Le dernier rapport IGAS “Handicaps et emploi” 2019-2020 de l’inspection générale des affaires sociales détaille la disparité qui touche les travailleurs handicapés au travail. 1 Français sur 5 présente une maladie chronique évolutive. Basé sur plus de 2200 entretiens et témoignages, le rapport fait l’état des lieux et propose des pistes de réflexion mêlant gouvernance, handicap et santé, un sujet de plus en plus d’actualité pour les RH.
Un écart révélateur de la réalité des travailleur handicapés
2,8 millions de personnes en âge de travailler détiennent le statut administratif de travailleur handicapé. Or, 5,9 millions de personnes en âge de travailler déclarent souffrir d’un problème de santé durable (depuis plus de 6 mois) qui rend certaines actions quotidiennes difficiles. On voit là un écart entre ceux qui ont obtenu une reconnaissance officielle et ceux qui voient leur quotidien est impacté par une pathologie handicapante sans pour autant la déclarer comme telle. La non-reconnaissance du handicap par les personnes qui en souffrent elles-mêmes ou par l’administration doit dialoguer avec un environnement de travail souvent inadapté.
Alors que le handicap au travail a augmenté sous l’effet du vieillissement de la population (44%) et de l’augmentation des maladies chroniques évolutives (22%), 59% des situations de handicap sont liées au travail ou aggravées par l’activité professionnelle. Enfin, 11% des cas de handicap sont liés à un accident de travail. Mêler productivité et inclusion fonctionne de pair avec certains traitements de plus en plus performants qui permettent de soutenir l’emploi de travailleurs handicapés, dans certains cas le travail participe même à l’amélioration de la pathologie.
La diversité des handicaps rend son adaptation d’autant plus complexe, pas tous les handicaps sont visibles et facilement reconnus par des personnes peu informées.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème d’aménagement de bureaux ou physique.
Les handicaps liés au trouble mental peinent à être reconnus alors que l’OCDE estime qu’une personne sur 5 serait atteinte.
Un cadre complexe freine l’inclusion du handicap au travail
D’une part, le cadre légal et administratif qui s’est complexifié au fil des années n’améliore pas l’intégration de personnes handicapées au travail. D’autre part, la stigmatisation sociale encore très forte peut dissuader les personnes atteintes d’un handicap non-visible d’entamer des démarches pour le faire reconnaître. Afin de bénéficier des interventions de l’Agefiph ou du FIPHFP, la personne doit avoir obtenu au préalable le statut de “travailleur handicapé”, ce qui rend la prévention difficile d’accès pour les salariés dont le handicap n’est pas reconnu.
Le financement du manque d’emploi de travailleurs handicapés
18% des personnes handicapées en âge de travailler sont au chômage contre 9% sur l’ensemble de la population. Selon le rapport, le secteur privé compte 3,5% de travailleurs handicapés reconnus et le secteur public 5,5%. L’obligation légale d’emploi de personnes handicapées fixée en 1987 est de 6%. On peut en déduire que la grande majorité des entreprises payent un malus.
Vers une ouverture du cadre et mieux inclure le handicap au travail
Le rapport pointe vers des pistes pour construire un avenir plus cohérent pour l’emploi de personnes handicapées : revoir les sources de financement et les modalités d’accompagnement.
Aujourd’hui, le malus payé par les entreprises contribue à soutenir des organisations qui oeuvrent à l’amélioration des conditions d’emploi et de la QVCT des travailleurs handicapés. Plutôt que d’imposer une contribution financière quand l’entreprise n’atteint pas les 6% requis, pourquoi ne pas repenser l’environnement de travail pour qu’il soit de facto adaptable à tous ? C’est le cas de la Suède qui propose même des bonus financiers aux bons élèves. La France vient par ailleurs de faire un pas dans cette direction avec la prime pour dynamiser l’embauche des travailleurs handicapés. Pour les entreprises, il s’agit de simplifier les démarches administratives vers une inclusion plus fluide des travailleurs handicapés, qui à leur tour se sentiront véritablement accueillies au sein d’un environnement de travail adapté.
En France, le statut de “travailleur handicapé” est attribué uniquement sur la base de facteurs médicaux et non par rapport à l’environnement de travail qui comme en atteste le rapport, impacte grandement l’état d’une personne handicapée, s’il n’est pas directement à l’origine même du handicap. L’évaluation du handicap doit évoluer tout comme son rapport avec la politique de santé au travail. À l’heure actuelle, l’évaluation du handicap est appréciée à titre individuel, presque décorrélé de l’emploi qu’occupe la personne. Si demain elle combine de manière plus holistique, à la fois les capacités de la personne et l’environnement de travail, alors une réelle inclusion de travailleurs handicapés serait envisageable.
Mai TREBUIL