Travailler dans une start-up peut devenir un cauchemar comme le raconte la série WeCrashed, disponible sur Apple TV depuis le 18 mars 2022. La série s’appuie sur l’histoire vraie derrière le succès de la célèbre entreprise WeWork. WeCrashed, littéralement “nous nous sommes écrasés”, raconte la rencontre du couple Neumann, les débuts florissants de l’empire du coworking, et sa décadence. Le PDG, Adam Neumann est incarné par Jared Leto et Rebekah, son épouse, par Anne Hathaway.
WeCrashed : La chute d’un empire
Le contexte de création
Après la crise des subprimes dans les années 2000, de nombreux travailleurs indépendants se sont retrouvés sans locaux abordables adaptés à leurs activités. Dans ce contexte, Adam et Miguel ont créé leur première entreprise : Green Desk. Elle permettait aux entreprises de louer des petits espaces de coworking au design attractif, à Brooklyn. La licorne américaine WeWork a été fondée deux ans plus tard, en 2010, par les deux associés. Le principe est simple : créer une communauté au sein d’un environnement bienveillant et chaleureux où les collaborateurs se sentent engagés et donc améliorent leur productivité. Ainsi, en développant leur culture d’entreprise, les organisations attirent de nouveaux talents et optimisent leur budget.
Le terme “licorne” désigne, dans le jargon de l’entreprenariat, une entreprise incontournable et pionnière dans son domaine. Son concept innovant doit permettre une croissance extrêmement rapide financée par des fonds externes. Enfin, une licorne doit être valorisée à plus d’un milliard de dollars dans les 10 années suivant sa création. En effet, WeWork est devenue la deuxième licorne américaine en 8 ans.
Travailler dans une start-up : le concept WeWork
Le géant du coworking WeWork proposait en location et sous-location des espaces de travail situés dans les quartiers tendances et attractifs des grandes villes. L’objectif : miser sur l’épanouissement, le partage et la QVT, pour favoriser l’effervescence des idées et la créativité.
Plus encore, la start-up propose divers services et expériences communautaires :
- Des espaces ouverts et accueillants au design travaillé
- Des espaces de détentes : baby-foots, tables de ping-pong, canapés confortables, terrasses
- Des espaces cuisine / bar (boissons fraîches, chaudes, bières…). Avec par exemple, le café et l’eau aromatisée disponibles à volonté pendant que les collaborateurs travaillent.
De plus, les membres de la communauté peuvent adapter la configuration de leurs bureaux à leurs besoins. Enfin, les clients peuvent arrêter les frais presque instantanément s’ils souhaitent quitter le coworking. Seulement dix ans après sa création, l’entreprise était présente dans 500 sites, 29 pays et plus d’une centaine de villes.
« Je veux que vous rencontriez votre femme ici. Je veux que vous rencontriez un nouvel associé autour d’un beer-pong. Je veux que vous réalisiez vos rêves, sans avoir peur d’échouer »
Adam Neumann dans WeCrashed
De lourdes révélations
WeWork a été fondée par l’extravagant et charismatique Adam Neumann, ainsi que par Miguel McKelvey, un architecte plus discret que son associé. Partie de rien, la start-up a rapidement séduit les investisseurs.
En 2018, le chiffre d’affaires de la prometteuse entreprise atteint 1,8 milliards de dollars, tandis que ses pertes atteignent elles, 1,9 milliards d’euros. Pourtant valorisée à 47 milliards de dollars, l’entreprise n’avait toujours pas fait le moindre bénéfice en 2019. Aucune rentabilité n’était prévue avant 2026.
Ces résultats peuvent être expliqués par la gestion financière douteuse du PDG Adam Neumann. En travaillant 10 ans dans la célèbre start-up WeWork, il a accumulé environ 4 milliards de dollars de revenus nets. Sous la pression de plusieurs membres de l’administration, il quitte ses fonctions de directeur général le 24 septembre 2019. L’entreprise a dû licencier le tiers de ses effectifs à la fin de l’année 2019.
Travailler dans une start-up : l’envers du décor
Adam Neumann, avant la célébrité
Douze ans auparavant, Adam Neumann peine à gagner sa vie. Originaire d’Israël, il a passé quelques années dans un kibboutz avant d’emménager avec sa sœur à Manhattan. Il cherche la bonne idée qui séduira les investisseurs. La série décrit les échecs entrepreneuriaux qu’il a connu, de celui des talons rétractables à celui des vêtements pour bébés (rembourrés au niveau des genoux).
