« Comment déplaceriez-vous le Mont Fuji ? » ; « Comment pèseriez-vous un avion à réaction sans balance ? ». Des questions présentées lors de l’entretien d’embauche chez Microsoft, appelant les candidats à faire preuve de solutions créatives à des problèmes imposés. Des questions qui ne sont pas toujours de l’ordre de l’impossible, avec également, par exemple : « Dans quel sens la clé doit-elle tourner pour déverrouiller une portière de voiture » ou encore « Comment fabrique-t-on les M&M’s ? » et « Pourquoi les bouches d’égout sont-elles rondes plutôt que carrées ?».
Microsoft ne fait pas figure d’entreprise à part lorsqu’il s’agit de présenter des casse-têtes aux candidats lors d’un entretien d’embauche. Certains vont également jusqu’à mettre les intéressés en situation de stress, comme cette banque d’investissement de Wall Street, devenue célèbre pour avoir proposé à des candidats de jouer à la roulette russe, les outillant avec un pistolet à air comprimé… Envie d’être différent ? Des idées farfelues ? Peut-être… mais l’idée derrière ces questions est d’observer comment les candidats gèrent les situations difficiles et les questions impossibles.
Le problème avec les outils d’embauche classiques…
Bien entendu, embaucher un champion du casse-tête ne garantit en rien que cette personne fera preuve de créativité au moment où l’entreprise en aura le plus besoin. En revanche, ce que cela prouve, c’est que cette personne est capable de gérer un problème d’une manière acceptable, faisant usage de créativité et d’inventivité.
Les tests, quels qu’il soient, ont une grande popularité auprès des entreprises pour de nombreuses raisons. Certaines reçoivent des dizaines de milliers de lettres de motivation et de CV chaque année qu’elles convertissent, après une série de méthodes diverses et variées, mystérieuses pour certains et pseudo-scientifiques pour d’autres, en une série d’entretiens d’embauche. Alors que les tests de Q.I. ne mesurent en rien la créativité des candidats, les recruteurs savent qu’il existe une forte corrélation entre la créativité et l’intelligence.
Les curriculums vitae donnent des indications par rapport à ce qu’une personne dit savoir et par rapport à ce qu’elle a fait dans le passé. Les tests permettent de juger de la capacité du candidat… à faire un test. Les entretiens ont toujours l’air irréprochables pour ceux qui sont bien préparés. Les études montrent que les emplois sont attribués aux mêmes personnes, que les recruteurs observent les candidats sur une vidéo de deux minutes ou qu’ils passent une heure en entretien d’embauche avec eux. Nous sommes tous des humains et, que nous le voulions ou non, nous nous en tenons à nos jugements rapides.
Une entreprise doit se doter de personnes possédant une expertise, des connaissances et un savoir-faire, certes. En l’occurrence, ces mêmes connaissances, expertise et savoir-faire sont la raison même pour laquelle les collaborateurs sont invités à passer un entretien d’embauche. Il est évident que, sans ces attributs, le recrutement (et encore moins l’entretien d’embauche) n’est pas envisageable puisque ce sont ces mêmes compétences qui apportent la valeur ajoutée dont l’entreprise a besoin. Néanmoins, il est essentiel, pour toute entreprise, de se doter d’un nombre suffisant de personnes capables d’apprendre et de se servir de leurs connaissances pour envisager l’avenir autrement. Aujourd’hui, le fait d’apprendre de nouvelles choses est au cœur même de l’innovation.
À ce titre, l’innovation est une compétence qu’il est possible d’apprendre. Si les candidats possèdent déjà certaines bases, le fait de leur demander comment concevoir un nouveau produit est une bien meilleure manière de découvrir leur approche innovante que le leur faire passer des tests d’aptitude. Inviter un candidat à travailler en équipe pour résoudre un problème est certainement une bien meilleure manière de découvrir son aptitude à s’intégrer ainsi que leur adéquation avec la culture de l’entreprise plutôt que de le juger d’un bout à l’autre d’une table lors d’un entretien de recrutement.
Pour juger des compétences des candidats en matière d’innovation, il est important que le recruteur sache comment fonctionne l’innovation, ainsi que les qualités requises pour en faire preuve. Le candidat est-il curieux ? Est-il perfectionniste ? Est-il pragmatique ? Quel produit et quelle marque admire-t-il ? Prend-t-il des risques ? A-t-il fait quelque chose d’exceptionnel ? Est-il en mesure de communiquer des idées improbables à une audience sceptique ?
Se concentrer sur ce que les candidats peuvent et savent faire ainsi que sur les besoins immédiats de l’entreprise est une erreur que font beaucoup de recruteurs. Les choses évoluent, les goûts des consommateurs changent, le marché est en perpétuelle agitation. Se doter de collaborateurs pouvant s’adapter à l’évolution de l’entreprise est une garantie supplémentaire de rester compétitif, aujourd’hui comme demain. Bien entendu, il n’est pas question de mettre tout en œuvre pour recruter une demi-douzaine de Steve Jobs ainsi que cinq ou six Mark Zuckerberg…soyons réalistes ! Néanmoins, il est important de se doter de personnes qui savent expérimenter, qui osent imaginer et qui vont au fond des choses, jouant un rôle essentiel en matière d’innovation dans l’entreprise autant au quotidien qu’à travers des idées et des avancées extraordinaires.
Marylin GUILLAUME