Le nombre d’entreprises s’intéressant à l’utilisation des réseaux sociaux pour leurs recrutements augmente. Cet intérêt croissant se traduira-t-il par une intégration réelle des réseaux sociaux dans les process de recrutement ou leur utilisation est-elle vouée à rester marginale ?
77%. C’est le nombre de responsables RH qui pensent que les réseaux sociaux professionnels vont prendre une place grandissante dans les cinq prochaines années (source : enquête menée en ligne par Viadeo, Link Humans et Ipsos en septembre 2012 auprès de 390 DRH et responsables recrutement issus des secteurs qui recrutent le plus). Néanmoins, à la question « que feriez-vous avec un budget d’un million d’euros ? », ils ne sont plus que 26% à être prêts à investir dans l’animation de communauté sur les réseaux sociaux et 19% à prévoir l’embauche d’un community manager.
Des freins demeurent, « la peur et l’ignorance : les entreprises voient d’abord la dimension risque et ne savent pas comment faire et ce qui se passe sur les réseaux », constate Laurent Brouat, directeur associé chez Link Humans, conseil en stratégie de recrutement innovant. « On a pourtant dépassé le stade de l’évangélisation, des entreprises comme Bouygues Construction, Accor, Allianz, La Poste, BNP Paribas, sont déjà dans le mouvement ou sont prêtes à y aller, ne serait-ce que pour une phase test », poursuit-il. Cependant, Franck La Pinta, responsable Marketing Web et RH 2.0 à La Société Générale, qui se penche sur le sujet depuis 2008, note des difficultés à passer au stade de l’industrialisation, après une phase d’expérimentation, « pas la plus difficile, qui a été menée en périphérie des sujets spécifiquement RH, guidée par l’idée qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’y aller. »
À côté des grands groupes, qui font figure de locomotives pour faire avancer le sujet, une majorité d’entreprises s’interrogent encore sur l’impact réel des réseaux sociaux en recrutement ou n’ont pas acquis une maîtrise de leurs usages.
Pour ce qui est de leur impact, elles peuvent trouver des réponses dans l’étude citée précédemment ainsi que dans celles menées sur ce thème, également en 2012, par Adecco et RegionsJob. Il varie selon les secteurs d’activité, le type de profil recherché, l’état du marché de l’emploi sur certains métiers. Une entreprise qui par exemple recrute beaucoup de techniciens ne les trouvera pas forcément sur LinkedIn qui recense plus de cadres que de non cadres. Du moins à ce jour car les choses évoluent vite en la matière. Il varie aussi selon l’énergie et les ressources que vous décidez de consacrer à la démarche. Une chose est sûre, c’est dans la pratique que se trouvent les réponses les plus probantes. A l’exception de celle du ROI : « Nous n’avons pas aujourd’hui les outils nous permettant de dire combien de candidats viennent des réseaux sociaux. Qui plus est, les candidats peuvent-ils le dire eux-mêmes ? Ils ont vu passer une information dans plusieurs endroits, ils n’ont pas de zones étanches dans le cerveau », pointe Franck La Pinta.
Un univers, pas un outil parmi d’autres
« L’énorme erreur consiste à utiliser les médias sociaux comme un outil de l’écosystème du recrutement. Il faut les voir comme un univers à part entière et donc jouer avec les règles de cet univers », pointe Laurent Choain, DRH groupe de Mazars. Après avoir expérimenté des approches avec plus ou moins de succès, les entreprises pionnières arrivent à un point de maturité dans leur façon d’aborder les médias 2.0. « Nous les avons essayés à côté des process, sans remettre ces derniers en cause », constate Franck La Pinta. Il s’agit à présent de les intégrer à la stratégie RH des entreprises, en ayant conscience qu’ils abolissent bien des frontières. L’agilité est donc de mise, les entreprises y sont-elles prêtes ? Comme le pointe Laurent Choain, « les notions de recrutement, formation, développement de carrière, etc. explosent littéralement ». Intégrer les réseaux sociaux suppose d’envisager un nouvel horizon, tel que celui décrit par Alexandre Pachulski dans son livre « Les nouveaux horizons RH » (Ed. Diateino, octobre 2012), de redéfinir « notre rapport à l’information, au travail, à l’autorité », comme le pointe l’auteur.
Parmi les entreprises novices dans l’utilisation des réseaux sociaux en recrutement, l’Agefiph. Sa responsable RH, Sylvie Méchadier explique : « Nous avons du mal à trouver des profils classiques avec les jobboards, l’Apec ou Pôle Emploi, ou encore des profils plus spécifiques à notre activité, comme des chargés d’études et développement ou des conseillers en prestation, nous sommes en train de débuter sur LinkedIn et Viadeo, avec dans notre équipe, une personne en charge du sourcing sur ces plateformes. » La démarche est trop récente pour qu’elle puisse encore en tirer quelque conclusion que ce soit, hormis ce constat, commun à ceux qui débutent : les réseaux sociaux, il faut s’y mettre, cela prend du temps et certains réflexes sont à acquérir. Des réflexes de connexion, mais aussi, mais surtout, des attitudes : il s’agit sur les réseaux « sociaux » de créer du lien, comme leur nom l’indique et comme les automatismes le font vite oublier.
Les questions à se poser quand on veut recruter sur les réseaux sociaux
Laurent Brouat, de Link Humans, attire votre attention sur ces points car il importe de faire passer la réflexion avant de faire un choix d’outil :
- Quel est le volume de vos recrutements ?
- Vos recrutements concernent-ils une ou plusieurs zones géographiques ?
- Qu’est-ce qu’un candidat voit de mon entreprise ? Quelle est la présence de cette dernière ?
- Quel est le type de profil que je recherche ? Est-il sur les réseaux sociaux ?
- Quid des ressources que l’entreprise est prête à positionner sur le sujet ? « Il faut y aller soi-même pour comprendre ce que c’est, en sachant qu’il y a un temps d’apprentissage et d’expérimentation incompressible, que l’on soit accompagné ou pas », précise-t-il. Cette pratique personnelle permet d’orienter les décisions.
- Quid de la réputation personnelle du recruteur ? « N’oubliez pas que les candidats font comme vous, ils se renseignent sur Google, sur l’entreprise et sur la personne qu’ils vont rencontrer en entretien ».
Sophie Girardeau