Son premier projet, Concept Living, cible les jeunes diplômés ne parvenant pas à se loger décemment. Concept Living est un dortoir qui aspire à être avant tout un « lieu de rencontres et d’échanges » à Manhattan. Il travaille et présente le projet lors d’une conférence organisée dans une université. Son objectif est de parvenir à convaincre un investisseur présent dans la salle, pour obtenir un capital de départ et de nouveaux locaux. Mais une étudiante lui fait remarquer que s’ils font tous des études, c’est justement pour ne plus avoir à dormir dans des dortoirs. Face à l’audace et la confiance débordante du jeune entrepreneur, l’investisseur lui rétorqua :
« Je pense que vous allez soit devenir milliardaire, soit finir en prison. »
Néanmoins dans la salle, un homme le remarque, Miguel McKelvey, son futur associé. Il lui propose des locaux très modestes dans l’immeuble où il travaille, à Brooklyn. Très vite, charmé par le personnage, Miguel se lance avec lui dans une nouvelle aventure professionnelle. Il quitte son poste d’architecte du jour au lendemain et passe une nuit entière à travailler sur le dossier de leur première entreprise, Green Desk. Pendant ce temps-là, Adam dort tranquillement chez lui, affirmant que ce qui fait sa force à lui, “c’est la persuasion”.
Quand travailler dans une start-up devient un enfer
Le premier épisode commence par la fin du rêve pour Adam (Jared Leto). Il se réveille dans son luxueux appartement new-yorkais où il vit avec Rebekah (Anne Hathaway.) Pendant que des employés de maison s’affairent à le réveiller, lui, encore allongé sous la couette, consomme de la marijuana. Il est attendu à une réunion. Il ne s’en doute pas encore, mais les membres du conseil d’administration de WeWork vont tenter de le pousser vers la sortie.
Deux semaines avant l’entrée en Bourse de l’entreprise, le 18 septembre 2019, un article du Wall Street Journal révèle les frasques de son cofondateur : méthodes comptables controversées, personnalité mégalomane, management brutal, consommation de drogue et d’alcool excessive et volonté d’amasser 1000 milliards de dollars de fortune personnelle.
Quelques jours après ces révélations, il est contraint de quitter ses fonctions. Mais il s’en va avec un “parachute de platine” : un milliard de dollars pour le remboursement de ses titres, 500 millions pour le remboursement de ses prêts et 185 millions pour les “frais de conseil”. Rappelons qu’à la fin de l’année 2019, WeWork a dû licencier environ 1/3 de ses effectifs.
L’article du Wall Street Journal dénonce également les conditions de travail au sein de la start-up et laisse apparaître l’état de santé mentale des salariés. Le cofondateur harcèle ses collaborateurs, jonglant entre fêtes à répétition au travail et rythme effréné. Le management est brutal, agressif et l’atmosphère toxique. La bienveillance tant promue par la nouvelle multinationale ne s’appliquait donc pas aux talents qui travaillent dans la start-up WeWork.
Les pires excès du couple
- En 2016, quelques semaines après avoir licencié 7 % du personnel, le cofondateur a convoqué tous les collaborateurs présents en affirmant que la mesure était nécessaire afin de réduire les coûts. “Des employés portant des plateaux de verres en plastique remplis de tequila sont ensuite entrés dans la pièce, suivis de toasts et autres boissons.” (…) Darryl McDaniels (du groupe de hip-hop Run-DMC) est alors arrivé, a embrassé le cofondateur et a donné un concert privé pour le personnel.” (Wall Street Journal)
- Rebekah Neumann aurait licencié plusieurs collaborateurs, quelques minutes après les avoir rencontrés, car « elle n’aimait pas leur énergie ». (Gabriel Sherman, Vanity Fair et le Wall Street Journal)
- Lors d’un vol en jet privé (compagnie VistaJet), la fumée de marijuana était tellement importante que l’équipage a été contraint de porter des masques à oxygène pour respirer correctement. Certains jets de la compagnie ont été retrouvés en si piteux état qu’elle a dû les retirer de la circulation temporairement pour réparer les dégâts causé par le fondateur de la start-up. (Eliot Brown et Maureen Farrell, Wall Street Journal)
La crise du Covid-19 n’a pas empêché la licorne d’ouvrir quatre nouveaux sites en France (à la Défense, Saint-Lazare, boulevard Haussmann et rue des Italiens) en seulement un an, malgré la perte d’environ 11% de leurs membres.
Laurène Boussé
Source des images : Apple TV