Alors que l’Union européenne souhaite renforcer le principe d’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail, la transparence des salaires devient un concept révolutionnaire dans le monde du travail de 2024.
Cette pratique, à travers laquelle les salariés ont accès aux rémunérations de leurs collègues — y compris celles des dirigeants —, remet en question les méthodes traditionnelles de gestion des ressources humaines et touche aux fondements même de la culture d’entreprise.
Dans ce contexte, des acteurs innovants comme Shodo émergent, proposant un modèle basé sur la justice sociale, la redistribution et la transparence.
Éclairages.
Vers une culture de la transparence salariale en France ?
Pour se conformer à la directive européenne sur la transparence des salaires adoptée en mars dernier par le Parlement européen, les entreprises françaises devront, d’ici le 7 juin 2026, fournir aux collaborateurs qui le demandent des informations sur les salaires moyens de leurs collaborateurs pour un même travail que le leur.
Mais certaines entreprises n’ont pas attendu cette directive pour agir. En matière de transparence salariale, un certain nombre d’entre elles ont décidé de sauter le pas et font désormais de la culture de la transparence un argument non négligeable en matière de marque employeur, à l’instar de Shodo, une entreprise de services numériques (ESN) se définissant comme une “ESN militante qui casse les codes”.
- Le saviez-vous ? Le mouvement Balance ton salaire a pris une ampleur considérable à l’aube de 2023 sur X (ex-Twitter) où des salariés avaient décidé d’afficher publiquement leur fiche de paie.
Pour autant, une telle culture de la transparence ne se réalise pas sans heurts, loin s’en faut. La question des rémunérations est encore relativement taboue en France. En ce sens, le directeur de l’Observatoire des inégalités Louis Maurin expliquait : “Il y a toujours eu un problème avec la publicité des salaires en France. Les résistances sont fortes. Beaucoup n’ont pas intérêt à la publication de ces données.”
D’autant plus qu’une telle pratique vient bouleverser les fondements mêmes d’une culture d’entreprise bien établie. C’est ce qui s’est passé pour l’agence Marie-Antoinette, dont la fondatrice, Céline Angelini, a adopté la transparence des rémunérations après 12 années d’existence. Au départ, “personne n’était d’accord”, explique-t-elle, ajoutant même que des “démissions ont été enregistrées dans la foulée”. Et pour cause : “On touche là au cœur de l’entreprise. Certains se sont sentis lésés”.
Ces entreprises ayant adoptée la transparence des rémunérations
Jonathan Salmona, CEO de Shodo, explique pour myRHline que cette initiative a été prise pour répondre aux problèmes de turnover et de frustration salariale. Les grilles salariales chez Shodo sont publiques, incluant celles des dirigeants, avec une politique de rémunération plafonnée. Cette transparence a eu un impact positif sur l’efficacité commerciale de l’entreprise et a renforcé sa culture interne, en éliminant la négociation salariale complexe et en favorisant l’équité. Cette approche permettrait de lutter efficacement contre des problèmes récurrents comme le turnover élevé, pouvant être lié à un manque de reconnaissance au travail et de satisfaction salariale.
Par ailleurs, chez Shodo, le taux de turnover est significativement inférieur au taux moyen de turnover en ESN (30 %). Depuis sa création, Shodo n’aura enregistré que 4 départs tandis qu’elle compte une centaine de collaborateurs.
Toutefois, s’il est entendu que Jonathan Salmona considère la transparence salariale comme une bonne chose, il ne croit pas que mener une conduite du changement de manière coercitive aura un (bon) impact. “Je pense que le plus efficace, c’est la preuve par l’exemple”, explique-t-il au micro de Christophe Patte pour myRHline dans le podcast T’as raté le coche.
*Revivez les temps forts du dixième la saison 1 de T’as raté le coche, le podcast de myRHline, avec Jonathan Shodo et Christophe Patte sur le thème suivant : Quand les salariés auront accès aux salaires de leurs collègues.
Chez Alan, où la transparence des rémunérations est également de mise, le DRH Paul Sauveplane expliquait en ce sens comment la transparence salariale constitue un atout pour recruter plus vite : “Quand un candidat entre dans notre processus, il sait très vite à quel salaire exact il peut prétendre, ce qui évite trois semaines de négociation”.
À l’instar d’Alan ou de Shodo, d’autres organisations ont adopté le modèle de transparence des rémunérations, comme Shine ou Thermador, cette dernière notant par ailleurs un meilleur taux d’engagement collaborateur.
Transparence salariale et performance : un lien indéniable ?
La transparence des salaires ne se limite pas à une question d’équité ; elle a également un impact direct sur la performance de l’entreprise.
Pour les entreprises envisageant de passer à un modèle de transparence des salaires, le conseil principal est d’écouter et de répondre aux besoins des employés. Cela peut inclure de meilleures conditions de travail, un équilibre vie professionnelle/vie personnelle et une rémunération plus juste. La transition vers la transparence doit être graduelle et bien pensée, en tenant compte de la spécificité de chaque entreprise.
En conclusion, notons que la transparence des salaires se présente comme un changement culturel majeur dans le monde du travail. Des entreprises comme Shodo montrent la voie en démontrant que la transparence peut renforcer la culture d’entreprise, améliorer la performance commerciale et favoriser l’équité et la satisfaction des employés.
Ce mouvement vers une culture de la transparence pourrait bien redéfinir les contours des pratiques RH dans les années à venir.