Depuis mai 2019, les entrepreneurs peuvent inscrire une raison d’être d’entreprise dans leurs statuts dans le cadre de la Loi PACTE (article 1933 du Code Civil). Pour 85% des Français interrogés dans le cadre d’une enquête Boston Consulting Group en pleine crise sanitaire, les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la construction d’une société plus durable et écologique. Touchant à la fois à la quête de sens des collaborateurs et au rayonnement de l’entreprise au sein de son secteur, considérer la raison d’être d’entreprise comme un simple coup de communication est mal la comprendre.
La raison d’être d’entreprise est une intention stratégique
82% des répondants à l’enquête BCG vont même jusqu’à évoquer le souhait de voir la prise en considération des résultats environnementaux et sociaux au même niveau que les performances financières. Ceci concorde avec la volonté du gouvernement de faire des entreprises de véritables vecteurs de changement sociétaux et environnementaux. L’inscription d’une raison d’être d’entreprise répond à la fois à la fameuse quête de sens des collaborateurs et les enjeux de performance. Si le coup de communication est tentant, adhérer à une raison d’être intimement inscrite dans le cœur de l’activité de l’entreprise est une démarche révélatrice d’un engagement à long terme.
L’inscription de la raison d’être de l’entreprise dans ses statuts est structurante et se fait stratégique par la mise en valeur l’impact que peut avoir l’entreprise grâce à ses avantages concurrentiels. En se basant sur ses observations économiques, sociétales et environnementales, l’entreprise peut se positionner en tant que prescripteur, lui conférant une plus grande légitimité et marge de manœuvre. De plus, ses liens étroits avec les différentes parties prenantes permettent à l’entreprise d’émettre des recommandations et passer à l’action de manière concrète.
Comment envisager la raison d’être de votre entreprise ?
La raison d’être de l’entreprise constitue une référence pour l’ensemble des salariés de l’entreprise, quelle que soit leur activité. Elle vient enrichir la culture d’entreprise et touche à divers aspects du modèle économique aux opérations jusqu’à la fidélisation puisqu’elle contribue à la quête de sens des collaborateurs.
La raison d’être d’entreprise ne s’invente pas du jour au lendemain, au contraire, elle est la somme de l’état passé et présent de l’entreprise ainsi que l’avenir vers lequel elle tend. Les sessions de réflexion pourront s’appuyer sur l’exercice japonais de l’Ikigaï, selon l’exemple du groupe Norsys. D’autres façons de procéder existent telle que la définition du Professeur Todd Zenger qui s’articule en trois piliers : l’intention stratégique, l’écosystème de l’entreprise (les parties prenantes) et la manière de procéder (structure d’entreprise et actifs stratégiques). Voici quelques questions pour démarrer la réflexion :
- Quels enjeux rencontre l’entreprise dans le cadre de son activité ?
- Comment s’appuyer sur ses actifs et son vivier de talents pour contribuer à ces enjeux ?
- Comment maintenir un équilibre entre profit et contribution sociale et environnementale ?
- Envisagez-vous une transformation ? Quelle place y tient la raison d’être ?
- La raison d’être est-elle pensée pour perdurer ? Dépasse-t-elle le mandat du PDG actuel ou la hiérarchie actuelle ?
- La mission de l’entreprise est-elle accessible et compréhensible de tous, notamment les non-initiés au secteur de l’entreprise ?
Définir la raison d’être de l’entreprise de manière collective
Sortir du Comex et ouvrir la réflexion aux collaborateurs permettent d’agrandir la perspective et d’identifier de nouvelles pistes d’impact. C’est aussi l’occasion d’impliquer l’ensemble des effectifs et répondre à la quête de sens des collaborateurs. En consultant toutes les parties prenantes, les décideurs complètent leur vision et accèdent à des points de vue plus granulaires sur certains enjeux remontés du terrain.
À la différence d’un label certifiant extérieur qui viendra imposer ses critères de succès, l’entreprise peut elle-même définir de ses propres indicateurs de performance. Ceux-ci s’articulent autour de la définition même de la raison d’être de l’entreprise.
- Comment les activités ont-elles eu un impact positif sur son environnement ?
- Comment a-t-elle contribué au bien-être ou au développement des salariés ?
- Quels combats a-t-elle soutenu de manière concrète ?
- Quels critères composent une éventuelle grille d’évaluation de ces efforts ?
Anticiper les risques de la raison d’être de l’entreprise
Attention une fois engagée, la raison d’être touche à l’ensemble les parties prenantes de l’entreprise, que ce soit dans le mode de gouvernance ou au niveau des opérations, elle peut entraîner des rapprochements ou des ruptures. Par exemple, si l’entreprise s’engage à réduire son empreinte carbone, elle sera peut-être amenée à changer de fournisseur dans le cadre d’une adaptation de ses modes opérationnels. En effet, quand elle fait partie intégrante de l’entreprise, la raison d’être provoque des changements de pratique. C’est aussi pour cela qu’il est judicieux d’impliquer toutes les parties dès la réflexion de départ.
- Quel impact aura la raison d’être sur la relation avec les parties prenantes externes à l’entreprise ?
- Cette nouvelle raison d’être d’entreprise implique-t-elle des risques juridiques ?
- Dans quel contexte pourrait-elle impacter négativement la performance de l’entreprise ?
RH, faites de la raison d’être d’entreprise une réelle valeur ajoutée
Faire preuve d’opportunisme et s’attaquer à un enjeu actuellement fortement médiatisé se révèle faire preuve de manque de stratégie. La raison d’être d’entreprise rayonne à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise, ce qui fait d’elle un enjeu concurrentiel et stratégique. Réussir à embarquer les collaborateurs autour d’une raison d’être fait d’elle un outil d’engagement, puis de recrutement quand les collaborateurs la font rayonner de part leurs activités. Au cœur d’une transformation culturelle de l’entreprise, la raison d’être d’entreprise rassemble les valeurs qui ont motivé ces changements. Lorsqu’elle prend pleinement sa place au sein de l’entreprise, elle devient l’ancrage ainsi que l’inspiration qui pousse chacun à se dépasser, à la fois synonyme de performance et de collaboration.
Maï TREBUIL