En 2023, nous avons passé la barre des 4 000 entreprises en France* dont les salariés ne travaillent plus que 4 jours par semaine, à salaires et objectifs constants. Mais derrière le fait de travailler 4 jours au lieu de 5, deux modèles ont émergé : la « semaine de 4 jours » et la « semaine en 4 jours ». Ces modèles, bien que similaires en apparence, ont des implications très différentes pour les employeurs et les employés.
La semaine en 4 jours : des horaires condensés sur 4 jours
La semaine en 4 jours consiste à comprimer un horaire de travail hebdomadaire standard (35h) sur quatre jours au lieu de cinq. Cela signifie donc des journées de travail plus longues, pour permettre d’avoir un jour de repos supplémentaire chaque semaine.
Ce modèle a l’avantage d’être relativement facile à déployer car la durée hebdomadaire de travail de chaque salarié reste la même. Il faudra alors organiser le travail des équipes et le choix du jour non travaillé, de telle sorte qu’un roulement des effectifs permette d’assurer une continuité de service tous les jours de la semaine.
Ce modèle est compatible avec beaucoup de métiers et de secteurs d’activité. Mais il sera difficile à mettre en place si les équipes sont trop petites en effectifs pour permettre ce roulement dont dépend la continuité de service de l’entreprise.
Cette semaine en 4 jours rencontre encore peu de succès, car elle augmente de fait l’intensité des quatre journées de travail restantes. Ce qui a deux conséquences négatives. D’une part, le volume horaire journalier peut vite induire de la fatigue (35h sur 4 jours font 8h45 de travail par journée, contre 7h quand les 35h étaient étalées sur 5 jours). D’autre part, cela augmente les plages horaires de chaque journée de travail. Les salariés commencent à travailler plus tôt et/ou finissent plus tard leurs journées. Ce qui peut empiéter sur les temps et les impératifs de la vie personnelle (sports, loisirs, sortie d’école, etc). Pour cette raison, encore peu de personnes sont favorables à ce modèle, même si cela peut leur faire gagner une journée de repos supplémentaire par semaine.
Quelques exemples ont été médiatisés, notamment celui de l’Urssaf Picardie qui a décidé en 2023 de passer à 36h de travail sur 4 jours. Un mois après le déploiement de ce modèle, seulement 3 employés sur 200 éligibles s’étaient portés volontaires pour tester la semaine en 4 jours. Ce qui a engendré une série d’articles très critiques, qui ne précisaient pas toujours qu’il s’agissait du modèle “en” 4 jours et non du modèle “de” 4 jours.
Notons au passage que Yprema, l’un des pionniers français de la semaine “en” 4 jours depuis 1997, va finalement passer aux 32h sur quatre jours en 2024.
Voyons maintenant le modèle de la semaine “de” 4 jours, plus prisé par les salariés et les entreprises, mais plus difficile à déployer avec succès.
La semaine de 4 jours : amélioration de la productivité et réduction du temps de travail
La semaine “de” 4 jours, elle, est assortie d’une réduction du temps de travail hebdomadaire, généralement 32h par semaine au lieu de 35. Si la durée du travail baisse, le salaire reste identique, tout comme les objectifs de l’entreprise et de ses salariés. Pour que cela fonctionne, le modèle dépend d’une réorganisation importante du travail visant à augmenter l’efficacité et la productivité des équipes. Ce qui permet aux salariés de produire autant, et parfois plus, en moins de temps. Autrement dit, l’entreprise doit repenser son organisation pour faire en sorte que chacune et chacun travaille moins mais mieux.
L’intérêt de ce modèle est bien de permettre de travailler sur 4 jours sans que ces 4 jours ne soient trop intenses, pour qu’il y ait un réel gain sur l’équilibre vie privée/vie professionnelle (work-life balance). D’où l’importance de ne pas confondre ce modèle avec le précédent.
Et quand cela fonctionne, les salariés ont à la fois un temps de travail réduit (32h, donc 8h par jour), et une journée de repos supplémentaire par semaine. Ce qui permet d’avoir un cercle vertueux : les équipes sont plus reposées, elles sont donc dans de meilleures conditions pour améliorer leur manière de travailler, et peuvent ainsi durablement entretenir ce cap du “travailler moins mais mieux”.
Mais cela ne signifie pas pour autant que ce modèle est simple à mettre en place. Il nécessite de réussir à réorganiser le travail pour trouver de bons leviers d’efficacité. Non seulement cette étape peut prendre du temps (souvent cela prend plusieurs mois), mais en plus il n’est pas garanti que l’entreprise la réussisse. Et sans ça, impossible de rester sur la semaine de 4 jours, ou alors pas en visant les mêmes objectifs qu’auparavant.
Les entreprises pionnières de la semaine de 4 jours, comme LDLC ou Welcome to the Jungle, ont démontré que ce modèle pouvait fonctionner, y compris à des échelles d’effectifs importantes (LDLC compte 6 000 salariés, dans de nombreux métiers différents). Mais elles témoignent sans détour de l’enjeu d’arriver à bien réorganiser le travail.
Laurent de la Clergerie, DG de LDLC, rappelle que c’est ce point qui compte avant tout, plutôt que de se focaliser sur la durée du travail : « On parle beaucoup de temps de travail mais ce n’est pas le sujet, le sujet c’est l’efficacité au travail car dans les faits, on ne travaille pas à fond pendant tout son temps de travail. Les salariés ont le sentiment d’avoir vécu la même journée qu’ils bossent un peu plus ou un peu moins dans la journée. C’est pour ça que l’important, c’est avant tout de supprimer une journée complète de travail dans la semaine, puis de bien penser l’organisation du travail. »
Le cas des cadres au forfait jour
Pour les cadres qui passent à la semaine “de” ou “en” 4 jours, et dont on ne décompte donc pas les heures de travail, ils renoncer généralement à leurs droits à RTT. Ils ne seront plus tenus de travailler les 218 jours par an prévus dans le forfait jour mais auront à travailler 4 jours par semaine toute l’année, sauf quand ils poseront leurs congés payés ou quand la semaine contiendra un jour férié.
*Source : 4jours.work