RH DU MOIS. Passionnée par les relations humaines, Sarah Hedgar trace un parcours riche et atypique dans l’univers exigeant de l’hôtellerie de luxe. Des plages de Bora Bora aux salons feutrés de Bordeaux, elle a multiplié les expériences, osé les virages, assumé les choix difficiles. Ce parcours mouvant, audacieux, n’a jamais été linéaire. En revanche, il a toujours été porté par une vision claire : placer l’humain au centre, en accord avec ses valeurs profondes.
Aujourd’hui, Sarah Hedgar est DRH au Grand Hôtel InterContinental Bordeaux. Pour nous, elle revient sur son cheminement professionnel, les compétences qu’elle considère comme essentielles et sa façon singulière d’incarner la fonction RH.
Quel regard porte-t-elle sur les défis humains du luxe ? Comment construit-elle des parcours professionnels sur mesure pour ses collaborateurs ? Et en quoi son parcours hors normes est-il devenu une force au quotidien ?
Pourquoi avoir choisi une carrière dans les ressources humaines ?
J’ai toujours été très sensible aux autres. Depuis longtemps, je nourris une véritable fascination pour l’être humain. C’est ce qui m’a poussée à faire des études en sociologie à Paris, où je me suis passionnée pour l’ethnologie, l’anthropologie, et toutes les disciplines qui explorent notre fonctionnement collectif.
Progressivement, j’ai réalisé à quel point les ressources humaines permettaient de faire le lien entre individu et organisation. J’ai compris que je pouvais avoir un impact concret sur la façon dont une entreprise fonctionne, évolue, s’humanise. Pour moi, chaque être humain a un rôle à jouer dans la construction du monde, et j’avais envie de participer à cette dynamique.
Quelles sont les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
J’ai un parcours marqué par la diversité, le mouvement, l’audace. Le changement ne m’a jamais fait peur. Après un master en gestion des ressources humaines et en droit, j’ai débuté avec des stages, notamment à l’InterContinental en Polynésie. Ce fut une révélation : le secteur de l’hôtellerie de luxe m’a tout de suite passionnée, tout comme la découverte d’autres cultures.
De retour en France, j’ai poursuivi en alternant expériences terrain et formations. J’ai travaillé au Hyatt à Paris, dans un hôtel 5 étoiles, où j’assistais la DRH sur de nombreux volets. C’était très formateur, car j’étais impliquée sur plusieurs missions à la fois. Par la suite, j’ai occupé des fonctions dans la restauration haut de gamme, puis chez Atol les opticiens, où je me suis spécialisée en relations sociales.
Mais j’avais besoin de retrouver le terrain, le rythme, les défis. J’ai donc accepté un poste à Saint-Barthélemy pour remplacer une DRH. Malgré un CDI stable à Paris, j’ai donc tout quitté. Ce choix était en phase avec ma manière de voir le travail.
Le CDI n’est pas une fin en soi, je privilégie l’expérience et l’épanouissement.
J’ai ensuite participé à l’ouverture de l’hôtel Barrière Les Neiges à Courchevel, une aventure aussi intense qu’exigeante. Après cette saison complexe, j’ai pris six mois pour voyager en Asie. Une parenthèse qui m’a permis de me recentrer, de réfléchir à mon avenir.
De retour en France, j’ai suivi un MBA en marketing de luxe. J’ai toujours pensé que les RH devaient intégrer davantage de compétences en communication. Ce MBA m’a enrichie à plusieurs niveaux. Notamment en me permettant de me confronter à d’autres secteurs, comme la cosmétique ou l’art, que j’affectionne tout particulièrement.
Peu de temps après, j’ai été recontactée pour retourner en Polynésie. J’y ai évolué sur le développement RH, puis en tant que DRH. C’est aussi à ce moment que j’ai vécu une expérience très forte : la fermeture d’un établissement, en plein Covid.
