Le récent scandale McDonald’s en témoigne, sexisme, harcèlement moral et sexuel font plus que jamais partie des enjeux urgents à adresser dans les entreprises. Une enquête Streetpress publiée ce mois-ci comptabilise 78 témoignages pointant vers la relation ténue entre harcèlement au travail et management malsain au sein de la chaîne de fast food McDonald’s. Un nouveau scandale qui s’ajoute à la médiatisation successive des affaires de la Ligue du LOL, d’Ubisoft et bien d’autres. Elles témoignent de la systématisation du harcèlement au sein des entreprises. Comment peuvent se positionner les RH pour mieux protéger les salariés et l’entreprise ?
Comment en est-on arrivés au scandale McDonald’s ?
“Cacher” les femmes considérées au physique disgracieux en cuisine, encourager les employées de caisse à sexualiser leur apparence à l’aide de leur tenue et de maquillage, dissuader la dénonciation des abus par des licenciements abusifs… La liste des torts reprochés à l’enseigne, son management et la culture d’entreprise qu’il diffuse est longue et les témoignages accablants concernant la QVCT.
Le scandale McDonald’s révélé par Streetpress accumule des témoignages qui traduisent une violence presque silencieuse. Un ancien employé parle de son manager : “En privé, il leur demandait quelle était la couleur de leur soutien-gorge. Et bien souvent quand la fille avait un sous-vêtement coloré, on l’envoyait au McCafé, où les employées sont vêtues d’une chemise blanche transparente”.
“Dès le matin à 7h c’était : “Elle, je lui mettrais bien une cartouche”.” peut on lire dans les témoignages. Une manager explique avoir reçu des consignes claires de sa direction : “On ne mélange pas les torchons avec les serviettes. Toi t’es manager. À eux, tu ne leur donnes rien”. Résultat, des séquelles durables sur la santé mentale : “Le médecin m’a diagnostiqué une dépression et des troubles anxieux” explique une ancienne employée.
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Le scandale McDonald’s illustre une dynamique de groupe malsaine
Dans les affaires médiatisées comme le scandale McDonald’s, on note des groupes qui s’opposent. Les managers sont dissuadés de créer des liens avec leurs équipes dans le but de conserver la mainmise sur les informations et leur autorité. Tandis que les employés s’unissent en solidarité pour remplacer le rôle protecteur que la direction ne remplit pas. On y entrevoit une déformation du management top-down.
Les récits choquent par la violence psychologique normalisée. Des pratiques passées sous la loi du silence pendant des années remontent à la surface. Bien souvent, les personnes aux fonctionnements abusifs bénéficient du soutien d’un groupe haut placé dans l’organigramme. Est imposée une omerta, parfois jusqu’au niveau des décideurs. Dans ces cas, une direction qui ne propose pas de solutions renforce la dynamique de groupe malsaine.
Selon l’enquête Streetpress sur le scandale McDonald’s, 90% des recrutements de demandeurs d’emploi se font pour remplacer des démissions. Les candidats issus d’une situation précaire arrivent dans des conditions de travail où les conflits ne sont pas résolus. Par ailleurs, 40% de ces nouvelles embauches partent de l’entreprise en moins d’une année. Cette proportion importante de départs montre la difficulté de perdurer dans des situations déséquilibrées.
Comment lutter contre le harcèlement au travail ?
La médiatisation du harcèlement au travail à travers le scandale McDonald’s montre l’ampleur de la problématique et son impact sur le salariat. Au fur et à mesure que les salariés brisent la loi du silence, on ne peut nier la responsabilité sociétale de l’entreprise de rapidement identifier et de solutionner ces situations.
Opération sensibilisation
L’article L. 1153-5 du code du travail oblige tous les employeurs à communiquer avec leurs salariés et candidats sur le harcèlement sexuel au travail. Ceci peut être fait dans le règlement intérieur. Certaines entreprises pointées du doigt ont depuis mis en place des mesures de sensibilisation à la lutte contre le harcèlement au travail. Par exemple, elles organisent des formations pour les managers afin de les habiliter à repérer les comportements malsains, les désamorcer et les solutionner.
Le pouvoir des syndicats
Dans le cas du scandale McDonald’s, les salariés se sont organisés sous un collectif pour dénoncer les fautes de management. En août de cette année, le syndicat Solidaires informatique a lancé un appel à témoignages à l’encontre d’une filiale du groupe Ubisoft. En rassemblant les salariés, ces initiatives pointent vers une solidarité de groupe et peuvent impacter sur la marque employeur de l’entreprise. Le dialogue social est donc de mise pour éviter ce type de conflit. Dû à la loi du silence, les RH se rendent compte trop tard des agissements des uns et des autres, notamment en recevant la démission des salariés victimes de harcèlement moral ou sexuel.
Rétablir les limites entre liens personnels et vie professionnelle
Autre point commun des cas de harcèlement sexuel ou moral : la proximité. Une ambiance “familiale” ou faussement conviviale facilite le passage à l’acte des harceleurs, il arrive même qu’ils ne rendent eux-mêmes pas compte de la gravité de leurs agissements et de leur impact. Travailler dans une ambiance décontractée oui, mais il faut veiller à ce que la camaraderie n’entrave pas le respect d’autrui, notamment de la parité et de la diversité en entreprise.
Les harceleurs peuvent agir seuls, mais bien souvent, ils ne le font pas dans le secret et savent s’entourer de collaborateurs pour les protéger. Dans un premier temps, il faut casser l’image des talents enfants prodiges exempts des règles de vie en entreprise. La remise en cause du statut du visionnaire à qui il faut tout passer envoie le signal que personne n’est au dessus du code du travail. Dans un deuxième temps, lutter contre le harcèlement au travail remet l’accent sur les valeurs de l’entreprise, plutôt que les liens personnels de loyauté.
Les RH face aux dysfonctionnements entre harcèlement au travail et management
La RH n’est pas omnisciente, mais encore trop de fois, les cas de harcèlement moral ou sexuel sont découverts le jour de la démission de la victime. Les RH peuvent définir d’une stratégie de prévention ainsi qu’une procédure de gestion des plaintes, s’assurant que tous les cas soient examinés avec la même attention. Dans les grandes entreprises une personne ou équipe référente peut endosser le rôle d’élaborer une procédure interne. Bien évidemment, il en revient à cette équipe d’assumer une posture neutre et hermétique vis-à-vis des conflits. Les victimes doivent pouvoir parler sans crainte d’être ostracisées, de voir leur carrière impactée.
La lutte contre le harcèlement au travail est un engagement au quotidien à côté duquel les entreprises ne peuvent plus passer, sous peine de voir des équipes entières s’écrouler et leur marque employeur lourdement impactée. Inversement, la résolution de situations en faveur du bien-être des salariés est également fédératrice, un salarié qui sait que l’entreprise saura résoudre les conflits malsains a plus de chance de s’épanouir et vouloir rester au sein de l’entreprise. Les RH ont un rôle crucial à jouer, pour cela il leur faut assumer une posture impartiale et faire partie à part entière des décideurs, donc du Comex.
Mai Trebuil et Angèle Linares