Quelle est la responsabilité juridique de l’entreprise en cas d’accident de télétravail ? La généralisation du télétravail a bouleversé notre manière d’appréhender la vie quotidienne et suscite de nouvelles interrogations, celle notamment de savoir si un accident survenu en télétravail est considéré comme un accident du travail ou non.
Accident de télétravail : ce que dit la loi
L’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale définit le l’accident du télétravail au terme duquel : “Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise« .
L’article 21 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (codifié au dernier alinéa de l’article L. 1222-9 du Code du travail), ajoute une autre présomption aux règles de la sécurité sociale. Il dispose en effet que « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale ». Cela exige que l’accident ait lieu sur le lieu de travail et pendant l’exercice professionnel.
Les marches à suivre pour l’employeur en cas d’accident de télétravail présumé
L’employeur doit suivre les mêmes règles qu’un accident de travail classique : il doit déclarer l’accident du travail dans les 48 heures à compter de la date à laquelle il a pris connaissance de l’accident. Toutefois, l’employeur peut contester l’accident en prouvant que l’accident a eu lieu dans un autre contexte que celui du télétravail. Il aura 10 jours pour faire part de ses réserves auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Comment limiter l’accident de télétravail ?
Le récent accord national interprofessionnel (ANI), signé en novembre 2020, explique que : « si les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux salariés en télétravail, il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée ». Pour le juriste Francis Kessler, cela laisse une porte ouverte pour l’employeur de remettre en cause la parole du salarié quant à l’origine professionnelle de l’accident de télétravail.
Par conséquent, pour éviter toute situation complexe, mais aussi limiter les accidents de télétravail et garantir la sécurité de ses employés, l’employeur doit être particulièrement vigilant sur le lieu de télétravail de ses salariés, sur le temps de déconnexion et sur la charge de travail. Vérifier que les salariés possèdent les bons équipements de travail (ordinateur, bureau, siège..) est également conseillé. “C’est encore très rare” précise Me Thierry Meillat, avocat associé au cabinet Hogan Lovells, “parce que l’accès au domicile peut être vécu comme intrusif par les salariés, mais il va falloir le faire. » Pour cet avocat spécialiste en droit social, l’entreprise doit anticiper du mieux possible un accident et montrer aux salariés qu’il a pris des mesures de prévention nécessaires.
De nombreuses questions restent encore en suspens car il est parfois difficile de différencier l’accident domestique de l’accident de télétravail. Que dit la loi si le salarié se blesse pour aller chercher son déjeuner à la boulangerie proche de chez lui ? S’il se blesse à son domicile, tard le soir, lorsqu’il travaille, mais en dehors de ses heures de travail officielles ? « Ce sera du cas par cas, dans lequel le juge évaluera si le salarié était totalement libre de ses actions.” conclut Me Thierry Meillat.
Philippine Sander