ont adopté et où en est la France à ce sujet ? On vous explique tout dans cet article.
Le congé menstruel, c’est quoi ?
De nombreuses femmes dans le monde souffrent de douleurs quotidiennes liées à leurs règles. Dans certains cas, des règles particulièrement douloureuses peuvent cacher une endométriose, maladie chronique gynécologique chez la femme en âge d’avoir un enfant.
Le congé menstruel consiste donc, comme son nom l’indique, à prendre congé pour les femmes actives souffrant de règles douloureuses (dysménorrhée), et notamment d’endométriose. Ces dysménorrhées sont fréquentes, chez les jeunes filles d’une part, chez les jeunes femmes d’autre part. Les douleurs liées aux menstruations seraient la première cause d’absentéisme au travail chez la jeune femme, a indiqué cette année l’Assurance Maladie Ameli.
Ce congé menstruel est bien entendu rémunéré et sa durée peut varier. Dans certaines entreprises, il est possible de prendre un ou plusieurs jours de congé menstruel par mois.
D’ailleurs, une enquête Ifop menée tout récemment en partenariat avec l’agence Flashs sur un échantillon de 993 femmes révélait que 35 % des salariées menstruées déclarent que leurs règles avaient un impact négatif sur leur travail. De même, 66 % des salariées sont favorables à l’instauration d’un congé menstruel en entreprise, même si 82 % des interrogées craignent que cela ne constitue un frein à leur embauche en France.
Congé menstruel : où en est la France par rapport aux autres pays ?
Sur la problématique bien-être au travail des femmes menstruées, certains pays semblent avoir mis en place des actions en ce sens.
Au Japon, le congé menstruel n’est pas un sujet nouveau. Il existe depuis 1947. Et si les modalités relatives au congé menstruel – voire à son appellation – varient, il existe dans d’autres pays tels que la Corée du Sud, les Philippines, l’Indonésie ou encore la Zambie, seul pays africain à avoir instauré cette initiative appelée “le jour des mères” où les femmes menstruées peuvent avoir un jour de repos supplémentaire chaque mois.
Le 17 mai dernier, le gouvernement espagnol a donné son approbation à un projet de loi portant sur la création de ce congé menstruel dans les cas d’aménorrhées. Il serait alors possible de prendre 3 à 5 jours de congé menstruel (5 étant le maximum, en cas de symptômes plus aigus). Cela pourrait concerner notamment les femmes qui souffrent d’endométriose. L’arrêt de travail sera signé par le médecin traitant et la patiente sera prise en charge par la Sécurité Sociale.
Le congé menstruel en France serait apparu pour la première fois l’an dernier au sein de la Scop La Collective à Montpellier. Pour Dimitri Lamoureux, cogérant de la société, il s’agit d’une avancée sociale notable en faveur de la QVT. C’est aussi une belle avancée en termes d’égalité homme femme au travail, d’autant plus que cette entreprise n’a pas instauré d’avantage télétravail. Rapidement, le dispositif s’est déployé au sein d’autres entreprises comme Louis Design, entreprise de fabrication de mobilier bureautique.
“Il a été suggéré par une salariée qui a remarqué qu’une collègue s’arrêtait parfois de travailler au bout de deux heures, totalement épuisée. Cette personne était invalidée par des règles très douloureuses et se trouvait alors contrainte de poser une journée de congé”, explique Thomas Devineaux, CEO de Louis Design.
Le coût financier de ce congé menstruel pour les entreprises françaises est-il un sujet ? Le PDG de Louis Design ne se pose pas vraiment la question.
Il est évident qu’entre une personne qui passe sa journée à souffrir et à prendre des médicaments, et une autre qui peut réellement se reposer et éviter la frustration de devoir poser un jour de congé alors qu’elle a ses règles, la seconde sera bien plus engagée et productive dans son travail !
Pour autant, le congé menstruel serait encore assez rare en France : il concernerait près de 10 entreprises. Il n’y a pas de loi prévue à ce sujet.
Un sujet avantageux mais controversé
Le congé menstruel présente de nombreux avantages pour les personnes qui subissent les dysménorrhées. Il s’agirait d’éviter, un jour voire plus, l’inconfort lié à leurs menstrues sur leur lieu de travail et d’alléger leur charge mentale à ce sujet. Et pour cause, une étude sur les Français-e-s et la précarité menstruelle révélait que :
Plus de 2 femmes sur 10 ont déjà manqué le travail à cause de leurs règles et plus d’un quart des femmes connaissent quelqu’un dans leur entourage à qui cela est arrivé. Les jeunes femmes âgées de 25 à 34 ans et les CSP+ sont plus touchées par ce problème.
Instaurer un congé menstruel évite d’ailleurs l’impact négatif sur la productivité des salariées et on augmente potentiellement le rapport de confiance qui s’instaure avec l’entreprise à l’origine du dispositif. En ce sens, une salariée avait confié au Directeur des Ressources Humaines de Critizr Xavier Molinie, avoir été “très touchée” par l’instauration de cette mesure dans l’entreprise.
Toutefois, on peut s’interroger à juste titre sur les éventuels effets pervers de cette mesure, aussi louable et nécessaire puisse-t-elle être. Certains craignent des abus, d’autres une hausse des discriminations ou encore du harcèlement. A cet égard, plusieurs femmes interrogées par la chercheuse Aline Boeuf dans le cadre de son mémoire sur le sujet pour l’Université de Genève (Suisse, 2020), ne se sentent pas légitimes à bénéficier de ce dispositif :
« Ces arguments en faveur du congé menstruel viennent se confronter aux difficultés de sa mise en application. Une forte appréhension de voir augmenter les discriminations à l’emploi et les tensions au sein des équipes freine l’adhésion à ce concept (…) Dans le cadre de leur activité professionnelle, les femmes ne vivent donc pas sereinement leur cycle menstruel. » (Aline Boeuf)
Selon elle, une fois les femmes arrivées à la dernière étape de leur réflexion, l’inquiétude l’emportait : « Prendre en compte les règles et les possibles douleurs liées aux règles n’allait-il pas renforcer les discriminations au travail ? » (Aline Boeuf pour Slate, 2022).
Pour Yasmine Oughlis, chroniqueuse pour l’émission française La Maison des Maternelles, “Les règles ne devraient pas être taboues”. Elle explique ainsi : “Pourquoi pourrait-on dire à notre patron que l’on a une gastro et pas que l’on a ses règles ?”
Il semblerait que la question des congés menstruels vienne relancer la question du tabou liées aux règles et à la façon dont les femmes peuvent vivre leur cycle menstruel, en France comme ailleurs.
A ce jour, si le congé menstruel est instauré dans la législation de plusieurs pays, la France n’en fait pas partie, malgré des initiatives qui commencent à voir le jour.