La médiation en entreprise est un mode alternatif de gestion des conflits. Quels sont ses avantages ? Quelles sont les différentes étapes du processus ? Pour répondre à ces questions, la rédaction a interviewé Frédérique Van Ginneken, avocate au barreau de Paris depuis 1998 et multispécialiste du droit des affaires, récemment formée à la médiation. Elle accompagne principalement des entreprises dans leurs problématiques et contentieux commerciaux et sociaux. La rédaction lui a posé quelques questions sur ce processus de résolution des conflits.
En quoi consiste la médiation en entreprise ?
Définition de la médiation en entreprise
La médiation est un processus amiable de prévention et de résolution des conflits, facilité par un tiers neutre et impartial qu’incarne le médiateur. La médiation en entreprise représente un espace de confiance où chacun va pouvoir entendre et être entendu. Il est indispensable que les deux parties puissent exprimer leurs besoins ainsi que leurs intérêts sous-jacents, et prendre conscience de ceux de l’autre.
La médiation en entreprise dure entre trois et quatre mois, par exemple pour gérer les conflits entre un manager et ses équipes, entre deux collègues, ou encore avec les partenaires commerciaux ou les prestataires des entreprises.
“Le conflit représente l’essence même des relations humaines. Mais la procédure de gestion des conflits, elle, peut être une véritable souffrance, tant pour les parties que pour les avocats. C’est ce qui m’a conduit, après 20 ans d’exercice, à me former à la médiation. ”
Les trois principes du processus, du point de vue des collaborateurs :
- La liberté d’avoir recours à la médiation, de suspendre ou d’interrompre le processus qui repose sur le volontariat
- La confidentialité des échanges durant les séances
- La responsabilité : le médiateur est un facilitateur, mais la solution se trouve entre les mains des collaborateurs et il leur appartient de la co-construire
Les trois principes du processus, du point de vue du médiateur :
- La neutralité du médiateur
- L’impartialité
- L’indépendance
Les bénéfices de la médiation en entreprise
Depuis quelques années, nous assistons à une prise de conscience sur le lien entre performance des entreprises et épanouissement des collaborateurs. En effet, selon une étude conduite par le MIT et Harvard, les salariés heureux seraient deux fois moins malades et 31 % plus productifs.
Cependant, chaque entreprise représente un terreau de conflits. Les intérêts convergent et les façons de penser des uns et des autres se heurtent quotidiennement. Ces conflits en entreprise provoquent des effets néfastes sur la santé psychologique, les relations humaines, la motivation au travail et la productivité. Les dysfonctionnements perturbent les équipes et affectent donc les performances des entreprises. C’est pourquoi elles ont de plus en plus recours à la médiation, qui est un principe de prévention des risques psychosociaux (RPS) et un levier de QVCT en entreprise.
Le processus de gestion des conflits dans les relations de travail est bénéfique pour les entreprises. Car en laissant une situation conflictuelle se dégrader, les entreprises prennent le risque de faire croître des dysfonctionnements pouvant affecter l’environnement et la qualité du travail des collaborateurs. La médiation œuvre en faveur de la QVCT, de l’engagement collaborateur, de la réduction de l’absentéisme et du turnover . Elle favorise ainsi le bien-être des collaborateurs, en rétablissant un environnement sain propice au travail. Le rétablissement du dialogue grâce à la médiation impacte donc positivement les performances des entreprises et la marque employeur.
Du côté des collaborateurs, la médiation en entreprise leur offre divers avantages. Tout d’abord, le processus de médiation repose sur le principe de confidentialité. Ce qui signifie que chacun peut s’exprimer librement. Ce principe de confidentialité a été rappelé par la Cour de cassation dans l’arrêt du 9 juin 2022, dans lequel elle a décidé qu’à la suite de l’échec d’une médiation, une partie ne peut pas produire en justice des éléments couverts par la confidentialité. Cette décision forte témoigne de la confiance que peuvent ressentir les collaborateurs. De plus, la médiation permet de préserver au mieux l’avenir de la relation. Lors d’un procès, il y a, en théorie, un gagnant et un perdant. Celui qui “gagne” le litige peut en garder un goût amer, tandis que celui qui perd le procès aura l’impression de ne pas avoir pu se faire entendre. Ce système génère donc de la frustration et de l’incompréhension. La médiation en entreprise s’apparente donc à un processus gagnant-gagnant dans lequel chacun exprime son point de vue et se sent entendu. De plus, le coût engendré (temporel et financier) est en moyenne trois fois moins élevé que pour une procédure judiciaire. Enfin, le taux de réussite d’une médiation en entreprise se situe entre 70 et 80%.