Finalement, après d’autres missions, j’ai vu passer une offre pour l’InterContinental Bordeaux. J’ai pris les devants : j’ai deviné l’adresse mail du directeur et lui ai envoyé directement ma candidature. Cela a fonctionné et, aujourd’hui, je suis à ma place.
Comment vos expériences ont-elles façonné votre approche RH ?
Chaque étape, chaque environnement a nourri ma vision. Je me suis toujours intéressée à d’autres champs que les RH : les neurosciences, l’art, l’histoire, le talent development. Mon cerveau est en perpétuel mouvement, et je refuse de me cantonner à une seule approche.
Je pense qu’on ne peut pas innover si l’on reste enfermé dans un seul domaine. J’aime détourner, mélanger, faire dialoguer des compétences variées pour enrichir mon approche. Cela me permet d’apporter un regard différent, de sortir des schémas figés, et de faire évoluer mon environnement.
Quels ont été les moments charnières de votre parcours ?
Deux moments m’ont particulièrement marquée. L’ouverture de l’hôtel Barrière Les Neiges d’abord. Il a fallu gérer une centaine de recrutements, organiser des job datings, construire toute la stratégie RH, préparer les équipes, suivre les formations. L’intensité était immense, mais j’ai beaucoup appris.
Et puis, à l’opposé, la fermeture d’un établissement en Polynésie. Une décision très lourde à mettre en œuvre. Il a fallu accompagner humainement de nombreux licenciements. Créer du lien, expliquer, rassurer, écouter.
C’était très fort d’un point de vue émotionnel car dans un territoire insulaire, où l’économie repose en grande partie sur le tourisme, la responsabilité est encore plus grande. Il ne s’agit pas que des salariés, mais de tout l’écosystème qui gravite autour de l’hôtel.
Quelles compétences vous semblent essentielles pour un DRH aujourd’hui ?
La première, c’est la vision stratégique. C’est ce qui permet d’anticiper, d’éviter les crises, de penser le long terme. Trop souvent, on ne l’acquiert qu’avec l’expérience, mais je pense qu’on pourrait la développer dès le départ.
Ensuite, il faut être agile. C’est-à-dire être capable de s’adapter à des contextes mouvants, à des environnements complexes. Cette flexibilité est devenue indispensable.
Je pense aussi à la gestion de la charge émotionnelle. On parle peu de l’impact mental des métiers de la fonction RH. On est en contact permanent avec les équipes, les émotions, les tensions. Il faut être à l’écoute, mais savoir protéger sa propre énergie.
Enfin, le leadership. Savoir embarquer, faire adhérer, inspirer. Le DRH est un maillon clé du changement. Il doit savoir porter une vision et la rendre concrète.
Quelle est votre vision de la fonction RH d’ici 2030 ?
Je pense que deux grandes tendances vont devoir s’accorder. La première, c’est la digitalisation. Il faut tirer pleinement parti des outils pour automatiser ce qui peut l’être et se recentrer sur l’humain.
La seconde, c’est la personnalisation. Les salariés attendent des parcours adaptés à leurs aspirations, à leurs compétences, à leur évolution. Ce que nous faisons pour les clients du luxe, il faut aussi le proposer aux collaborateurs.
Je crois aussi beaucoup en la diversité et l’inclusion. Dans l’hôtellerie de luxe, on commence à accueillir des profils atypiques, issus d’autres horizons. Il faut aller plus loin en matière de créativité RH. Cela signifie de repenser les fiches de poste, détecter les singularités, former les potentiels.
La compétence peut s’acquérir. Mais la personnalité, la curiosité, le sens du service, ce sont des qualités précieuses. Ce sont elles qui feront la différence demain. Pour 2030, je crois donc à une RH sur mesure, inclusive, et centrée sur la singularité de chacun.
- Retrouvez la Directrice des Ressources Humaines du Grand Hôtel InterContinental de Bordeaux sur LinkedIn : Sarah Hedgar
- Sur une thématique similaire : Quand le luxe casse les codes du recrutement