Équiper les salariés en télétravail ne se limite pas à leur fournir les outils pour se connecter à distance. Dans des situations extraordinaires où le télétravail devient le mode de travail permanent, quel socle de compétences faut-il renforcer pour que les collaborateurs soient épanouis et efficaces ? La plupart du temps, les compétences en question sont comportementales et relèvent des soft skills. Le point avec Carole Menguy et Jean-Bernard Girault, cofondateurs de Wiserskills.
Un socle commun de compétences à développer
Pour que les collaborateurs manifestent de l’engagement vis-à-vis de l’entreprise, un sentiment de collectif est nécessaire, il implique que les individus passent du temps ensemble et interagissent en personne. Sans ces liens, l’engagement s’étiole. Mais comment le garder lorsque les collaborateurs n’ont que la visioconférence, le téléphone et la messagerie pour communiquer ?
Interagir à distance
La capacité à interagir à distance est une compétence clé du salarié en télétravail. Elle implique de comprendre et choisir les bons canaux entre le téléphone, la visioconférence, le mail, les solutions instantanées comme Slack ou Whatsapp. Selon les sujets et les interlocuteurs, on ne communique pas de la même façon.
Droit à la déconnexion
Gérer le droit à la déconnexion est un autre enjeu. La possibilité d’horaires de travail sur mesure peut tenter le salarié en télétravail de rester joignable sur des plages de temps plus étendues. Dans cette situation, il existe un risque de zone grise où il ne sait pas s’il peut “couper” du travail pour retourner à ses occupations personnelles.
Gestion du temps
Le challenge précédent fait partie d’une compétence plus large encore : celle de savoir gérer son temps. La différenciation “maison-boulot” n’existe plus physiquement. Difficile dans cette situation de laisser la vie personnelle en dehors du bureau. Il faut savoir être vigilant pour ne pas donner trop de temps à la vie personnelle, trop de temps à la partie professionnelle ou pire : tout faire en même temps. Savoir cloisonner est primordial.
Empathie
Une capacité d’empathie est nécessaire pour comprendre que les autres collaborateurs vivent des situations différentes. Leur contexte de télétravail peut être tout autre, car leur vie l’est aussi. La distance imposée par le télétravail implique de s’adapter à la réalité des autres.
Autonomie et organisation
Il peut être évident de les rappeler, mais ces deux compétences sont incontournables à la fois pour les salariés en télétravail et les autres. Autonomie et organisation dans le travail permettent au salarié d’éviter angoisses et inconfort.
Quelles compétences managériales pour les salariés en télétravail ?
Pour les managers plus spécifiquement, il s’agit de chapeauter des équipes dans des conditions extraordinaires, qui rendent le suivi des projets un peu plus périlleux, mais pas impossible.
Management à distance
Manager à distance implique un effort de présence supplémentaire. Cela veut dire appeler les salariés en télétravail plus souvent qu’il ne le feraient en temps normal. Dans des conditions extraordinaires comme celle d’être en télétravail sur une longue durée, le contact humain doit être quotidien, sans pour autant devenir oppressant.
Manager à distance implique de savoir donner du sens aux missions et adapter les signes de reconnaissance et de valorisation du travail des collaborateurs. Il faut être “encore plus manager” qu’au sein des locaux de l’entreprise.
Manager les salariés par objectifs
En télétravail, le management se fait au fil de l’eau, par rapport à des points et des livrables bien spécifiques. Le manager doit être en capacité d’évaluer le temps nécessaire pour chaque tâche afin de maintenir une charge de travail réaliste pour chaque collaborateur et être en mesure d’identifier les collaborateurs en difficulté.
Manager un collectif
“Faire fonctionner un collectif à distance, c’est un peu comme réussir à faire s’entraîner une équipe de rugby sans avoir tous les joueurs sur le terrain.” Image Jean-Bernard Girault. Cela nécessite de travailler avec des rythmes différents et singuliers. Manager en télétravail, c’est un tout autre métier.
Un confinement qui teste les limites du “tout télétravail”
Comme toute situation inédite et extrême, le télétravail permanent forcé par la période de confinement permet de mettre le doigt sur ses propres limites. Passer en tout télétravail nécessite une adaptation des modes de fonctionnement managériaux, à la fois envers les individus et le collectif. Mais peut-il être appliqué sur une base permanente ?
Dans cette logique de travail à distance absolu, on identifie des problématiques qui permettent de questionner la viabilité d’un tel mode de travail. Sur le long terme, les interactions humaines spontanées qui se font normalement au fil de rencontres sur le lieu de travail disparaissent. Les appels et les réunions se multiplient, la qualité du travail peut se dégrader.
Les meilleures conditions de travail se trouvent-elles alors dans un mode de fonctionnement hybride ? Une partie de la semaine en télétravail où indépendance et capacité d’organisation supérieure permettent une plus grande productivité. Une autre partie sur le lieu de travail où les interactions humaines permettent de créer le lien au sein d’une équipe…
Comment alors placer le curseur entre télétravail et travail sur place ? En réalité ces choix dépendent des personnes, des cycles de l’entreprise, du style et du rythme managérial. C’est un choix de gouvernance singulier, qui doit être évalué au cas par cas.
La rédaction