Comment se déroule le processus ?
Les acteurs qui entrent en jeu
Tout le monde peut avoir recours à la médiation en entreprise. La demande peut donc émaner des métiers eux-mêmes.
Selon Frédérique Van Ginneken, les entreprises sont généralement à l’origine de cette initiative et prennent en charge les coûts de la médiation. Toutefois, elles n’ont pas accès au contenu des séances. Les entreprises ont simplement le droit de savoir à la fin si un accord a été trouvé ou non.
Le médiateur incarne le rôle d’un “bâtisseur de pont”, chargé de restaurer le dialogue entre les parties. Ces dernières peuvent faire appel à des accompagnants qui endossent le rôle de conseillers, tels que des avocats, ou des experts-comptables.
Une fois la solution trouvée, le travail du médiateur est terminé. Ce sont aux avocats de prendre le relais pour rédiger l’accord et le formaliser, afin de garantir sa pérennité. Leur rôle est donc essentiel à l’issue du processus.
“Dans l’escalade du conflit, petit à petit, chacun s’enferme et se mure dans des positions antagonistes, n’entendant plus ce que l’autre a à dire. Le principe de la médiation est donc de permettre à chaque partie d’exprimer ses besoins, ses intérêts sous-jacents et d’entendre ceux de l’autre. L’objectif ? Restaurer le dialogue afin de tenter de résoudre le conflit.”
5 étapes de la médiation en entreprise
Avant de commencer, le médiateur prend contact avec toutes les parties impliquées. Cette réunion préliminaire est le moment où chacun va pouvoir exposer sa situation. Elle peut se dérouler par téléphone ou bien en aparté lors de réunions avec chaque partie. Ensuite, la médiation en entreprise va respecter cinq étapes.
Tout d’abord, l’étape du “quoi”, pendant laquelle le médiateur va essayer de comprendre l’objet du conflit. Les parties vont donc exposer in situ la situation et comment ils la vivent, de manière à ce que chacun entende le point de vue de l’autre et y soit confronté.
Ensuite, l’étape du “pourquoi”, dans laquelle le médiateur cherche à creuser en profondeur sur les raisons profondes du conflit, à mettre le doigt sur la partie immergée de l’iceberg ainsi que sur ce qu’il se passe en termes de ressentis, de besoins et d’intérêts pour chaque salarié de l’entreprise. Le médiateur s’appuie pour cela sur deux outils : l’écoute active et la reformulation. L’objectif est de découvrir ce qui anime chacun des collaborateurs pour arriver à libérer la parole.
La troisième étape est celle de la catharsis. C’est la phase de reconnaissance mutuelle, lors de laquelle chacun se met à la place de l’autre afin de comprendre comment il a pu ressentir et vivre les choses.
La quatrième étape est celle du “comment”. Le médiateur et les différentes parties vont imaginer toutes les alternatives possibles pour résoudre le conflit.
La dernière étape représente l’aboutissement à une solution. Chacun des salariés envisage, sous l’égide du médiateur, une solution pérenne qui concilie les besoins des deux parties.
Qui est Frédérique Van Ginneken ?
Frédérique Van Ginneken est titulaire d’un DEA en droit privé de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne ainsi que d’un diplôme d’études juridiques appliquées en droit anglo-américain. Avocate au barreau de Paris depuis 23 ans, elle a tout d’abord exercé pendant onze ans au sein du cabinet CEJEF-ALEXEN. Elle y a acquis une solide expérience en droit commercial, droit social, droit de la concurrence, de la distribution et de la propriété intellectuelle. En 2011, Frédérique Van Ginneken a rejoint le cabinet WAN, où elle travaille actuellement.
Laurène Boussé